
3 minutes / 3 questions dans les conditions du direct

Zepros Territorial vous emmène chaque semaine avec « Place des élus », premier réseau social dédié aux élus et aux acteurs locaux, à la rencontre d’un élu de France. Un format direct, rapide et percutant pour découvrir les défis, réussites et visions de femmes et d’hommes engagés. Invitée cette semaine, Dominique Chappuit, maire de Rosoy (89) depuis 2001 et présidente de l’Association des maires ruraux de l’Yonne. En 3 minutes chrono, elle partage ses projets marquants, ses petites frustrations et ses grandes ambitions pour sa ville. Un échange sans détour, à ne pas manquer !
Quel est le projet dont vous êtes la plus fière à Rosoy ?
Sans hésiter, c’est la reconquête de notre indépendance. En 2008, avec les habitants, nous avons choisi de dissocier Rosoy de la ville de Sens, dont nous dépendions depuis des décennies. Cela n’allait plus : notre commune de plus de 1 000 habitants vivait comme un simple quartier, sans pouvoir de décision. Retrouver notre autonomie, c’était rendre la parole aux habitants et redonner du sens à l’action locale.
Cette indépendance nous a permis de reprendre la main sur nos choix – rénover les routes, relancer les associations, créer des activités et redonner de la vie au village. Le tissu associatif a d’ailleurs triplé. Bien sûr, cela ne s’est pas fait sans heurts : nous avons affronté des obstacles administratifs et parfois des revanches politiques. Mais malgré les difficultés, cette liberté d’agir reste une immense fierté collective.
Y a-t-il un projet qui vous laisse un goût d’inachevé ?
Oui, celui du tiers-lieu et des logements que nous voulions créer au cœur du village. Nous avions imaginé un lieu de vie associant espaces partagés, téléconsultation et prévention en santé, relié à un petit ensemble de logements pour accueillir des familles ou des personnes victimes de violences intrafamiliales. Les financements avaient été validés, mais certains se sont bloqués à la dernière minute, mettant le projet en suspens.
C’est une grande déception, car tout était prêt, mais je garde l’espoir que la prochaine équipe reprendra le flambeau. Nous avons posé les bases : la commune est aujourd’hui saine financièrement, les habitants impliqués. Le besoin de logements et de lien social demeure essentiel, surtout dans les villages où l’isolement pèse lourd. Le tiers-lieu commence à vivre, il rassemble déjà les habitants et recrée du dialogue. C’est cela, le vrai moteur : rompre la solitude et retisser du lien.
Quel regard portez-vous sur la vie publique et l’avenir de l’engagement local ?
Le dernier mandat a été difficile, sans doute le plus rude : entre la crise sanitaire, la complexité administrative et la montée de l’individualisme, le rôle de maire s’est durci. Mais malgré tout, je reste convaincue que la ruralité garde un sens fort : celui du service et de la solidarité. Je souhaite que davantage de jeunes s’engagent, ce qui suppose d’adapter le statut de l’élu. Aujourd’hui, un étudiant ou un actif ne peut pas toujours dégager du temps pour exercer un mandat local, alors que c’est indispensable à la vitalité de nos villages.
La France rurale représente un tiers de la population : il est temps qu’elle soit pleinement reconnue. L’État commence à mieux l’entendre, notamment depuis la crise du Covid, qui a révélé combien tout part du terrain. Les maires ruraux parlent vrai, ils ne font pas de politique : ils font vivre leur commune. Et c’est sans doute cela, la plus belle définition de l’engagement.