Clôture du 106ème Congrès des maires : quand le Premier ministre susurre des mots doux à l'oreille des maires

Danièle Licata
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Michel Barnier, Premier ministre clôture le 106e Congrès des maires

En clôture du 106e Congrès des maires, le Premier ministre, Michel Barnier a tenu à rassurer les élus sur sa volonté de leur redonner considération, liberté et moyens d’agir. Reste l’effort financier inscrit au projet de budget 2025 sur lequel l’Etat n’a pris aucun engagement.

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C’est le serpent de mer des finances publiques qui a dominé les déclarations et les débats durant les 3 jours du Congrès des maires et des Présidents d’Intercommunalité de France. Alors que la France détient le record mondial des dépenses publiques, celles des collectivités représentent 19 % du total, soit bien en dessous de la moyenne européenne de 34 %. Pourtant, c’est bien aux communes, départements et régions que l’Etat somme de se serrer la ceinture.
En effet, le projet de loi de finances pour 2024 inclut un prélèvement de 5 milliards d’euros sur les budgets locaux, un chiffre que le président du Sénat Gérard Larcher espère « ramener à 2 milliards » a-t-il déclaré lors de son intervention devant un parterre de maires. 5 milliards d'euros, qui font bondir les maires : « Le gouvernement a beaucoup communiqué sur les 5 milliards d'efforts attendus de la part des collectivités et sur le fait que les 3 milliards nous seront remboursés », insiste André Laignel, maire d'Issoudun, premier vice-président délégué de l'Association des maires de France et président du Comité des finances locales. Et de poursuivre : « le PLF, ce sont en réalité 11 milliards » demandés aux collectivités à la fois en termes de baisse de ressources et de charges nouvelles. Le maire assure avoir tout listé pour arriver à ce total. Et ajouter que « 55% des communes vont voir leur dotation globale de fonctionnement baisser en euros constants ». Autant de données qui, dit-il, « mettent en danger les services publics locaux ». Alors même que « l'intelligence économique serait de donner aux collectivités les moyens d'être des agents contracycliques ». De son côté, David Lisnard, président de l’Association des maires de France, réfute ces conclusions, les qualifiant de chiffres biaisés. « Les collectivités ne sont pas responsables du déficit public. L’échelon local est une solution, pas un problème », insiste-t-il. André Laignel,  va plus loin, dénonçant une « dénonciation calomnieuse » et rappelant que « les collectivités ont déjà subi 11 milliards de prélèvements supplémentaires ces dernières années ».

Invité à clôturer le Congrès, en réponse, le Premier ministre a bien multiplié les gestes d’apaisement en promettant de limiter l’inflation des normes et de laisser davantage de liberté aux élus. « Les communes sont des repères pour nos compatriotes et des garantes de stabilité », a-t-il déclaré. Des mots doux, mais pas de quoi calmer les maires car l’effort financier inscrit au projet de budget 2025 demeure.

Normes, bureaucratie et inflation : les collectivités étouffées
Derrière les accusations de mauvaise gestion, notamment celles de la Cour des comptes dans un rapport publié en octobre qui les accuse de dérives budgétaires, notamment par l’embauche de 100 000 agents territoriaux en dix ans, 
les collectivités pointent une réalité bien différente : l’accumulation de normes et de charges incompressibles. Parmi elles, la lutte contre les inondations ou encore le développement des crèches, dont la loi récemment votée impose la création de 200 000 nouvelles places. « Ces dépenses obligatoires ne sont pas accompagnées des financements nécessaires. Les maires se retrouvent pris en étau entre les attentes des citoyens et les restrictions imposées par l’État », déplore David Lisnard. Et d’ajouter : « l’inflation aggrave la situation. La hausse des prix de l’énergie, des matériaux scolaires et des denrées alimentaires pèse lourdement sur les budgets municipaux ». Sans compter, qu’à l’approche des municipales, les dépenses liées à l’investissement augmentent, notamment pour mener à bien des projets plébiscités par les citoyens : rénovation des écoles, construction de crèches ou encore équipements sportifs.

Le rôle du millefeuille administratif

Les critiques de l’État contre les collectivités mettent également en lumière les dysfonctionnements structurels du système français. La superposition des communes, intercommunalités, départements et régions est régulièrement pointée du doigt pour son manque d’efficacité. « Il y a des collectivités mal gérées, c’est vrai, comme il y a des PME mal gérées. Mais la plupart des communes sont bien administrées et font des efforts considérables », défend David Lisnard.
En comparaison avec leurs homologues européens, les collectivités françaises affichent un endettement relativement modeste : 9 % du PIB contre 19 % en moyenne en Europe. Et surtout, leur dette, exclusivement dédiée à l’investissement, respecte la règle d’or budgétaire, contrairement à celle de l’État. « L’État est très mal géré depuis des décennies. Ce n’est pas aux collectivités de payer les pots cassés », s’insurge le Président de l’AMF.

Un débat politique sous tension
Le contexte politique alimente la crispation. Avec un gouvernement confronté à la menace d’une motion de censure et des élus locaux en campagne pour les municipales, chaque décision budgétaire devient un levier électoral. Michel Barnier a d’ailleurs reconnu que ces débats s’inscrivaient dans une « coalition des contraires », entre la gauche et le Rassemblement national, qui espèrent fragiliser la majorité présidentielle.
Mais la question reste entière : jusqu’où l’État peut-il aller dans ses prélèvements sans mettre en péril l’investissement local ? « Réduire les dotations aux communes, c’est aussi freiner la croissance économique. Ce type de politique a des effets récessifs », rappelle Lisnard.

 

 

Danièle Licata
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