Covid-19 : les finances communales résistent au choc
Les cadres budgétaires et institutionnels atténuent l’impact du Covid-19 sur les finances des communes mais les disparités régionales en termes d’endettement et de performance budgétaire fragilisent certaines d’entre elles face aux risques à venir.
Tel est le principal enseignement d’une étude sur « les finances municipales à l’épreuve de la crise du Covid-19 », réalisée par l’agence de notation Scope Ratings GmbH et publiée le 28 mai.
Même si les communes bénéficient de filets de sécurité budgétaires et institutionnels, l’état de leurs finances déterminera aussi leur capacité à résister au choc sanitaire ainsi qu’à d’autres pressions à venir tout en assurant des investissements suffisants. Dans son rapport, Scope Ratings GmbH examine la solidité des finances communales dans les 13 régions métropolitaines, leurs filets de sécurité et les défis à l’horizon plus long terme.
Les communes moins affectées que les autres collectivités
Les collectivités locales ont déjà été soumises à de fortes pressions durant le précédent mandat. La baisse des transferts de l’Etat sur la période 2014-2017 a pesé sur les budgets des communes, les contraignant à réduire leurs investissements et leurs coûts. Dans le même temps, une croissance économique favorable a facilité la consolidation budgétaire. Certaines pressions budgétaires se sont atténuées, « mais la crise du Covid-19 aura de lourdes conséquences pour l’économie française, ce qui suscite des inquiétudes croissantes à l’égard de la situation financière des collectivités locales », estime l’agence de notation.
« Néanmoins, les finances des municipalités seront moins affectées que celles d’autres niveaux administratifs en raison de marges de manœuvre budgétaires et mécanismes de soutien institutionnels considérables », affirme Thibault Vasse, analyste chez Scope et auteur du rapport. Les communes bénéficient de budgets moins cycliques et de structures de dépenses plus flexibles que celles d’autres entités administratives, et ont également accès à des lignes de trésorerie auprès de banques privées. Autre constat favorable : un cadre institutionnel favorable, avec des transferts réguliers de l’Etat vers les collectivités, et des mécanismes de soutien exceptionnels en cas de profonde difficulté financière leur assurent un filet de sécurité supplémentaire.
Un cadre institutionnel favorable
Les finances communales seront affectées en raison d’une baisse des recettes due à la réduction des services, et d’une hausse des coûts liée aux mesures exceptionnelles adoptées durant la crise. De même, le report des échéances fiscales proposé aux entreprises risque de créer des problèmes de trésorerie. La baisse des coûts observée pendant le confinement en raison d’une offre réduite de services publics devrait néanmoins atténuer l’impact final sur les taux d’épargne brute, précise l'étude.
Les communes ont par ailleurs accès à des liquidités externes sous la forme de lignes de crédit de trésorerie auprès de banques privées, ce qui renforce leurs niveaux de liquidités. L’étude de Scope prévoit que « l’impact de moyen terme sur les finances municipales reste maîtrisable dans la mesure où les budgets locaux sont traditionnellement moins exposés au risque cyclique que ceux de l’Etat ou des régions ».
Les principales sources de recettes fiscales des communes sont, à hauteur de 66%, la taxe d’habitation et la taxe foncière, dont l’assise est moins sensible aux chocs économiques. De surcroît, les dépenses d’investissement des villes peuvent être reportées, ce qui permet d’amortir l’impact de la baisse des recettes sur l’épargne brute. Cette capacité à résister aux chocs économiques a été manifeste pendant la crise financière de 2008-2009, lors de laquelle les finances locales ont été bien moins ébranlées que celles de l’Etat.
Les communes bénéficient par ailleurs d’un cadre institutionnel favorable. Le gouvernement a déjà annoncé une hausse des transferts pour financer les investissements et un plan de soutien plus substantiel devrait être inclus dans le projet de loi de finances pouor 2021. Dans le même temps, les pressions sur les liquidités sont atténuées par des entrées de trésorerie régulières et prévisibles, parmi lesquelles les concours de l’Etat et les impôts locaux versés mensuellement et garantis par le gouvernement via la centralisation des trésoreries publiques. De plus, le gouvernement pourrait accorder des avances de TVA et, en cas d’importantes difficultés de trésorerie.
Régions Ile-de-France et Paca plus fragiles
L’analyse de Scope utilise des données régionales agrégées pour comparer les fondamentaux budgétaires des municipalités des différentes régions. Les résultats de cette analyse montrent que, dans leur ensemble, les villes des régions Pays de la Loire, Grand Est, Bretagne, Bourgogne Franche-Comté et Normandie présentent les situations financières les plus solides, tandis que celles des régions Île de France et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) accusent les plus fragiles. Sur la période 2015-2018, l’état des finances communales s’est néanmoins amélioré avec, dans toutes les régions, de meilleurs taux d’épargne brute, une diminution des taux d’endettement et une hausse de l’investissement.
Ces résultats mettent en exergue les disparités régionales malgré une réglementation budgétaire centralisée et de multiples mécanismes de péréquation visant à réduire les inégalités entre régions. « Cette situation reflète l’autonomie administrative et financière accordée aux municipalités françaises », constate l'étude.
Nouvelle pression budgétaire sur les collectivités
La réforme de la taxe d’habitation sera en revanche à l’origine de difficultés plus importantes sur le long terme dans la mesure où elle aura pour effet de concentrer les bases fiscales des communes et, éventuellement, la flexibilité de leurs recettes. Il existe en outre un risque réel de voir l’Etat poursuivre des mesures de consolidation budgétaire en période d’après crise.
« Avant la crise du coronavirus, les efforts engagés par l’Etat pour contenir le déficit se concentraient de plus en plus sur les dépenses des collectivités locales », rappelle Giacomo Barisone, en charge de l’analyse des finances publiques chez Scope. Et d'ajouter : « Les finances publiques de l’administration centrale seront lourdement affectées par la crise, et il est possible que des mesures de réduction des coûts décidées après crise augmentent encore la pression budgétaire sur les collectivités locales ».
Les finances communales ont beau être plus solides que par le passé, les disparités qui persistent entre régions signifient que certaines communes risquent de pâtir davantage que d’autres des difficultés à venir.
P.P.-S.