
« La sobriété énergétique doit redevenir un projet politique fort »

À l’occasion des 3ᵉ Rencontres des collectivités pour la sobriété et la rénovation énergétique, l’association AMORCE alerte sur le ralentissement des économies d’énergie et l’insuffisance des financements. Son délégué général, Nicolas Garnier, appelle à un sursaut collectif autour d’un projet de loi transpartisan et présente une série de propositions concrètes pour redonner un cap à la transition énergétique.
Pourquoi avoir choisi le thème de la sobriété pour ces 3ᵉ Rencontres ?
Parce que nous avons perdu le fil. Depuis des années, les débats énergétiques se focalisent uniquement sur la production – nucléaire ou renouvelable – au détriment des économies d’énergie. Or, consommer un térawattheure de moins, c’est éviter de construire une tranche nucléaire ou d’implanter 1 000 éoliennes. La sobriété est à la fois un impératif de souveraineté, de pouvoir d’achat, d’équité sociale et de transition écologique. Nous devons en faire un projet politique, structuré par une loi ambitieuse.
Vous présentez un ralentissement inquiétant des économies d’énergie. Qu’est-ce qui freine aujourd’hui la dynamique ?
Plusieurs facteurs s’additionnent. Le prix de l’énergie a baissé, ce qui démobilise. Les obligations de rénovation progressent trop lentement. Et les financements publics sont en recul : le Fonds vert est divisé par deux, les aides de MaPrimeRénov’ baissent. Il n’y a plus de cap clair, ni d’impulsion nationale forte.
Avec plus de 3 millions de ménages en précarité énergétique, les efforts engagés sont-ils suffisants ?
Non. Les chiffres sont têtus : 3,2 millions de ménages consacrent plus de 8 % de leurs revenus à l’énergie. La rénovation progresse, mais pas assez vite, et pas toujours là où c’est nécessaire. Il faut renforcer l’accompagnement local et recentrer les aides sur les travaux réellement efficaces. Ce qui n’est, hélas, pas toujours le cas.
La contractualisation du Service public de la rénovation (SPRH) avance, mais vous pointez des obstacles. Que proposez-vous ?
Les collectivités sont prêtes, mais le modèle actuel pose problème. Le financement par paliers, les blocages budgétaires liés au paiement direct, le manque de souplesse entre volets du programme… Tout cela freine la dynamique. Nous proposons un vrai guichet unique local, avec des collectivités responsables du pilotage, de l’attribution des aides et du suivi.
Quel bilan tirez-vous du programme PACTE-15 que vous pilotez ?
Il est très positif. Ce programme, structuré en quatre phases, a permis de contacter 15 000 ménages, d’organiser 500 visites à domicile et de lancer 100 chantiers. L’enjeu est de passer à l’échelle supérieur et de consolider un accompagnement de proximité, indispensable pour convaincre et guider les ménages.
Vous dites que les Certificats d’économie d’énergie (CEE) doivent être renforcés. Quelles sont vos priorités pour la 6e période ?
Le CEE est devenu un levier central, surtout en période de restriction budgétaire. Nous proposons de créer un observatoire des économies d’énergie, de renforcer les contrôles sur les économies réelles, et de simplifier les démarches pour les collectivités.
Mais votre proposition de loi va encore plus loin. Huit mesures concrètes, qui semblent de bon sens ; pourquoi n’ont-elles pas encore été mises en œuvre ?
Parce que les économies d’énergie ont été reléguées au second plan. Pourtant, nos mesures sont de bon sens : compteurs pédagogiques pour visualiser sa consommation en euros, modulation fiscale en cas de surconsommation, amortisseur gaz pour garantir la rentabilité des rénovations, ou encore modulation de la taxe foncière selon la performance énergétique. Nous avons déjà des retours très favorables de parlementaires de tous bords.
Vous critiquez le PLF 2026. Que faudrait-il faire en urgence ?
Rehausser le Fonds vert, consolider MaPrimeRénov’, renforcer le Fonds chaleur, et créer enfin le Fonds territorial climat. Il faut aussi instaurer un principe d'efficacité des aides publiques : combien d’euros pour combien de CO₂ évité ou de kWh économisé ? L’argent public doit être bien utilisé.
La baisse des aides au photovoltaïque et les nouveaux critères du Fonds chaleur vous inquiètent. Craignez-vous un ralentissement ?
Oui, clairement. Sur les réseaux de chaleur, les règles changent en cours de route, ce qui fragilise les projets. Sur le photovoltaïque, la baisse du tarif d’achat et le recentrage sur l’autoconsommation mettent en péril de nombreuses installations, notamment sur les petites toitures. AMORCE défend une approche territorialisée, pour garantir une vraie équité d’accès à la production décentralisée d’énergie.
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