Aides directes aux entreprises : les départements hors la loi

Philippe Pottiée-Sperry
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En cette période de crise sanitaire, la quasi-totalité des collectivités déploient des plans d’aides directes aux entreprises en difficulté. Les départements n’échappent pas à la règle même s’ils n’en ont théoriquement plus le droit depuis la loi NOTRe du 7 août 2015 qui leur a retiré, comme aux régions, la clause générale de compétence générale.

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Depuis le départ, les départements dénoncent cette situation, d’autant plus dans le contexte de la crise du Covid-19. Certains n’ont pas hésité à aller contre cette règle. L’Assemblée des départements de France (ADF) a aussi demandé au Premier ministre de revoir la loi NOTRe « qui empêche les départements d’agir » pour « éviter les trous dans la raquette » durant la période actuelle.

Une compétence dérogatoire en cas de catastrophe sanitaire

Devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 30 avril, Dominique Bussereau, le président de l’ADF, a appelé à « de l’intelligence et de la souplesse » compte tenu des circonstances exceptionnelles, tout en disant, une nouvelle fois, le plus grand mal qu’il pense de la loi NOTRe. Et d’ajouter, un brin provocateur : « je souhaite bon courage aux préfets pour déférer aux tribunaux administratifs de telles délibérations de départements ! ».

Dans le même sens, une proposition de loi a été déposée par les députés Damien Abad et Stéphane Viry pour confier aux départements une compétence économique dérogatoire en cas de catastrophe sanitaire. Une demande qui n’a pas les faveurs de la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, qui a rejeté une telle intervention des départements dans le champ économique. Selon elle, les départements doivent se concentrer sur leurs missions dans le champ social, accrues en cette période. Et de se limiter de leur proposer d’abonder le fonds de solidarité nationale pour les TPE impactées par la crise sanitaire.

Rappel à l’ordre du gouvernement

Dans un communiqué du 12 mai, Renaud Muselier président de la région Paca et de Régions de France, s’est « félicité » du courrier de Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, adressé à la présidente du département des Bouches du Rhône, Martine Vassal, rappelant que « la loi NOTRe ne permettait pas aux départements de mettre en place des aides économiques directes ». Selon lui, cette décision « découle du bon sens car les entreprises ont besoin de visibilité ». En réalité, il s’agit d’une instruction du 5 mai envoyée par les deux ministres aux préfets de département et de région pour rappeler de façon assez ferme les règles juridiques en la matière.

Concrètement, les départements ne peuvent intervenir en matière d’aides directes aux entreprises que par le biais du fonds de solidarité. A l'exception de ce cas, « la répartition des compétences en matière d’aides aux entreprises demeure inchangée », insiste l'instruction ministérielle. Conséquence : les départements mais aussi les communes et les intercommunalités « ne peuvent pas mettre en oeuvre leurs propres dispositifs de soutien aux entreprises » compte tenu de la compétence exclusive des régions en la matière.

« Exercer le contrôle administratif nécessaire »

De plus, l'instruction ministérielle ajoute que les départements, confrontés à des tensions sur leurs recettes de fonctionnement à cause de la crise, « doivent pouvoir concentrer leurs moyens financiers pour exercer les compétences en matière d’action sociale, médico-sociale et de dépendance dont ils sont responsables. Ces postes de dépenses seront fortement mobilisés dans la crise et l’après-crise : il faut garantir aux départements les moyens d’être au rendez-vous des attentes des Français sur ces questions ».

Clair et sévère, le courrier des deux ministres demande en conséquence aux préfets de rappeler ces règles aux départements et, si nécessaire, « d’exercer le contrôle administratif nécessaire ».

Satisfaction des régions

Des propos qui ravissent les régions, sourcilleuses de leurs compétences économiques. A l’instar des deux ministres, Renaud Muselier estime qu’« il appartient aux régions de répondre aux côtés de l’État à la crise économique, et il appartient aux départements de traiter la crise sociale. C’est de cette manière, avec clarté dans la répartition des rôles, que nous serons collectivement les plus efficaces »

« Le pays affronte une crise majeure. Pour y répondre nous devons être organisés et mobiliser nos forces sur les responsabilités que la loi nous a confiées. C’est sur cette ligne que les régions se situent, et elles se félicitent que le gouvernement ait clairement rappelé que tel était bien le droit ! », conclut le président de Régions de France.

Philippe Pottiée-Sperry

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