Panorama de la restauration scolaire après la loi EGalim

Philippe Pottiée-Sperry
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L’AMF vient de publier une enquête sur la restauration scolaire du premier degré qui est un service public facultatif. Elle fait l’objet depuis plusieurs années d’un accroissement des normes et de pressions diverses (accès, équilibre nutritionnel, produits de qualité et durables, diversification des protéines, gaspillage alimentaire, interdiction du plastique, tarification, règles sanitaires...), renforcées depuis la loi EGalim du 30 octobre 2018.

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Dans ce contexte, l’AMF a souhaité dresser, pour la première fois, un panorama complet de l’organisation des services de restauration scolaire afin de mieux appréhender les capacités et les difficultés des communes et des intercommunalités gestionnaires à faire face à ces nouveaux enjeux.

Cette enquête de l’AMF complète bien le rapport de la Cour des comptes de février 2020 sur les services communaux de la restauration collective, « caractérisés par la diversité de leurs usagers et de leurs modes de gestion [qui] représentent une charge budgétaire importante ». S’il indiquait que des leviers d’amélioration de la gestion existent, il plaidait pour une collaboration entre l’État et l’échelon local, notamment dans la mise en place d’outils permettant un suivi précis de l’atteinte des objectifs fixés par les dernières évolutions législatives. A ce sujet, la Cour reconnait que les nouvelles exigences de politiques nationales, principalement avec la loi EGalim, sont « difficiles à satisfaire ».

Un service public jugé essentiel

Les élus attachent une grande importance au service de restauration scolaire. 64 % des collectivités accueillent au minimum 75 % des élèves scolarisés, dont 31 % plus de 90 %. Ils ont conscience des enjeux que représente ce service pour les enfants en termes de réussite scolaire, d’accès et d’éducation à une alimentation saine et équilibrée… Ils s’efforcent ainsi d’assurer les meilleures conditions d’accès au service tout en garantissant la santé et la sécurité des élèves. Malgré son caractère facultatif, le gestionnaire doit garantir l’accès de tous les enfants au service, lorsque les parents en font la demande, ce qui pose encore difficulté pour 14 % des collectivités sondées. De plus, les collectivités facilitent l’accès des enfants des familles en difficulté sociale. D’après l’enquête, la mesure de la tarification sociale, basée généralement sur le quotient familial, est fréquemment suivie par les villes de plus de 10 000 habitants (au-delà de 75 %), tandis que les communes plus petites optent plus pour la tarification unique. Explication : la surcharge administrative, pour ces dernières, liée à la mise en place d’un barème des participations familiales, voire par le recours direct aux CCAS qui peuvent aussi apporter une aide aux familles en difficulté.

La régie reste majoritaire

D’après l’enquête, l’organisation du service de restauration scolaire reste encore majoritairement à la main des communes et gérée en régie. Ce mode de gestion reste en effet choisi par 58% des collectivités interrogées contre 30% ayant opté pour la délégation de service et 12% pour un mode de gestion mixte. La répartition entre la régie (45 %) et la délégation (41 %) est davantage équilibrée pour les villes de plus de 30 000 habitants. Quand la gestion est déléguée, la préparation des repas est principalement confiée à une société de restauration (67% des collectivités répondantes) contre seulement 9% à une association, 7% à une autre collectivité et 3% à un restaurant. Pour 14 % d’entre elles, la préparation des repas est confiée à d’autres types d’acteurs tels qu’une maison de retraite, un établissement hospitalier ou un traiteur.

Un mode de gestion plébiscité

Les collectivités fonctionnant en régie plébiscitent ce mode de gestion notamment pour sa capacité à mieux maîtriser les coûts, à favoriser les approvisionnements en produits locaux et de meilleure qualité ainsi que pour réduire le gaspillage alimentaire. Au total, les choix de modes de gestion sont relativement stables puisque 86% des communes et intercommunalités répondantes n’ont pas opéré récemment un changement de mode de gestion et ne l’envisagent pas à court terme, malgré la crise sanitaire. Cette dernière affecte peu l’organisation du service pour plus de la moitié des collectivités (58%), fortement pour près d’un quart (23%) et aucunement pour 19% d’entre elles. Les principales contraintes engendrées par la crise ont trait à la surcharge de travail pour le personnel (31%), l’encadrement renforcé des enfants en raison des règles sanitaires (21%) ou à l’allongement du temps de la restauration (16%).

Garantir la surveillance et la sécurité des élèves

La tarification unique concerne surtout les communes de moins de 2000 habitants (84 %) et les intercommunalités (75 %), tandis que la tarification dégressive concerne davantage celles de 10 000 à 29 999 habitants (78 %) et de plus de 30 000 habitants (84 %). Lorsqu’il est dégressif, le tarif le plus bas est supérieur à un euro pour 79 % des collectivités concernées et le plus élevé inférieur à cinq euros dans 65 % des cas. La gratuité pour les familles les plus en difficulté est en revanche très rarement prévue (1 %). S’agissant de l’encadrement des élèves pendant le temps du repas, les taux les plus fréquemment appliqués sont un adulte pour 11 à 20 élèves (42 % pour le niveau maternel, 47 % pour l’élémentaire), suivi d’un adulte pour 5 à 10 élèves (32 %) pour la maternelle et d’un pour 21 à 30 élèves (21 %) pour l’élémentaire. Les taux d’encadrement applicables aux accueils de loisirs déclarés sont quant à eux suivis par 18 % des collectivités pour les deux niveaux. En l’absence de taux d’encadrement obligatoires, hors accueils de loisirs déclarés, ces résultats soulignent les efforts des collectivités pour garantir la surveillance et la sécurité des élèves, estime l'enquête.

Le menu végétarien ne convainc pas

Autre chiffre : 55 % des collectivités ne proposaient aucune offre de menu végétarien avant le lancement de l’expérimentation obligatoire à compter du 1er novembre 2019, en particulier pour les EPCI (57 %) et les communes de moins de 2000 habitants (59 %). 24% des collectivités proposaient un menu végétarien moins d’une fois par semaine et 14% au minimum une fois par semaine. Sans surprise, cela est davantage pratiqué dans les plus grandes communes. Aujourd’hui, l’expérimentation est mise en place par 89 % des collectivités et génère 53 % de difficultés pour celles-ci. Il s’agit surtout d’une augmentation du gaspillage alimentaire (37 %) ou de difficultés de mise en œuvre (31 %). Ces dernières portent notamment sur la composition et la diversité des repas (40 %), la formation du personnel (19 %), le coût supplémentaire (17 %), la réorganisation de la préparation des repas (13 %) et la réticence du personnel (11 %). Au terme de l’expérimentation le 31 octobre 2021, les trois-quarts des collectivités ne souhaitent pas une pérennisation de cette obligation, ni son renforcement, préférant de simples recommandations.

Encore des progrès à faire sur le bio

L’enquête souligne les efforts des collectivités pour atteindre les objectifs fixés par la loi EGalim du 30 octobre 2018 en faveur de repas plus sains, plus locaux et plus respectueux de l’environnement, notamment en termes d’approvisionnement en produits de qualité et durables. Mais seulement 19 % des collectivités respectent à ce jour l’obligation de la loi d’inclure dans les repas, d’ici le 1er janvier 2022, 50 % de produits de qualité et durables (labels, mentions valorisantes...) en valeur d’achat, dont 20 % de bio. La proportion de produits de qualité et durables atteint toutefois entre 25 % et 50 % pour 43 % des collectivités, tandis que 38 % ont renseigné une proportion inférieure à 25 %.

Par ailleurs, 47 % des collectivités indiquent une proportion inférieure à 20 % de produits bio ou en conversion dont 17 % en-deçà de 10 %. À l’inverse, 34 % incluraient déjà une proportion d’au moins 20 % de ces produits en valeur d’achat, et seulement 6 % au-delà de 50 %. Mais 19 % des collectivités ignorent à ce stade la part des produits bio dans les repas servis. Au 1er janvier 2022, seules 36 % pensent dès à présent pouvoir respecter les deux seuils prévus. La capacité à pouvoir le faire augmente selon la taille de la collectivité : 50 % pour les communes de 2000 à 29 999 habitants et 73 % pour celles de plus de 30 000 habitants. Globalement, si 3 % seulement des collectivités ne pensent pas pouvoir les respecter, la moitié des collectivités n’est pas encore en mesure de répondre à cette question.

Un reste à charge important pour les communes

Le coût moyen global d’un repas, hors participation des familles, est estimé à 7,63 € minimum en incluant les denrées, les personnels et les coûts d’exploitation. Le coût du personnel représente la première part (3,46 €) devant l’achat des denrées alimentaires (2,78 €) et l’exploitation (estimation basse à 1,16 €). Le coût du personnel est plus élevé dans les grandes communes. À l’inverse, le coût des denrées alimentaires est plus important dans les communes de moins de 2000 habitants (2,89 €).

La part de la participation des familles dans le coût moyen global est inférieure à 50 % pour 72 % des collectivités, dont 39 % entre 30 % et 50 % et 28 % en-deçà de 30 %. Par ailleurs, 80% des collectivités indiquent ne recevoir aucune aide financière pour le service de restauration. Les rares aides proviennent essentiellement de la Caf pour 12 % d’entre elles et d’autres collectivités pour 5 %. Les aides de l’État touchent un nombre infime de collectivités, 1 % pour l’opération « cantine à 1 euro » et 1 % également pour celle intitulée « petit-déjeuner gratuit ». Au total, le reste à charge pour les collectivités est en moyenne supérieure à 50 % du coût global pour 69 % d’entre elles, 31% se situant en dessous de 50 %. Il s’avère plus élevé dans les villes de 10 000 à 29 999 habitants (87 % au-delà de 50 %) et de plus de 30 000 habitants (83 %). A noter enfin que 49% des communes connaissent des problèmes d’impayés mais 44% de manière modérée.

Philippe Pottiée-Sperry

(1) Enquête menée du 25 septembre au 16 octobre 2020, avec plus de 3000 réponses de communes ayant une école publique et des intercommunalités gestionnaires, soit un taux de retour de 14,5%.

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