Les agressions envers les maires se multiplient

Philippe Pottiée-Sperry
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Physiques, verbales ou psychologiques, les agressions envers les élus locaux se multiplient ces derniers temps. « Le constat est aujourd'hui indéniable : il y a une augmentation des agressions contre les maires ou leurs adjoints », a reconnu David Lisnard, le président de l'AMF.

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Dans la soirée du 10 décembre, le domicile du maire de Nogent-sur-Vernisson (Loiret), Philippe Moreau, a été caillassé. Cinq gros pavés jetés sur les murs et les fenêtres de sa maison, dont l’un a perforé la fenêtre du rez-de-chaussée, l’ont conduit à porter plainte. « C'est la première fois que ça m'arrive », a déclaré le maire au micro de France Bleu. C'est un événement qui vous marque mais il est évident que je reste déterminé et ce ne sont pas quelques irresponsables qu'on peut qualifier de voyous, qui vont me faire reculer par rapport à mes convictions ». Et Philippe Moreau d’ajouter : « C'est la République que l'on a attaquée, avec son représentant, mais mes administrés peuvent compter sur moi pour qu'on continue sur ce chemin dans le village ».

Menaces de mort

Dans la nuit du 6 au 7 décembre, Bernard Denis, le maire de Saint-Côme-du-Mont (Manche), a été victime d’un incendie volontaire et de graffitis sur son domicile à caractère haineux. L’élu a en effet été menacé de mort en raison de son soutien à Emmanuel Macron. Sur le mur était écrit « Le maire soutient Macron, à mort… Zemmour président ». « Je ne comprends pas… Je suis très révolté, a déclaré l’élu. Si c’est réellement à cause de ma position politique, je trouve cela très grave »

Stéphane Travert, député (LREM) de la Manche et président de La République Ensemble (association d’élus locaux proche de la LREM) a apporté son soutien à Bernard Denis et jugé cette agression « intolérable » : « De tels actes sont inacceptables et indignes dans une démocratie. La République ne peut plus tolérer de tels agissements ». Un soutien également apporté par le président de l’AMF.

Le maire de Ledeuix frappé au visage

Deux jours plus tard, le 9 décembre, David Lisnard réagissait à une autre affaire en apportant là aussi son soutien à Bernard Aurisset, le maire de Ledeuix (Pyrénées-Atlantiques), en « condamnant avec la plus grande fermeté l’acte d’agression dont il a fait l’objet dans l’exercice de son mandat ». Présent devant l’école du village pour organiser le dispositif de dépistage contre le Covid-19, l’élu a été frappé par un administré lui ayant donné un coup de poing au visage. « Nous souhaitons une sanction exemplaire pour des faits de violences qui n’ont pas lieu d’être », a réagi Alain Sanz, maire de Rébénacq et président de l’association des maires des Pyrénées-Atlantiques.

L’AMF veut pouvoir se constituer partie civile

Selon le président de l’AMF, « le mal est profond, il renvoie au délitement civique et à la déliquescence de l’Etat régalien depuis trop longtemps. L’AMF sonne l’alerte ». Et d’ajouter : « chaque jour, des élus sont victimes de violences dans l’exercice de leur mandat, c’est une spirale infernale ». Et d’interpeller les ministres de l’Intérieur et de la Justice pour qu’ils prennent « les mesures nécessaires dans les délais les plus brefs avec des actes pour que les procédures soient suivies et les sanctions réelles ».

L’AMF demande un véritable suivi pénal, des procédures judiciaires plus rapides et des condamnations effectives. Elle souhaite aussi pouvoir se constituer partie civile pour appuyer les maires dans leurs démarches, comme peuvent déjà le faire les associations départementales de maires. Selon David Lisnard, « lors d’outrages ou de menaces, il y a souvent des tentations d’un classement sans suite. Si l’AMF se constitue partie civile avec un avocat mandaté par nos soins, nous pourrons appuyer la démarche des élus ».

Porter plainte à chaque agression

De même, l’AMRF (Association des maires ruraux de France) a vivement condamné l’agression du maire de Ledeuix en apportant « tout son soutien à cet engagé qui passe une grande partie de son temps au service de l’intérêt général et qui se voit violenté pour cette raison. Malgré des dispositions nouvelles et des instructions ministérielles aux forces de l’ordre et aux procureurs, force est de constater que la réponse ne suffit pas ». L’association appelle les élus à porter plainte à chaque agression et à signaler auprès des associations départementales de maires ruraux, des gendarmes et des sous-préfets, toutes les situations de ce genre.

Le maire de Poissy menacé d’être « égorgé »

Ces derniers temps, ce type d’acte n’est pas malheureusement pas isolé. Le 1er décembre, un homme a menacé d’« égorger » Karl Olive, le maire de Poissy (Yvelines). « À 2h30 du matin, un forcené a d’abord tenté de m’appréhender à mon domicile avant de m’attendre ce matin devant la mairie. Il a été neutralisé par les forces de police » (photo), a expliqué Karl Olive. L’individu le harcelait depuis un an et demi en lui envoyant des messages insultants par mail et sur les réseaux sociaux. L'élu avait déjà été menacé au printemps dernier chez lui. Le maire de Poissy devait porter plainte et son domicile a été placé sous surveillance. L’AMF lui a apporté son « soutien total et son entière solidarité ».

Le 6 décembre, le maire d'Auxonne (Côte d'Or), Jacques-François Coiquil, a reçu en mairie une lettre anonyme contenant des menaces contre sa personne et son entourage. Quelques jours plus tôt, le 29 novembre, le maire de Champéon (Mayenne), Christian Sabran, a été agressé et griffé au visage par une habitante de sa commune qui avait quitté un logement municipal sans prévenir et sans rendre les clés. L'auteure de l'agression a été placée en garde à vue puis condamnée à 105 heures de travail d'intérêt général. « Ça fait 20 ans que je suis maire et j'ai fait dix ans en tant qu'adjoint, je n'ai jamais vu ça. Cela devient de moins en moins facile aujourd'hui, les gens sont de plus en plus agressifs », a regretté le maire sur France Bleu.

Modifier le Code de procédure pénale

Autre cas encore : le maire de Briançon (Hautes-Alpes), Arnaud Murgia, a annoncé, le 24 novembre, sur les réseaux sociaux que son véhicule avait été incendié et totalement brûlé durant la nuit devant son domicile. Selon l’élu, « il est impensable qu’en 2021, on puisse s’en prendre de cette manière et avec une telle violence à nos services publics d’abord et à un élu local ensuite. J’espère et attend une réaction forte de l’Etat. Les intimidations ne modifieront jamais ma ligne de conduite ». « Cette spirale infernale de la violence qui touche l’ensemble de la société et plus particulièrement les élus nécessite une réaction non pas symbolique et d’affichage mais des actions efficaces et profondes d’ordre public et pénal », a réagi l’AMF. Et de demander que le Code de procédure pénale soit modifié pour lui permettre, au même titre que les associations départementales de maires, de pouvoir se constituer partie civile. Objectif : appuyer la démarche des élus victimes et contribuer à l’effectivité des poursuites et à la réparation des préjudices.

Une convention signée avec France victimes

Mi-novembre, l'AMF a signé une convention avec France victimes pour « accompagner les élus victimes d'agressions ». Ce partenariat vise à « mettre en place une collaboration étroite permettant, d’une part, de formaliser les relations entre les associations nationales pour décliner localement la coopération entre associations départementales et, d’autre part à prendre en charge les maires et élus locaux qui font l’objet de violences physiques et verbales ». France victimes regroupe 130 associations agréées par le ministre de la Justice et propose un accompagnement juridique, psychologique et social personnalisé aux victimes d’agressions pénales : violences, agressions physiques et sexuelles, injures, discriminations, harcèlement… France victimes va désigner, dans chaque département, un « référent élus », qui sera « le point de contact pour chaque association départementale du réseau AMF ». Des actions de sensibilisation locales et ciblées seront également menées auprès des communes.

Philippe Pottiée-Sperry

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