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Covid-19 : désinfecter ou pas l’espace public ? La réponse est non

Philippe Pottiée-Sperry
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Suite à la multiplication d’initiatives de désinfection spécifique dans le contexte de l’épidémie du Covid-19, prises par des villes depuis plusieurs semaines sur le modèle chinois ou italien, le ministère des Solidarités et de la santé avait saisi le Haut conseil pour la santé (HCSP), le 26 mars.

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Objectif : expertiser si la désinfection de tout ou partie de l'espace public était opportune au regard du bénéfice attendu de cette pratique et des risques pour le public, les travailleurs ou l'environnement. Dans son avis rendu le 4 avril , le HCSP est clair en appelant les collectivités à ne pas mettre en œuvre de telles pratiques.

Le Haut conseil pour la santé constate l’absence d’argument scientifique qui justifie l’intérêt de désinfecter la voirie pour prévenir des risques de transmission du virus. Début avril, l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France et la préfecture de Paris et d’Île-de-France avaient déjà recommandé aux villes de ne pas procéder à ces désinfections tant que le HCSP n’aurait pas rendu son avis.

Compte tenu des impacts environnementaux potentiels, ce dernier recommande de ne pas mettre en œuvre une politique de nettoyage spécifique ou de désinfection de la voirie dans le contexte actuel. Cela doit signifier de continuer d’assurer le nettoyage habituel des voiries et du mobilier urbain avec les équipements de protection habituels des professionnels.

Se limiter au nettoyage habituel

Prenant acte de l’avis du HCSP, le gouvernement a donc indiqué, le 9 avril, qu’il « recommande d’assurer le nettoyage habituel de la voirie sans avoir recours à des pratiques de désinfection spécifiques ». Il en profite pour rappeler que l’usage massif de produits de désinfection en plein air peut conduire à des effets, directs ou indirects, sur la santé et l’environnement. Et de préciser que les produits utilisés contiennent des substances actives dispersées dans l'environnement après ruissellement mais également via les réseaux de collecte des eaux pluviales ou d’assainissement. « Leur impact, mais aussi celui des substances nocives associées à leur dégradation, pourrait donc dépasser la seule désinfection de rue », avertit le ministère de la Transition écologique.

Par ailleurs, l'usage massif de produits désinfectants peut favoriser l'apparition d'espèces résistantes. C'est ce qui a été constaté pour d’autres produits chimiques comme les anti-moustiques dans de nombreux pays, ou en Europe avec le développement de l'anti-biorésistance.

« Freiner l’extension du virus »

Les premières villes à s’être lancées étaient Suresnes, Nice, Cannes, Menton, Amnéville, Aix, Romans ou encore Reims. A Cannes, il s’agissait d’une solution à base d'eau de Javel pour désinfecter tous les jours les « lieux stratégiques » de la ville. Dans les Hauts-de-Seine, Suresnes s’était lancée dès le 17 mars en estimant que cela devait permettre de « freiner l’extension du coronavirus ». Deux fois par semaine, la désinfection concernait tous les éléments de voirie et de mobiliers urbains susceptibles d’avoir fait l’objet d’un contact tactile : gares, arrêts de bus, aires de jeux, corbeilles, boites jaunes de la Postes, bancs, ascenseurs de la ville, rampes d’escaliers et même les distributeurs de sacs canins !

Mais d’autres villes avaient refusé de faire ce choix, en soulignant la dangerosité de répandre autant de produits chimiques. Metz a ainsi justifié sa décision en indiquant que « l’utilisation de produits à base de javel, même diluée, constitue un risque pour les riverains et les animaux domestiques, une pollution des sols non-négligeable néfaste aux espaces verts et en cas de pluie, une pollution du réseau d'eau pluviale et de la nappe phréatique ».

Philippe Pottiée-Sperry

Philippe Pottiée-Sperry
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