39ème congrès d’AMORCE : les collectivités appellent à réarmer les politiques locales de transition écologique et énergétique

, mis à jour le 18/10/2025 à 11h16
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à Angers, les territoires ont prévenu : l’austérité écologique a un coût

Du 15 au 17 octobre à Angers, le 39ᵉ congrès d’AMORCE a placé les collectivités face à une équation budgétaire et écologique devenue intenable : répondre aux attentes des citoyens, maintenir le service public… avec moins de moyens. Entre hausse annoncée de la TGAP, crise de l’eau et ralentissement des financements (Fonds vert, MaPrimeRénov’), élus et réseaux appellent à remettre du sens dans la fiscalité écologique et à « réarmer » les politiques locales de transition.

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Dès l’ouverture, le ton est donné. « Le slogan du congrès, faire plus avec moins, doit s’accompagner d’un avertissement : on ne pourra pas faire toujours plus avec moins si, dans le même temps, l’écologie reste la variable d’ajustement budgétaire, » alerte Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et premier vice-président d’AMORCE. « La Cour des comptes le rappelle : le coût de l’action sera trois fois inférieur à celui de l’inaction — or nous voyons l’inverse. »

Pour Gilles Vincent, président d’AMORCE, la dynamique locale est pourtant bien là : « Nous sommes passés de 200 participants en 2002 à plus de 1 000 aujourd’hui. AMORCE, réseau atypique mêlant deux tiers de collectivités et un tiers de professionnels, a grandi parce que nous cherchons ensemble des solutions concrètes. »

Déchets : la colère de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

Sujet brûlant : la trajectoire de la TGAP (stockage et valorisation énergétique) qui renchérirait fortement la facture des ménages via la TEOM. « Faire payer en bout de chaîne un service public de première nécessité est inéquitable et inefficace » insiste Gilles Vincent. « Plus on sera loin des objectifs nationaux, plus l’État encaissera — c’est une taxe tabac… mais payée par les fumeurs passifs. »
AMORCE salue toutefois une avancée : l’émergence d’une taxe sur la part non recyclée des emballages plastiques, prélevée en amont. « C’est une révolution culturelle : on va enfin chercher le metteur sur le marché. Il faut élargir ce principe à l’ensemble des filières REP pour aligner les intérêts économiques sur les objectifs de prévention et de recyclage » plaide l’association.

Eau : mur qualitatif et quantitatif, financer le curatif… et surtout le préventif

La situation de l’eau est décrite comme « critique ». « Un quart des captages connaissent des dépassements de seuils, 77 % sont impactés par des métabolites de pesticides. Et 2025 a vu 93 % des départements en arrêté sécheresse, » rappelle la délégation.
Exemple frappant rapporté par un élu : « Sur ma commune de 6 000 habitants, remettre un captage à niveau avec du charbon actif coûte 1 M€ d’investissement. Les chiffres avancés ici ne sont pas théoriques, ils sont sur facture. »
En réponse, AMORCE propose :
•    une redevance “micropolluants” ciblant médicaments, cosmétiques, textiles techniques, PFAS, etc. ;
•    la hausse des redevances pollution domestique/industrielle et pollution diffuse (intrants agricoles), avec fléchage intégral vers la lutte contre les pollutions et le soutien aux collectivités ;
•    un alignement de la redevance de prélèvement pour tous les usagers, afin d’envoyer un signal de sobriété.
« On ne peut plus se contenter du principe l’eau paie l’eau si, dans les faits, ce sont les consommateurs qui paient les pollueurs. Il faut pollueur-payeur et sur-consommateur-payeur » martèle le maire de Bourg-en-Bresse, Jean-François Debat.

Énergie : réarmer le Fonds chaleur, cibler l’efficacité d’abord

Sur l’énergie, les intervenants s’inquiètent d’une politique trop focalisée sur l’électrification au détriment de la maîtrise de la demande et des réseaux de chaleur. « La fiscalité énergétique rapporte près d’une moitié du budget transition, mais moins d’un milliard va au Fonds chaleur quand il faudrait 1,5 à 3 Md€ pour tenir les trajectoires. Résultat : des projets territoriaux restent sur la table » déplore AMORCE.
Même alerte sur la rénovation : « Baisser MaPrimeRénov’ sur les rénovations performantes est un contresens social et climatique. »
Proposition phare : instaurer un plancher de prix climat sur les énergies fossiles (déclenché quand les cours chutent), dont une part fléchée vers le Fonds chaleur et la rénovation, pour sécuriser l’investissement local et l’emploi. « Réduire les consommations, c’est souveraineté, pouvoir d’achat et emplois non délocalisable, » résume la délégation.

Fiscalité : transparence, affectation… et décentralisation

Au-delà des montants, c’est la gouvernance qui est interrogée. « Le Parlement doit voter des enveloppes lisibles — Fonds chaleur, Fonds économie circulaire — plutôt que des dotations globales opaques. Et, si l’État ne parvient pas à affecter la fiscalité à son objet, alors décentralisons une part des leviers : agences de l’eau, composantes de TGAP, modulation locale » avance AMORCE.
« Nous avons même travaillé l’idée d’une TGAP locale : une intercommunalité appliquerait un malus sur la part résiduelle et réinvestirait intégralement ces recettes dans la prévention, le tri, les biodéchets, la valorisation. Un vrai circuit court de la fiscalité écologique. »

« Tenir le cap, porter la voix des territoires »

Dans un climat politique « parfois tenté par le populisme ou le court-termisme », AMORCE revendique la boussole des territoires : « Nous réaffirmons notre engagement et porterons, avec détermination, la voix des collectivités. La transition n’est ni un luxe ni un supplément d’âme : c’est la meilleure réponse de long terme, pour le pouvoir d’achat, la santé publique et la souveraineté, » conclut la présidence.
 

Danièle Licata, rédactrice en chef Zepros Territorial, décrypte enjeux publics et collectivités. Forte de 20 ans en presse économique, elle rend accessibles les sujets complexes avec passion et engagement.
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