Dix ans de saignée dans les effectifs de l'État territorial

Philippe Pottiée-Sperry
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Saignée dans les effectifs de l'État territorial sur dix ans

Entre 2012 et 2020, les services de l'État territorial ont perdu pas moins de 14% de leurs effectifs. Pointant des suppressions « pas réalistes », la Cour des comptes dresse un constat sévère avec notamment pour conséquence la désorganisation des préfectures qui s’en est suivie.

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« Les observations mettent en évidence le fait que les préfectures ont subi des suppressions de postes importantes et continues depuis 2010, qui n'ont pas été réalistes. Aujourd'hui, ces services ne fonctionnent qu'au moyen de contrats courts qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services ». Le jugement de la Cour des comptes est sévère dans son rapport rendu public le 31 mai sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État (ATE), pour les exercices 2010 à 2021. 
A cela s’ajoute une forte baisse des effectifs des autres services de l'État, sous l'autorité des préfets, souvent plus élevée que leur part dans les ministères auxquels ils appartiennent.

Perte de 12 000 équivalents temps plein
Ayant succédé à la RGPP (revue générale des politique publiques), la RéATE (réforme de l'administration territoriale de l'État, lancée en 2010, aura fait mal avec dix années de réductions ininterrompues d'effectifs. Résultat : la perte de 11 763 équivalents temps plein (ETP), entre 2012 et 2020, tous ministères, tous programmes et tous niveaux (régional et départemental) confondus, soit pas moins de 14% des effectifs. 
Autre constat de la Cour des comptes : les gains sur les missions prioritaires dégagés dans le cadre du plan préfecture nouvelle génération (PPNG) de 2016 ont été effacés par le maintien de réductions d'effectifs importantes après 2018.

« Recours massif » à des vacataires
Aujourd'hui, les préfectures ne fonctionnent qu'au moyen de contrats courts qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services. Les magistrats financiers épinglent, en effet, un « recours massif » à des vacataires, « destinés non seulement à faire face à des pics d'activité, mais également à compenser des suppressions de postes ». Conséquences : la précarité des titulaires et la désorganisation des services des préfectures.
Concernant les DDI (directions départementales interministérielles), elles ont perdu pas moins de 30,8% de leurs effectifs. Cette réduction a été particulièrement forte dans les ministères chargés de l'écologie et du social. 

Risque de ne pas trouver de candidats
« L'année 2022 marque la fin de cette trajectoire avec une stabilisation des emplois pour la première fois depuis au moins dix ans », salue la Cour. Mais face à l'âge moyen élevé des agents concernés et au déficit d'attractivité de certains territoires, « l'enjeu est désormais d'éviter que les postes préservés ne restent vacants faute de candidats », prévient-elle. Les magistrats financiers suggèrent au ministère de l'Intérieur d’allouer ses effectifs « de manière plus fine à la fois entre préfectures, en fonction du niveau d'activité, et au sein de chaque préfecture, en fonction du degré de priorité des missions exercées ».
La Cour recommande donc de limiter le recours aux contractuels dans les préfectures mais aussi d’élaborer une méthode d'évaluation des effectifs de référence par préfecture pour déterminer leur répartition à la hausse comme à la baisse.

Rééquilibrage des emplois entre préfectures
Dans une réponse datée du 16 mai, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, souligne le « travail très complet » de la Cour des comptes et affirme partager ses constats « très clairs » : schémas d'emplois « irréalistes » pour les préfectures, effacement des gains dégagés par le plan préfecture nouvelle génération par les schémas d'emplois d'après 2018, réduction très forte des effectifs des DDI et « en particulier de la part des ministères chargés de l'écologie et du social ». 
Le ministre indique avoir stoppé, dès son arrivée Place Beauvau, cette diminution ininterrompue des effectifs des préfectures pour sauvegarder le « maintien de la capacité d'action du réseau préfectoral au profit des missions prioritaires de l'Etat ». Par ailleurs, Gérald Darmanin dit partager les recommandations de la Cour et travailler déjà à un rééquilibrage des emplois entre préfectures « en fonction de la réalité des besoins de chaque région ». Il a aussi créé un observatoire des effectifs de l'ATE afin de fiabiliser les données relatives aux emplois au niveau régional et départemental.

Philippe Pottiée-Sperry
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