, mis à jour le 17/09/2025 à 18h15

Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Biarritz… pourquoi l’Ouest attire tant

David Miet
cofondateur de Villes Vivantes
Organic Cities
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Plus de 624 000 habitants gagnés en dix ans sur la Grande côte ouest

À l’occasion de la 2ᵉ édition d’Organic Cities (co-organisée par Villes Vivantes, Sciences Po Rennes et l’OFCE), consacrée à  « FRENCH WEST COAST : les défis de la ruée vers l’Ouest » les 18 et 19 septembre, David Miet, cofondateur de Villes Vivantes et Romain Pasquier, directeur de la Chaire TMAP (Territoires et Mutations de l’Action Publique) de Sciences Po Rennes décryptent en avant première l’explosion d’attractivité du littoral atlantique. Regards croisés.

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Zepros Territorial : Pourquoi ce colloque maintenant ? Que voulez-vous mettre sur la table ?

David Miet : Parce que la même question remonte partout, du Pays basque à Saint-Malo : comment accueillir durablement des habitants, des activités et des usages dans un espace rare ? La « ruée vers l’Ouest » s’est accélérée après la Covid, mais elle s’inscrit dans un mouvement mondial de littoralisation. En fait, ces mouvements, souvent traités à l’échelle communale, relèvent en réalité d’une dynamique nationale. D’où une grande table ronde intitulée « Du Grand Paris à la Grande Côte Ouest ».

Qu’est-ce qui explique cette « ruée » ?

David Miet : Un hédonisme assumé (cadre de vie, loisirs, nature), la santé économique de l’Ouest, y compris industrielle, avec des créations d’emplois supérieures à la moyenne — et la métropolisation : Rennes, Nantes, Bordeaux tirent tout l’arc atlantique. Résultat : entre 2011 et 2021, de l’Ille-et-Vilaine aux Pyrénées-Atlantiques, on gagne 624 000 habitant l’équivalent de Bordeaux + Nantes + La Rochelle en population.

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Romain Pasquier

Romain Pasquier : On assiste au grand basculement français. Après les Trente Glorieuses dominées par le Nord-Est industriel, l’économie post-industrielle favorise l’Ouest, où le bien-être prend le pas sur « l’emploi à tout prix ». Mais l’attractivité a un coût social : flambée du foncier, déplacement des populations locales vers l’arrière-pays, inégalités internes et tensions culturelles. Les métropoles se sont bien équipées, mais le lien avec leur hinterland reste fragile.

 

Logement, mobilités, écoles, hôpitaux : l’appareil public suit-il ?

Romain Pasquier : Dans les métropoles, oui : tramways, métro, services. Mais en 3ᵉ et 4ᵉ couronnes, les habitants ont des attentes métropolitaines sans pouvoir bénéficier du même niveau de services, car les coûts et les fréquences sont impossibles à répliquer partout. résultat : cela nourrit un sentiment de déclassement.

David Miet : Le cœur du débat, c’est le lien densité / services. On a accueilli des dizaines de milliers de ménages loin des pôles, parfois assez pour réouvrir des classes, mais pas assez denses pour garantir autre chose que des services minimaux. On sait que le ZAN (zéro artificialisation nette) restreint l’étalement mais la densité à proximité est impossible et même contestée. 

Comment sortir du face-à-face « « Not In My BackYard », cette théorie qui consiste à rejetter hors de son environnement immédiat la réalisation de projets d'installations et d'infrastructures ?

David Miet : Le consensus pro-densité des urbanistes a été ébranlé depuis le Covid, et leurs arguments sont « descendu » dans le débat public. Les urbanistes parlent d' îlots de chaleur, de ville apaisée, remettent en question la densité. Résultat : les hauteurs d'immeubles sont abaissées, les permis sont négociés à la baisse, et soutiennent plus la plantation d'arbres que l'accueil de nouveaux voisins. Il faut ré-ouvrir sereinement le débat : quelle densité, où, pour quels services ?

Vous plaidez donc pour changer d’échelle de gouvernance ?

David Miet : Oui, au moins pour certains territoires stratégiques. Comme pour les ports, le littoral remplit une fonction nationale (refroidissement climatique, santé, attractivité, bassin d’emplois). Paris n’« appartient » pas qu’aux Parisiens ; de même, le littoral ne peut être géré uniquement par la somme des intérêts locaux.

Romain Pasquier : Et n’oublions pas le clivage urbain-rural qui se politise. Deux France s’éloignent : les métropoles et le littiral où la demande de densité est forte, et les vastes espaces qui se sentent laissés pour compte. Relever le défi, c’est organiser l’accueil dans les zones en tension sans promettre l’impossible partout ailleurs.

Concrètement, quelles pistes mettre en débat à Organic Cities ?

David Miet : Tout d'abord,  hiérarchiser l’accueil : identifier 5–10 % de territoires à forte pression et y assumer des formes urbaines plus compactes (mixité, réhabilitation et surélévation, densification le long des axes, logements étudiants et saisonniers). Ensuite gagner de la capacité sans étaler : mobiliser le bâti existant (vacance utile, division qualitative des grands logements, surélévation bas-carbone), et accélérer la réhabilitation.
Il faut en fait conditionner les projets à des forfaits de services (fréquences de bus, crèches, écoles, santé, sport) et surtout gouverner à la bonne échelle : contrats littoraux État-Régions-intercos, avec des objectifs de logements abordables et de mobilités mesurables. Enfin je dirai, qu'il faut apaiser le débat local.

Et si « l’eldorado » se retournait ? Le risque d’un aller-retour façon Méditerranée ou Marseille ?

David Miet :  La Méditerranée est saturée depuis longtemps ; l’Atlantique reste moins dense et conserve un espace des possibles — à condition d’anticiper. L’échec viendrait d’un mauvais réglage : densifier sans services, ou promettre des services sans densité. Le vrai sujet, c’est l’équilibre.

Dernier mot : ce que vous attendez des 18–19 septembre ?

David Miet : Que la profession, les élus et l’État assument des choix : où accueillir, combien, et avec quels services. Et qu’on teste l’idée d’une « Grande Côte Ouest » comme projet d’aménagement explicite, lisible par tous.

 

Danièle Licata, rédactrice en chef Zepros Territorial, décrypte enjeux publics et collectivités. Forte de 20 ans en presse économique, elle rend accessibles les sujets complexes avec passion et engagement.
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