Terra Nova prône une refonte profonde du modèle de restauration scolaire

Philippe Pottiée-Sperry
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« Une autre restauration scolaire est possible en France ! » Fort de ce postulat, le tkink tank Terra Nova a rendu public un rapport assez complet le 13 janvier pour accélérer la transition alimentaire dans les cantines et inciter les élus à faire autrement à l’approche des élections municipales.

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Il indique justement qu’il ne s’agit pas d’un petit sujet mais d’un enjeu essentiel touchant quantité de secteurs stratégiques : éducation, santé, formation, développement local, agriculture, commande publique, etc. Pour preuve, bon nombre de candidats au scrutin municipal de mars prochain le mettent en avant dans leur programme.

Le rapport propose ainsi une série de pistes pour une refonte profonde de notre modèle de restauration scolaire afin de permettre un approvisionnement plus durable des cantines sans augmenter la facture des repas. Ses autres objectifs : diminuer l’empreinte environnementale des menus sans sacrifier leur qualité ou l’équilibre nutritionnel des enfants, impliquer plus largement les personnels des cantines qui sont, selon le think tank, « des acteurs clés de cette transition ».

Terra Nova rappelle que la cantine scolaire est un service public facultatif. Compte tenu de son importance, le Défenseur des droits plaidait il y a quelques mois pour le rendre obligatoire.

320 millions de repas servis par an

Aujourd’hui, près de 20 000 communes (80% de celles dotées d’écoles publiques) ont mis en place une ou plusieurs cantines scolaires. Sur les seules écoles primaires publiques, près de 320 millions de repas ont été servis en 2016. Le coût moyen unitaire de ces repas s’élève à 7 € mais il n'est facturé aux parents qu'à hauteur de 2,5 € à 3 €. « Ces chiffres montrent que les communes subventionnent très fortement ces services et qu’elles modèrent considérablement les tarifs appliqués aux parents », souligne Terra Nova. L'effort net des communes se situe ainsi à près de 1,4 Md€.

Une transition alimentaire durable

Le rapport juge la transition alimentaire comme « une opportunité pour associer tous les acteurs des territoires à un défi commun ambitieux : promouvoir une alimentation plus conforme aux impératifs de santé publique, plus respectueuse des équilibres écologiques, plus cohérente avec des modèles agricoles soutenables et plus accessible aux catégories modestes ». Positif sur la loi Egalim votée en 2018, le think tank estime qu’elle a déjà permis des avancées en fixant les objectifs de 50% de produits de qualité (dont 20% bio), de limiter le gaspillage alimentaire ou d’introduire un menu végétarien par semaine.Selon Terra Nova, la cantine doit être pensée comme partie intégrante d’une mission éducative mais aussi comme un lieu de lutte contre les inégalités. « Pour certains enfants, le déjeuner pris à la cantine est le seul repas équilibré de la journée », rappellent les auteurs. De plus, la restauration scolaire a également un rôle de stimulation de l'économie locale, des filières de production et des échanges avec les territoires voisins. Elle peut être un levier important pour favoriser le développement de l'agriculture biologique, inciter à la structuration de ses filières et favoriser de nouvelles coopérations entre territoires.

Quel mode de gestion choisir ?

Il existe très peu de statistiques sur les modes de gestion utilisés par les communes pour la restauration scolaire. Le rapport cite une enquête de 2017 de l’association des maires des Pyrénées-Atlantiques (ADM 64) montrant une égale partition entre les communes ayant choisi un mode de gestion public (gestion directe, CCAS, intercommunalité, collège de secteur) et celles qui ont opté pour un mode de gestion privé (association, établissement scolaire privé, cuisine centrale privée, traiteur ou restaurant).« Outre ces avantages économiques apparents, la gestion directe offre à la collectivité la possibilité de maîtriser l’ensemble de sa chaîne de production, lui permettant ainsi une meilleure transparence vis-à-vis de ses usagers », estime Terra Nova. Mais elle reconnait qu’un grand nombre de collectivités n’en ont pas les moyens humains et matériels. Selon elle, « le bon choix du mode de gestion dépend beaucoup de la situation des communes, de leur taille, de leur expertise et de leur projet » Même si elle a une préférence de départ pour le modèle gestion directe/cuisine autonome, elle reconnaît que certaines délégations de service public fonctionnent bien. Mais à la condition que « les responsables publics soient capables d’élaborer un cahier des charges précis avec le prestataire et d’en suivre rigoureusement la mise en œuvre, ce qui n’est pas toujours simple ».

Formation des personnels

Insistant sur le rôle des personnels communaux, le rapport les juge « clés pour sensibiliser les enfants à de nouvelles saveurs, à la lutte contre le gaspillage et à l’équilibre alimentaire » alors que les enseignants se sont désengagés de l’encadrement des repas. Les effets de la qualité de la pause méridienne apparaissent essentiels sur l’enfant : « somnolence, fatigue en milieu d’après-midi en cas de repas insuffisant, etc. ; ou, au contraire, disponibilité et meilleure concentration ». D’où l’importance de la formation des personnels communaux pour leur permettre d’être « pleinement acteurs des apprentissages des enfants ». Terra Nova regrette l’absence d’une formation spécifique des encadrants en restauration scolaire par le CNFPT. Ce qui existe porte avant tout sur l’hygiène et la sécurité au sein de la cantine. Il n’y a pas aujourd’hui de métier à proprement parler d’encadrant de cantine pour animer le temps des repas, faire de la pédagogie nutritionnelle et sensibiliser au gaspillage alimentaire. « La charge de l'encadrement des enfants est souvent confiée à des personnels municipaux embauchés dans des conditions précaires, pour des contrats courts (six heures en moyenne par semaine) », indique le rapport. Il s’agit aussi de personnels employés par la collectivité sur des domaines divers (espaces verts, circulation, activités périscolaires...) assez éloignés de la restauration collective…« Pourtant, l’implication d’un personnel formé est une des conditions de la réussite d’une transition alimentaire dans les cantines », estime Terra Nova. Elle plaide aussi pour garantir aux employés un volume horaire suffisant et reconnaître la pénibilité de leur travail.

Une vingtaine de propositions

Terra Nova formule une vingtaine de propositions pour accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires. Un chapitre spécifique vise à obtenir plus de moyens humains et d’outils financiers afin de piloter la transition alimentaire des cantines : créer un service d’appui aux collectivités, permettre aux collectivités de réaliser des audits sur leur service, consolider des financements pour l’élaboration de projets alimentaires territoriaux, mettre en place une prime à l’investissement pour les cantines qui s’engagent dans la transition alimentaire. Autre recommandation : permettre un approvisionnement plus local des cantines. A cette fin, le rapport plaide pour « une exception alimentaire de 30 % de produits régionaux dans les cahiers des charges » avec l’introduction dans le Code des marchés publics d’une exception alimentaire permettant de conclure des marchés de gré à gré avec des petits producteurs locaux qui répondent rarement à un marché public. Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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