Promesse d’une hausse du point d’indice « avant l’été »

Philippe Pottiée-Sperry
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Revalorisation du point d'indice

Enjambant l’élection présidentielle, le gouvernement vient de promettre une hausse du point d’indice, servant à calculer le traitement des agents publics, « avant l’été ». Une annonce qui n’aurait rien à voir avec la période actuelle… 

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« Ce n’est pas une décision électoraliste mais économique », a affirmé Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, après avoir promis une hausse du point d’indice « avant l’été » aux quelques 5,7 millions d'agents publics. L’annonce a été faite dans la foulée de la conclusion de la conférence sur les perspectives salariales, le 14 mars. Le dégel, réclamé régulièrement par les organisations syndicales depuis cinq ans mais toujours rejeté par le gouvernement, s’expliquerait aujourd’hui par le contexte économique. « Nous n’avons jamais connu une inflation aussi forte depuis 1991 », expliquait ainsi la ministre, le 15 mars, au micro de France Info. L’inflation devrait en effet atteindre entre 3,7 et 4,4% en 2022, selon les prévisions de la Banque de France. 
En pratique, cette hausse passerait par un projet de loi de finances rectificative adopté par le Parlement dès cet été. Son montant n’est pas encore précisé mais on avance le chiffre d’au moins 1%. A savoir qu’un relèvement de 1% du point d’indice revient à 2 Md€ pour l’ensemble de la fonction publique, dont 640 M€ pour la territoriale. Des discussions doivent se dérouler jusqu’à la fin mars avec les organisations syndicales et les employeurs publics. 

Une annonce « étonnante » pour les élus locaux

Parmi les premières réactions d’élus locaux, l’APVF (Association des petites villes de France), tout en ne « remettant nullement en cause la pertinence sur le fond d’une telle décision, qui se justifie pleinement après cinq années de gel et alors que les prix de l’énergie et de l’essence flambent », trouve néanmoins « l’annonce étonnante, pour ne pas dire surréaliste ». Le coût de la mesure n’étant pas chiffré, elle pourrait avoir « des conséquences très lourdes sur les budgets communaux, déjà durablement affectés par l’augmentation de l’inflation », s’alarme l’APVF. Et de demander au prochain gouvernement de « ne pas baisser les dotations de l’Etat aux collectivités et à indexer, a minima, ces dernières sur l’inflation de façon à faire face à ces hausses qui impactent lourdement les budgets locaux ».

Besoin de « ressources financières associées »

Sur le même registre, France urbaine souligne « la nécessité de telles mesures » mais chiffre le coût pour les grandes villes et les agglomérations à au moins 120 M€ en année pleine pour une hausse de 1% du point d’indice. Et de prévenir que « durant les discussions qui vont s’ouvrir, compte tenu du coût de cette mesure, elle sera particulièrement vigilante à ce que soit ouverte une discussion sur les ressources financières associées ». 
Pour sa part, l’AMF « regrette » le calendrier et affirme qu’elle prendra tout sa part dans les discussions et instances paritaires, mais « dès lors que les échéances électorales auront permis de désigner un gouvernement et un Parlement habilités à pouvoir engager cette discussion ». Elle aussi dénonce l’impact financier d’une hausse du point d’indice et en profite pour tacler le gouvernement sur l’absence de mesures pour les collectivités dans le « plan de résilience » : « à l’heure où les communes et leurs intercommunalités voient leurs dépenses de fonctionnement être considérablement impactées par la crise, l’AMF aurait aimé entendre les propositions du gouvernement concernant les collectivités dans le « plan de résilience » de l’économie française. Or, celles-ci ont été ignorées ».

« Etre à la hauteur des attentes des agents »

Du côté des organisations syndicales, tout en ayant maintenu leur mouvement du 17 mars, organisé à l’initiative de sept d’entre elles (CGT, Unsa, FSU, Solidaires, FA-FP, CFE-CGC et CFTC) pour demander une augmentation des rémunérations et pensions dans la fonction publique, elles ont salué l’annonce du dégel du point d’indice mais en restant prudentes. L’intersyndicale appelle ainsi « à l'ouverture immédiate de négociations sur le taux de revalorisation qui devra être à la hauteur des attentes des agents et des enjeux d’attractivité, ainsi que sur les autres mesures prévues ». Et de demander une augmentation a minima à hauteur de l'inflation soit autour de 4% « avec des clauses de revoyure en fonction de l'évolution des prix ». On risque d’en être loin compte tenu du coût financier que cela représente. « Niveau de la hausse, calendrier, traduction pour les contractuels : autant d’éléments qu’il reste à préciser », a ajouté, pour sa part, la CFDT qui demande une mise en place rapide, « sans exclure un effet rétroactif ». De plus, elle appelle à « de véritables négociations sur la rémunération de l’ensemble des agents, en en discutant tous les éléments pour une reconnaissance de la valeur des métiers publics ».
 

Demande d’un agenda social plus large

Estimant que la revalorisation du point d’indice répond à « une attente forte », « opportunément, un mois avant l’élection présidentielle », le think tank Le Sens du Service Public insiste sur « la nécessité d'avoir une approche pluriannuelle de la rémunération des fonctionnaires ». Il appelle à l’ouverture, durant le prochain quinquennat, du chantier de la rémunération salariale en offrant de la lisibilité et de la cohérence. Et de préconiser qu’une conférence salariale avec les partenaires sociaux identifie « des axes prioritaires pluriannuels : formule d'indexation des traitements salariaux, garantie d'équité entre catégories et métiers, correction des inégalités salariales entre les femmes et hommes, renforcement de l'attractivité salariales pour les métiers des services publics ». Il plaide pour inscrire la question des salaires dans la fonction publique « dans un agenda social plus large dépassant la seule problématique du maintien du pouvoir d'achat » afin de réfléchir sur la structure des rémunérations, la cohérence entre métiers, le risque de décrochage avec le secteur privé, le mécanisme d'ascension salariale au cours de la carrière... Le Sens du Service Public défend aussi la rémunération à la performance collective, basée sur des critères négociés avec les partenaires sociaux, qui « pourrait constituer un levier managérial important permettant d'instaurer l'équivalent d'un intéressement collectif dans la fonction publique ».

Revoir les carrières et les rémunérations

En plus du dégel de la valeur du point, Amélie de Montchalin a aussi annoncé l’augmentation de l’indemnité kilométrique de 10% pour les agents publics utilisant leur véhicule personnel pour les besoins du service comme, par exemple, les aides à domicile. Au-delà, la ministre affirme vouloir revoir profondément le système des carrières et des rémunérations : « il ne convient plus aux agents publics, il est trop compliqué, il n’offre pas de perspectives durables dans toute la carrière et fait une trop grande place aux diplômes plutôt qu’aux métiers exercés », a-t-elle indiqué sur France info. Pour cela, elle s’appuie notamment sur le rapport que lui ont remis Paul Peny et Jean Dominique Simonpoli, le 14 mars, en conclusion de la conférence sur les perspectives salariales dont ils étaient les animateurs. 

Philippe Pottiée-Sperry
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