Le retour en grâce des villes moyennes

Philippe Pottiée-Sperry
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Avec 35 % de la population et 30 % de l’emploi salarié en France, les villes moyennes pèsent dans le paysage.
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Après une longue période de déprise économique et démographique, avec de surcroit une mise à l’écart des principales politiques publiques d’aménagement du territoire, elles connaissent un retour sur le devant de la scène depuis plusieurs années. Un phénomène amplifié par la crise sanitaire avec une hausse d’attractivité, alimentée par des possibilités accrues de télétravail ou l’image d’une meilleure qualité de vie. Elles sont aujourd’hui identifiées comme des territoires dynamiques, disposant d’un bon équilibre entre fonctions de centralité, mixité sociale et cadre de vie agréable et proche de la nature, avec une offre de services et d’emplois. Deux études récentes de France Stratégie, institution rattachée au Premier ministre, l’une intitulée « La revanche des villes moyennes, vraiment ? » et l’autre « Les villes moyennes, un pilier durable de l’aménagement du territoire ? » sont intéressantes car elles confirment ce constat positif, fréquemment avancé, mais le relativisent aussi du fait de situations hétérogènes avec de fortes variations selon les territoires. Leur objectif est d’« objectiver » la situation avant et pendant la pandémie.

Quatre catégories de villes moyennes

Le retour en grâce des villes moyennes a été accompagné par le gouvernement avec le lancement, fin 2017, du programme Action cœur de ville (ACV). Objectif : revitaliser 222 villes moyennes avec un budget de 5 Md€ sur cinq ans (3,8 Md€ déjà engagés fin 2021). Selon le dernier bilan, dressé le 15 février, 67 000 logements ont été réhabités ou construits (objectif initial de 60 000) et plus 6000 actions de villes sont en cours ou en projet ou encore 223 opérations de revitalisation de territoire (ORT) signées.

« Conséquences de l’histoire, les villes moyennes constituent aujourd’hui une réalité territoriale qui structure l’organisation du pays », estime France Stratégie. Mais en évoquant aussi des situations hétérogènes, notamment géographiques, économiques ou démographiques. Les études de France Stratégie s’appuient sur un panel de 202 villes moyennes, à partir de trois indicateurs (démographie, emploi et prix de l'immobilier). Elles ainsi identifient quatre catégories : les villes dynamiques (42% : littoral atlantique, pourtour méditerranéen, vallée du Rhône, zone frontalière avec la Suisse), les villes comparables aux tendances nationales (27% : littoral breton, est, centre, nord), les villes en retrait (16% : centre et quart nord-est) et les villes atypiques aux profils contrastés (14% : Normandie, nord et est).

La plupart des villes moyennes jouent un rôle central à l’échelle locale et constituent « un pivot des systèmes territoriaux ». 100 villes du panel constituent des centres majeurs en termes d’équipements et de services et accueillent des tribunaux, des établissements universitaires ou de grands équipements sportifs et culturels. Par ailleurs, 75 % des villes moyennes du panel accueillent le siège de préfectures ou de sous-préfectures.

Effet accélérateur de la crise sanitaire

Durant la crise sanitaire, le taux de croissance de l’emploi dans les villes moyennes a été le même qu’au niveau national. Mais la dynamique y est légèrement supérieure que dans les métropoles (+1,9%). En deux ans, 160 villes moyennes sur les 202 étudiées ont créé de l’emploi, dont 77 plus de 3 %. Même des villes « en retrait » pendant la décennie précédente, comme Nevers ou Vierzon, ont créé plus de 3 % d’emploi entre 2019 et 2021. Concernant l’immobilier, la hausse des prix s’est concentrée dans les pôles des villes moyennes, traduisant un possible rattrapage par rapport aux couronnes. 65 villes du panel ont connu une augmentation des prix plus rapide que la moyenne nationale. France Stratégie reste néanmoins prudente sur un regain d'attractivité des villes moyennes qui s’expliquerait juste sur la variation du marché de l'immobilier qui a existé partout durant la pandémie.

Plusieurs enquêtes confirment ce dynamisme retrouvé des villes moyennes et amplifié depuis 2020, comme le palmarès Villes de France-Mytrafic des centres-villes dynamiques ou le baromètre de l’immobilier dans les villes moyennes de l’ANCT et des Notaires de France. Au sortir du confinement, selon le baromètre des territoires 2020, 50% des Français affirmaient leur choix de vivre dans une ville moyenne (13% dans une petite ville) s’ils le pouvaient et 36% des moins de 35 ans vivant en métropole souhaitaient y déménager. Une tendance confirmée à l’échelle nationale avec 84% des Français préférant vivre dans une ville moyenne plutôt que dans une métropole. Cet attrait fort n’empêche pas qu’une partie de la population de ces territoires continue de vivre un profond mal-être et de se sentir abandonnée.

Variations selon les régions

Selon France Stratégie, 85 des 202 villes du panel ont connu des trajectoires plus favorables qu’au niveau national pendant la décennie précédant la pandémie. La crise sanitaire a amplifié ce regain d’intérêt avec une hausse d’attractivité, alimentée par les départs des grandes villes, le télétravail et l’image d’une meilleure qualité de vie. De plus, les couronnes des villes moyennes sont souvent bien plus dynamiques que leurs pôles urbains, ce qui les distingue de beaucoup de métropoles. Ainsi, 45 % des villes moyennes ont connu une croissance de la population de leur couronne, alors que leur pôle connaissait une baisse. D’une région à l’autre les situations varient : attractivité générale de l’ouest de la France ou difficultés liées à l’emploi dans le quart nord-est. Les villes moyennes situées dans des bassins désindustrialisés demeurent en difficulté.

Renforcer l’accompagnement

Au regard de leur dynamisme et des défis qui les attendent, en matière de transition écologique, démographique ou numérique, les villes moyennes sont jugées par France Stratégie comme « un pilier durable de l’aménagement du territoire ». Elle propose de mobiliser les dispositifs déjà existants pour renforcer leur accompagnement en prenant bien en compte la variété de leurs situations. Et d’appeler par exemple à des réponses différenciées concernant la maîtrise de l’artificialisation ou le développement des transports en commun. Par ailleurs, « elles vont avoir besoin de mieux comprendre les dynamiques territoriales, et d'accéder à de meilleures capacités d'analyse, de prospective territoriale, et d'ingénierie ». Une mission qui pourrait être confiée à l’ANCT.

Philippe Pottiée-Sperry

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