Santé des Français : derrière les moyennes nationales, des fractures territoriales béantes

, mis à jour le 11/12/2025 à 16h54
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Les régions Bretagne et Pays de la Loire se distinguent nettement, affichant les meilleurs niveaux de santé perçue

Chaque nouvelle édition du Baromètre de Santé publique France dresse un portrait précieux de l’état de santé des Français. Celle de 2024, forte de près de 35 000 répondants, confirme une réalité désormais bien documentée : la santé en France reste profondément inégalitaire, non seulement selon les catégories sociales, mais aussi selon les territoires. Une France à plusieurs vitesses, où l’âge, le diplôme, les ressources et le lieu de vie dessinent des écarts majeurs en matière de santé perçue, de limitations d’activité ou de bien-être psychologique.

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Selon le Baromètre, 68 % des adultes déclarent une " bonne " ou " très bonne " santé. Mais une moyenne nationale qui masque de fortes disparités. Les régions Bretagne et Pays de la Loire se distinguent nettement, affichant les meilleurs niveaux de santé perçue, dépassant les 71 % de répondants satisfaits de leur état général. À l’inverse, plusieurs territoires apparaissent en grande difficulté.
Ainsi, dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), les proportions chutent drastiquement : Guadeloupe : 53,4 % ; Martinique : 52,4 % ; Réunion : 56,2 % ; Guyane : 61,8 %.
« Ces écarts restent significatifs même après standardisation selon l’âge et le sexe », précisent les auteurs du rapport. L’écart entre l'Ouest hexagonal, plutôt en bonne santé déclarée, et les DROM, très en retrait, témoigne de fractures structurelles puissantes, liées notamment au niveau d’accès aux soins, aux conditions socio-économiques, ou encore à l’exposition aux maladies chroniques.

Une France du Nord et de la ruralité davantage touchée

Autre indicateur clé : 26 % des adultes déclarent être limités dans leurs activités quotidiennes depuis au moins six mois. Là encore, les inégalités régionales sont fortes. Les régions Île-de-France, Bretagne et Pays de la Loire affichent les proportions les plus faibles d’adultes limités (Île-de-France : 21,8 %, Bretagne : 23,6 %, Pays de la Loire : 23,9 %).
À l’autre bout du spectre, certaines régions dépassent sensiblement la moyenne nationale, notamment les Hauts-de-France (28 %) et la Corse (30,2 %).
Ces chiffres sont révélateurs de déterminants territoriaux : la présence plus forte de maladies chroniques, les conditions de travail plus pénibles, la précarité, mais aussi un accès plus limité aux soins de prévention dans certaines zones.

Des inégalités sociales massives qui se cumulent aux inégalités territoriales

Le document montre également une forte association entre santé et position socio-économique. 77,6 % des personnes diplômées du supérieur déclarent être en « bonne ou très bonne » santé, contre 58 % pour un niveau inférieur au bac. 82,5 % des sondés « à l’aise financièrement » se disent en bonne santé contre 50,4 % des personnes en difficulté.
Ces inégalités sociales, déjà bien documentées, se doublent d’inégalités régionales : les territoires où les difficultés économiques sont plus marquées sont souvent ceux qui concentrent les plus mauvaises évaluations de santé. Les DROM en sont l’exemple le plus frappant : faible niveau de santé perçue, prévalence plus élevée de maladies chroniques, difficultés d’accès aux soins et conditions socio-économiques fragiles constituent un cocktail défavorable.

Des données essentielles pour piloter des politiques de prévention différenciées

Au-delà du diagnostic, le Baromètre offre un levier puissant pour adapter les politiques publiques. Santé publique France souligne d’ailleurs que ces données régionales " constituent un levier précieux pour adapter les réponses au plus près des besoins des territoires ".  Mais cela implique, plus de prévention ciblée dans les régions en tension, un renforcement de l’offre de soins dans les zones sous-dotées, une action sociale renforcée pour lutter contre les déterminants sociaux négatifs et une attention particulière aux DROM, où les marqueurs de vulnérabilité s’accumulent.

Un pays à rééquilibrer

Le Baromètre 2024 le confirme : la santé en France demeure profondément inégalitaire. Les bons chiffres globaux ne doivent pas masquer les difficultés de régions entières, ni la situation particulièrement préoccupante des territoires ultramarins.
À l’heure où la prévention devient un levier stratégique pour préserver le système de santé, ces résultats rappellent une évidence : une politique nationale efficace doit aussi être territorialisée. Sans cela, les fractures risquent de se creuser davantage encore.

 

Danièle Licata, rédactrice en chef Zepros Territorial, décrypte enjeux publics et collectivités. Forte de 20 ans en presse économique, elle rend accessibles les sujets complexes avec passion et engagement.
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