Covid-19 : l’impact sur les collectivités « limité » à 3,8 Md€ en 2020
Dans la continuité du rapport remis au Premier ministre fin juillet 2020, le député (LREM) Jean-René Cazeneuve a présenté, le 26 février, une actualisation du chiffrage de l’impact de la crise du Covid-19 sur les finances locales au 31 décembre 2020.
Selon son troisième baromètre, « en 2020, l’impact est globalement limité et moins fort qu’attendu initialement ». Le président de la délégation à la décentralisation de l’Assemblée nationale estime cet impact à environ 3,8 Md€ en se basant sur les comptes d’exécution des collectivités pour 2020 par la DGFiP. Mais il se veut néanmoins prudent : « Les mécanismes de compensation mis en place par les différentes lois de finances et les pratiques d’émission tardive de titres de certaines collectivités peuvent toutefois encore amener des évolutions ». Pour rappel, son rapport de juillet 2020 estimait à 5 Md€ le montant de perte de recettes et à 2,2 Md€ celui des dépenses supplémentaires.
Efforts de gestion importants
Les recettes réelles de fonctionnement (RRF) constatées sur les budgets principaux des collectivités diminuent d’environ 1% par rapport à 2019. Elles sont donc en très légère baisse et restent meilleures qu’en 2018. Comme prévu, les impôts locaux restent une ressource dynamique (+2% en moyenne). Les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) des collectivités augmentent également d’environ 1% par rapport à 2019. Selon Jean-René Cazeneuve, cette hausse pourrait être moins importante une fois les mesures d’étalement passées dans les comptes des collectivités. De plus, il constate « une bascule dans le contenu des dépenses » : « les collectivités ont fait des économies, comme en témoigne la baisse des charges et achats externes (-3,6%), liées à l’arrêt d’un certain nombre d’activités. Elles ont été contrebalancées par des surcoûts liés au Covid-19, notamment sur les subventions (+1,9%) et les frais de personnel (+1%) ». Cette tendance jugée « rassurante » est aussi le fruit d’efforts de gestion importants des collectivités, tient à préciser le député.
La solidité des DMTO
Le député juge l’impact de la crise sur les finances locales « modéré et limité par rapport aux estimations de juin puis septembre 2020 ». Et d’estimer que les résultats d’exécution 2020 permettent aux collectivités d’« envisager 2021 plus sereinement ». A titre d’exemple, il cite la solidité des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour lesquels les chiffres n’ont cessé d’évoluer. En effet, les premiers chiffres indiquaient une dégringolade de l’ordre de -40%. Le premier rapport Cazeneuve l’estimait à -20% pour la ramener à -10% dans son baromètre n°2 alors que la perte finale n’est de l’ordre que de -2%.
Derrière ce constat globalement assez positif, d’importantes disparités subsistent, entre les différents niveaux de collectivités comme entre les collectivités au sein d’une même catégorie. Ainsi, il existe une certaine hétérogénéité entre les trois niveaux de collectivités.
Bloc communal relativement épargné
Pour le bloc communal, la fiscalité locale directe lui a permis, comme prévu, d’être relativement épargné par la crise. Les RRF diminuent légèrement (-1%) tandis que les DRF restent stables. Cependant, les effets sont très inégalement répartis. « Il existe une corrélation entre la taille des communes et l’impact de la crise : les villes les plus peuplées seraient ainsi plus fortement impactées que les communes rurales », constate Jean-René Cazeneuve. Les RRF ont baissé de -1,3% pour les communes de moins de 3 500 habitants et de -2,3% pour celles de plus de 3 500 habitants. De même, la capacité brute d’autofinancement (CAF brute) des communes de moins de 3 500 habitants progresse de +1,5% tandis qu’elle baisse de -10,7% pour les autres communes. Une étude de France Urbaine va également dans ce sens puisque les 78 collectivités étudiées montrent en moyenne une baisse des RRF entre 1 et 9% et une perte de CAF brute entre 20% et 30%. Cet écart d’impact s’explique notamment par la baisse des recettes tarifaires (-33,4% en moyenne) et d’occupation du domaine public (- 19,2% en moyenne) dont le poids est plus élevé dans les plus grandes villes.
Certaines communes avec des profils particuliers (touristiques et de montagne notamment) sont plus fortement impactées. En effet, aux pertes sur les recettes tarifaires s’ajoutent des pertes de recettes sur des taxes spécifiques (taxe de séjour, remontées mécaniques, taxes sur les gains au casino), qui plongent d’environ 30% (baisse supérieure à celle estimée en octobre et ayant servi à calculer les acomptes de garantie).
Départements : forte hausse du RSA
Les RRF des départements restent relativement stables, grâce à une hausse de la taxe sur les conventions d’assurance (+3,3%) et à une baisse des DMTO mesurée (-2,1%), bien en deçà des pertes initialement prévues. Des divergences existent cependant entre départements avec des écarts-type allant de -17% à +22% par rapport à une année déjà historique. Les DRF sont en hausse, portées par les allocations individuelles de solidarité (AIS) qui augmentent de +5,3% par rapport à 2019 (+1Md€), elles-mêmes largement tirées par la hausse du RSA (+7,3%).
Les régions protégées par l’augmentation de la CVAE
Concernant les régions, les RRF sont en très légère baisse, protégées par l’augmentation de la CVAE en 2020, malgré une baisse significative sur les cartes grises (-9,5%). La fraction de TVA devrait atteindre en 2020 son montant garanti, soit une perte de 266 M€ pour les régions – les pertes au-delà de ce plancher étant supportées par l’Etat. Les pertes de TICPE devraient être de l’ordre de -15% mais sont largement amorties par les garanties de l’Etat. Pour leur part, les DRF sont en hausse, sous l’effet de l’augmentation des achats et charges externes (+4,8%) ou des frais de personnel (+1,9%).
2021 et 2022 : un risque faible sur les finances locales
Selon le 3ème baromètre, la situation financière des collectivités sera meilleure en 2021 et 2022 qu’en 2020. Cela alors qu’on craignait l’inverse. Si, comme prévu, seules trois recettes fiscales sont amenées à diminuer en 2021 et 2022 (CVAE, CFE et taxe d’aménagement), elles baisseront moins qu’initialement prévu, indique-t-il. La perte de CVAE est ainsi ramenée pour 2021 à -2,2% (vs -8%) et celle sur la taxe d’aménagement à -10% (vs -17%). L’ensemble des paramètres conduit Jean-René Cazeneuve à prendre l’hypothèse d’un rebond moins important. « Un impact de la crise plus faible en 2020 implique un rebond moins prononcé en 2021 et 2022 et une pente de sortie plus douce », estime-t-il. Selon lui, la situation sera meilleure en 2021 qu’en 2020, tant sur les recettes fiscales et tarifaires que sur les dépenses. Le risque qui persiste sur les finances locales est mesuré en 2021 et 2022. Une reconstruction progressive du niveau de CAF des collectivités doit donc être attendue.
Divergences selon les niveaux de collectivités
Mais sur ces deux années, les prévisions divergent selon les niveaux de collectivités. Pour le bloc communal, le risque est jugé faible. Les communes devraient connaitre un rebond significatif de leur RRF car étant peu ou pas dépendantes des trois recettes fiscales susceptibles de baisser. Pour les intercommunalités, le risque principal se concentre sur la baisse de la CVAE mais elle reste moins importante que prévu (-2,2%) en 2021.
S’agissant des départements, ce sont eux qui connaissent le risque le plus fort puisque, malgré un soutien significatif de l’Etat, l’effet ciseau n’est pas écarté. D’une part, les DMTO restent une recette fiscale très volatile, et, si l’immobilier s’est avéré être une valeur refuge en 2020, ce phénomène pourrait cesser en 2021. D’autre part, le phénomène d’augmentation des AIS, porté par la hausse du RSA, pourrait se poursuivre en 202. Enfin, concernant les régions, suite au remplacement de la part régionale de CVAE par une fraction de TVA, elles verront leurs recettes et CAF augmenter en 2021 et 2022, sans pour autant retrouver la dynamique d’avant crise. Un double effet doit être anticipé : une neutralisation des pertes de CVAE en 2021 et son remplacement par une ressource dynamique (TVA). La TICPE et la TVA, les deux autres principales recettes fiscales des régions, seront quant à elles croissantes.
Rôle clé des collectivités dans la relance
Sans surprise, Jean-René Cazeneuve estime que « l’Etat soutient les collectivités grâce à de nouvelles mesures en 2021 et au plan de relance ». Selon le député, depuis le début de la crise sanitaire, plus de 10 Md€ ont été apportés par l’Etat en soutien aux finances et projets des collectivités. Il insiste sur le rôle essentiel des collectivités locales dans la relance, rappelant qu’elles portent chaque année plus de 65% de l’investissement public. Et d’insister sur la place de premier plan du bloc communal du fait de son poids dans l’investissement.
Difficultés des transports publics et dépenses sociales
Malgré ce tableau assez positif, le député appelle à rester vigilant et propose la mise en place d’un observatoire, composé de plusieurs parties prenantes, pour jouer le rôle de tiers de confiance entre l’Etat et les collectivités. Selon lui, deux points doivent être particulièrement surveillés en 2021. Tout d’abord, les transports publics dont les difficultés devraient se prolonger en 2021, voire en 2022. Si pertes de versement mobilité (-5%) et de recettes tarifaires (-30%) sont restées mesurées en 2020, la fréquentation a diminué de moitié par rapport à son niveau d’avant crise. Le retour à une fréquentation normale reste sujette à de nombreuses inconnues (retour de la confiance, continuité du télétravail, report modal…). Sur ce sujet, Jean-Baptiste Djebarri, le ministre des Transports, a confié à Philippe Duron une mission sur l’avenir du modèle économique des transports en commun, dont les premières conclusions devraient paraître en mars prochain.
Second point à surveiller : la hausse des dépenses sociales des départements et en particulier du RSA avec la montée du chômage. Le député demande ici que se poursuive la réflexion sur l’instauration d’un mécanisme de compensation pour les départements soumis à un effet ciseau très fort (CVAE, DMTO, RSA) comme sur l’expérimentation de la recentralisation du RSA.
Philippe Pottiée-Sperry
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