À La Châtaigneraie, « Simone » et les bénévoles du quotidien luttent contre le non-recours aux droits

, mis à jour le 21/08/2025 à 16h46
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Pour lutter contre ce non-recours, la communauté de communes s’appuie sur une gouvernance collective

Dans ce territoire rural de Vendée, la communauté de communes s’est engagée depuis 2023 dans l’expérimentation nationale « Territoires Zéro Non-Recours ». Entre camion itinérant, mairies ouvertes à tous et réseau d’ambassadeurs bénévoles, l’objectif est simple mais ambitieux : que plus aucun habitant ne renonce à ses droits. Après deux ans, les résultats sont déjà là.

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Il est 9 heures sur le marché de La Châtaigneraie. Entre les étals de légumes et le camion du fromager, un véhicule bleu et blanc attire les regards : « Simone », le bus itinérant de l’expérimentation « Territoires Zéro Non-Recours » (TZNR). À l’intérieur, deux animatrices accueillent les passants. Certains viennent par curiosité, d’autres avec un dossier à la main. « On m’a dit que je pouvais peut-être avoir droit à une aide pour ma retraite », glisse une habitante. Quelques minutes plus tard, elle repart avec un rendez-vous fixé et un sourire soulagé.

Un territoire rural qui innove

Le Pays de La Châtaigneraie, 37 communes et une identité rurale forte, n’est pas un territoire en marge. Classé en zone France Ruralités Revitalisation, il compte une proportion importante de seniors (30 %) mais aussi d’actifs modestes. Ici, la fracture numérique, l’isolement ou la complexité administrative sont autant d’obstacles à l’accès aux droits.
« Beaucoup de gens pensent qu’ils ne sont pas éligibles, d’autres abandonnent face à la paperasse. Résultat : des aides essentielles passent à côté de ceux qui en auraient le plus besoin », explique une animatrice.

Une organisation collective et bienveillante

Pour lutter contre ce non-recours, la communauté de communes s’appuie sur une gouvernance collective. Autour de la table : la CAF, la CPAM, la MSA, France Travail, la CARSAT, mais aussi un réseau d’associations, de structures sociales et de professionnels de santé. « Nous avons voulu casser les silos », souligne un élu local. Dans chaque commune, des points d’accueil « LIENS » (Lieux d’Information et d’Écoute Numériques et Solidaires) ont été installés dans les mairies. Là, les secrétaires reçoivent, orientent et facilitent les démarches en ligne. Des ambassadeurs bénévoles, formés à l’aller-vers, complètent le dispositif en repérant les habitants qui n’osent pas franchir le pas.

« Simone », symbole d’un service public qui bouge

Depuis l’été 2025, « Simone » sillonne les routes de la Châtaigneraie. Pensé comme un outil mobile d’écoute et d’information, le bus va là où sont les habitants : marchés, fêtes de village, entreprises. « C’est moins intimidant qu’un bureau. Ici, les gens s’arrêtent, discutent, prennent un café. Et souvent, c’est là que les problèmes émergent », raconte une bénévole.
Le choix du prénom n’est pas anodin : « En voiture Simone ! » fait référence à Simone Louise des Forest, première femme pilote automobile en France. Un symbole d’audace et de mouvement, parfaitement adapté à cette démarche d’aller-vers.

Des résultats mesurables

En deux ans, 220 personnes ont déjà été accompagnées. Retraités isolés, salariés modestes, veuves en transition… autant de profils qui, sans ce dispositif, seraient passés entre les mailles du filet. Plus de 100 000 euros d’aides sociales ont été débloqués, essentiellement au titre de la Complémentaire santé solidaire, de la Prime d’activité, de l’Allocation logement ou encore des pensions de réversion. Un diagnostic a révélé les causes principales du non-recours : démarches trop complexes (59 %), sentiment d’inéligibilité (55 %), méconnaissance des aides (43 %). À l’inverse, les personnes sans emploi sont paradoxalement mieux accompagnées grâce aux relais institutionnels existants.

Des facteurs à domicile

L’innovation se joue aussi au pas de la porte. En partenariat avec La Poste, une opération baptisée « Proxi’contact » a été menée en mars 2025. Pendant plusieurs jours, les facteurs ont frappé à la porte de 355 foyers dans deux communes. Résultat : 157 échanges directs, 31 demandes de suivi, et 10 rendez-vous fixés avec l’animatrice TZNR. Une preuve de plus que la proximité reste la clé pour toucher les publics invisibles.

Plus qu’un accès aux droits, une inclusion durable

Au-delà des chiffres, l’expérimentation vise à recréer de la confiance et à prévenir les ruptures de parcours. Elle accompagne les transitions de vie – perte d’emploi, retraite, veuvage – et construit des passerelles avec les structures d’insertion. « TZNR n’est pas seulement un dispositif technique, c’est une façon différente de faire du service public : plus humaine, plus souple, plus proche des réalités locales », résume une coordinatrice.

À un an de son terme, le programme montre qu’un territoire rural peut devenir un laboratoire d’innovation sociale. Et que derrière les acronymes, ce sont des vies qui changent.

Danièle Licata, rédactrice en chef Zepros Territorial, décrypte enjeux publics et collectivités. Forte de 20 ans en presse économique, elle rend accessibles les sujets complexes avec passion et engagement.
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