
« L’industrie aéronautique est un formidable moteur pour les territoires »

À l’occasion du Salon du Bourget, le GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales) met l’accent sur les enjeux de recrutement et de formation dans la filière aéronautique et spatiale. Philippe Dujaric, directeur des affaires sociales et de la formation, revient sur l’ancrage territorial du secteur, la montée en compétence des jeunes et les perspectives d’emploi.
Le GIFAS regroupe plus de 500 entreprises. Quel est son rôle dans l’écosystème industriel ?
Nous sommes un syndicat professionnel national, membre du Medef, rattaché à la convention collective de la métallurgie. Nos adhérents comptent les grands noms du secteur, bien sûr, mais aussi 200 PME et une centaine de start-up. Si nous n’avons pas d’implantation territoriale propre, nous travaillons étroitement avec les clusters et pôles de compétitivité régionaux, comme Aerospace Valley dans le Sud-Ouest ou ASTech en Île-de-France.
Quel est l’ancrage territorial de la filière en France ?
L’Île-de-France et l’Occitanie représentent chacune environ 30 % des effectifs. La Nouvelle-Aquitaine suit avec 10 %, puis viennent la région Sud (7 %), les Pays de la Loire (7 %) et d’autres bassins industriels comme la Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes ou Centre-Val de Loire. L’industrie aéronautique irrigue tout le territoire à travers ses sous-traitants, ce qui explique que la dynamique d’emploi soit aujourd’hui partout.
Justement, quel est le potentiel d’emploi du secteur ? Est-il en tension ?
Oui, clairement. Rien que dans les entreprises adhérentes au GIFAS, nous comptons plus de 220 000 emplois. En 2023, nous avons recruté 30 000 personnes, dont 12 000 créations nettes d’emploi. La croissance annuelle de la production, entre 8 et 10 %, tire mécaniquement les besoins en main-d’œuvre. En clair : les embauches vont se poursuivre au même rythme dans les prochaines années.
Sur quels métiers porte la demande ?
Principalement sur les métiers de la production : ajusteurs-monteurs, mécaniciens aéronautiques, intégrateurs cabines, peintres aéronautiques, contrôleurs qualité, électriciens câbleurs. Côté ingénierie, nous sommes le premier employeur d’ingénieurs en France dans l’industrie. Les profils IT, data, matériaux, systèmes embarqués sont particulièrement recherchés.
Comment accompagnez-vous ces besoins en formation ?
Le GIFAS ne dispose pas de ses propres centres. Nous nous appuyons sur l’Éducation nationale, l’enseignement supérieur, les centres de formation de l’industrie, et les campus des métiers et qualifications. Il en existe une dizaine dédiés à l’aéronautique ou à l’industrie du futur. Grâce à un partenariat avec 33 écoles d’ingénieurs, nous formons environ 2 000 diplômés par an. La qualité est là, mais nous devons augmenter les effectifs pour répondre à la demande croissante.
Et du côté des jeunes peu ou pas qualifiés ?
Nous avons mis en place, avec France Travail, des parcours de formation certifiants à destination des jeunes éloignés de l’emploi, via la méthode des tests d’habileté. Si la motivation est là, ils peuvent obtenir une qualification en quelques mois. Ensuite, le compagnonnage joue à plein : un tutorat de terrain essentiel pour monter en compétence. On ne lâche personne dans un cockpit sans filet !
Quels liens concrets tissez-vous avec les territoires ?
Dans chaque région, des établissements partenaires forment à nos métiers. Ce sont des lycées professionnels, des IUT, des écoles d’ingénieurs. Avec le soutien des régions et de l’État, nous modernisons les plateaux techniques, comme dans le cadre de France 2030. Des projets sont en cours en région Sud pour les hélicoptères, ou encore dans les Hauts-de-France, très dynamiques. Nous travaillons aussi avec les collectivités pour attirer davantage de jeunes, notamment des filles, vers nos formations.
L’industrie aéronautique est-elle un levier d’attractivité locale ?
Absolument. Une entreprise de l’aéronautique, ce sont des emplois directs et indirects, des sous-traitants, des besoins en logement, en services, en mobilité. C’est une chaîne vertueuse. Mais attention : pour que ça marche, il faut que les jeunes puissent se projeter. D’où l’importance d’un bon maillage territorial des formations et d’actions de sensibilisation dès le collège.
Dernière question : le spatial reste discret dans votre discours. Pourquoi ?
Le spatial est stratégique, mais il représente un volume d’emploi bien plus faible que l’aéronautique. Cela dit, les compétences sont très proches. Nous soutenons la montée en puissance de la filière, notamment à travers des colorations spécifiques dans les formations. L’initiative pourrait se renforcer à Bordeaux, par exemple. Le décollage est en cours, mais il reste à structurer l’écosystème pour accompagner les besoins.
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