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Un « pack rebond » pour les territoires les plus fragiles

Philippe Pottiée-Sperry
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Jean-Noël Barrot, député (Modem) des Yvelines, a remis fin juin, au Premier ministre, son rapport sur le rebond économique des territoires. Cette mission de six mois de travail, avec des déplacements dans les 13 régions métropolitaines et la rencontre de 650 interlocuteurs, lui ont permis tout d’abord d’établir un diagnostic sur l’impact économique territorial de la crise sanitaire.

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Le député évoque des « conséquences inattendues » avec une « géographie de la baisse d'activité qui ne recouvre pas celle des fragilités préexistantes, et a provoqué l'amorce d'un exode urbain ». Autre constat : les mesures de soutien et de relance ont surtout bénéficié aux territoires ayant connu la plus forte baisse d'activité ».

Il formule 27 propositions pour « un rebond économique durable » qui s’articulent autour d’une « stratégie coopérer-territorialiser-régénérer » et d’un « pack rebond » destiné aux territoires vulnérables en concentrant les moyens d'intervention de l'Etat. Selon le député, la plupart des mesures proposées peuvent être mises en oeuvre sans coût supplémentaire et sans grandes évolutions législatives. Il n’empêche que certaines mesures préconisées pourraient être intégrées au projet de loi « 4D », en cours de discussion au Parlement. « La relance passera par les territoires ! Nous nous appuierons sur les conclusions de la mission que j’ai confiée à Jean-Noël Barrot pour accompagner les Français les plus fragilisés par la crise et les aider à rebondir. C’est, tout simplement, une question d’égalité entre les citoyens », a réagi Jean Castex sur Twitter, après la remise du rapport.

Une cartographie des vulnérabilités

« Notre pays est traversé par des fractures territoriales qui ne datent pas de l’irruption dans nos vies du coronavirus », constate Jean-Noël Barrot dans son rapport. Et d’ajouter que la crise actuelle « pourrait approfondir ces fractures en fragilisant plus encore les territoires les moins dynamiques. C’est la raison pour laquelle l’Etat et les collectivités locales ont mis sur pied des dispositifs de soutien exceptionnels pour les salariés et les entreprises ». En premier lieu, le rapport vise à établir un diagnostic et une cartographie fine des vulnérabilités, territoire par territoire. Dans les 30 zones d’emploi les plus touchées par la crise, les facteurs locaux contribuent davantage à expliquer le choc que la composition sectorielle du tissu économique : ils expliquent ainsi 82 % de la baisse d’activité dans la zone d’emploi de Roissy et 57 % dans celle de la Tarentaise, qui sont les plus touchées sur la période de mars 2020 à février 2021.

La comparaison des flux résidentiels entre le second semestre 2019 et le second semestre 2020 montre une hausse notable des acquisitions immobilières dans un autre département (13 %), particulièrement prononcée au départ des grandes métropoles (Paris, Marseille, Toulouse, Nantes) et à destination des départements périphériques moins denses et plus ruraux. Ces mobilités nouvelles dessinent ainsi « une large auréole autour des métropoles » : au départ de Paris, les plus fortes hausses d’acquisitions en volume se retrouvent par exemple en grande couronne, en Normandie ou dans le Centre-Val de Loire.

Fiscalité, droit du travail et urbanisme

L’examen de la répartition territoriale des quatre principales mesures de soutien (fonds de solidarité, activité partielle, PGE, reports de cotisations sociales, soit au total 177,9 Md€) et des mesures de relance dont la répartition départementale était disponible (soit au total 14,8 Md€) indique qu’elles ont plus fortement bénéficié aux départements connaissant la baisse la plus marquée de la masse salariale privée pendant la crise.

Les propositions du rapport Barrot visent à accompagner le rebond économique des territoires fragilisés, en complément des outils transversaux et puissants du plan France Relance. Avec une attention particulière à la reconversion des salariés, la création et la croissance de nouvelles entreprises, la restructuration de celles qui connaîtront des difficultés, la situation des indépendants ou encore la reconversion du foncier. Ses recommandations s’articulent autour de trois axes : le renforcement des coopérations entre acteurs locaux, la plus grande territorialisation des mesures de soutien et de relance, et la régénération du tissu économique des territoires les plus touchés. Elles relèvent ainsi de la fiscalité, du droit du travail ou de l’urbanisme.

Soulignant l’intérêt du fonds friches du plan de relance (doté à présent de 650 M€), le rapport Barrot suggère d’orienter une partie de son enveloppe vers les territoires les plus fragiles en sensibilisant les préfets de région. Il s’agirait aussi d’allonger d’un an la fenêtre de dépôts des dossiers pour permettre à ces territoires de consolider leur projet de territoire autour des friches à réhabiliter. Autre recommandation : pérenniser un fonds friches en le ciblant sur les territoires les plus fragiles afin de purger le stock de friches existantes et de prévenir sa reconstitution.

« Les solutions viendront des territoires »

« Le seul recours aux zonages fiscaux n’a pas fait la preuve de son efficacité et le tournant pris vers une logique contractuelle, centrée sur des projets, doit être accentué », estime le député. Il propose ainsi la mise en place à l’horizon 2022 d’un « pack rebond » pour les territoires fragiles, fondé sur une logique ascendante, une meilleure concentration des moyens et ouvrant droit à une palette d’instruments de revitalisation autour d’une notion unifiée de fragilité territoriale. Selon Jean-Noël Barrot, dans une interview à la Tribune, l’« idée structurante [du rapport] consiste à dire que les solutions viendront des territoires. La crise les a poussés à se prendre en main et l'Etat doit les accompagner dans cet élan. Nous devons faire fructifier ce capital territorial et consolider les liens nouveaux entre les services de l'Etat, les élus locaux et les entreprises ».

Un avenant du CRTE sur le « pack rebond »

Voulant capitaliser sur la coordination et la coopération des acteurs de terrain, le député souligne tout l’intérêt des nouveaux dispositifs conclus entre l’Etat et les collectivités, avec une logique ascendante et non plus descendante, comme les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain ou Territoires d’industrie mais aussi le nouveau dispositif des contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Une des préconisations de son rapport recommande ainsi d’instituer un dispositif d’accompagnement renforcé pour les territoires les plus fragiles, intitulé « pack rebond ». Il se traduirait dès 2022 dans un avenant au CRTE, avec des outils spécifiques de revitalisation et des moyens d’intervention de l’État. Cela se ferait « sur la base du volontariat des acteurs de terrain », précise le rapport.

Il propose également de créer une plateforme « ingenierie.gouv.fr » de mise en relation de l’offre et de la demande d’ingénierie publique, en stimulant l’offre par des incitations financières aux fonctionnaires et en fléchant certains postes déconcentrés du futur INSP (Institut national du service public) sur des missions d’ingénierie dans les territoires (sous-préfets à l’animation économique, à la suite des sous-préfets à la relance).

Plus de territorialisation

Dans ses recommandations, Jean-Noël Barrot plaide également pour plus de simplification et un rôle accru à la territorialisation des actions mises en place. Il propose ainsi de mettre à disposition des services de l’État en région des enveloppes de subventions réservées au traitement de problématiques économiques localisées pour apporter une réponse sur-mesure aux besoins spécifiques des territoires. Autre préconisation : pour les enveloppes inférieures à 50 M€, prévoir par défaut le principe d’une instruction au niveau déconcentré de tous les appels à projets à venir et des réabondements éventuels afin d’accélérer l’instruction et de faciliter la communication avec les candidats. Par ailleurs, il propose de mettre en place au niveau régional une cellule de coordination État-opérateurs-région pour faciliter la réorientation des dossiers non retenus des appels à projets vers d’autres financements.

Philippe Pottiée-Sperry

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