, mis à jour le 28/11/2025 à 15h11

4 minutes - 4 questions dans les conditions du direct

Pascal Mora
Maire de Gelos (64)
Vice-Président de la Communauté d'Agglomération Pau-Béarn-Pyrénées
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" Nous entrons dans un mandat où l’urgence climatique doit devenir la boussole "

Zepros Territorial vous emmène chaque semaine avec « Place des élus », premier réseau social dédié aux élus et aux acteurs locaux, à la rencontre d’un élu de France. Un format direct, rapide et percutant pour découvrir les défis, réussites et visions de femmes et d’hommes engagés. Invité cette semaine, Pascal Mora, maire de Gelos (64) et Vice-Président de la Communauté d'Agglomération Pau-Béarn-Pyrénées. En 4 minutes chrono, il partage ses projets marquants, ses petites frustrations et ses grandes ambitions pour sa ville. Un échange sans détour, à ne pas manquer ! 

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Quel est le ou les projets dont vous êtes le plus fier ?

Il y en a deux, et ils disent beaucoup de ce que nous avons construit en douze ans. Le premier, c’est la création d’une brasserie-bistrot communale, un projet totalement inédit en France. Nous sommes une commune urbaine, voisine de Pau, avec un magnifique parc naturel attenant au Haras national. C’est dans ce cadre que nous avons imaginé un véritable restaurant municipal : un chef expérimenté, une carte soignée, un service du midi complet et des soirées qui font salle comble le vendredi. Tout est communal : le bâtiment, la gestion, les salariés. C’est un budget annexe, comme un centre de loisirs. Mais pour les habitants, c’est un restaurant à part entière. Socialement, ça a transformé Gelos. Et depuis, plusieurs communes sont venues s’inspirer de notre modèle.
Le deuxième projet, c’est la reconstruction de l’école du hameau, en paille, terre et bois. Une construction biosourcée, exemplaire au niveau énergétique. L’été dernier, lorsqu’il faisait 43 ou 44° dehors, il faisait 24° dans les classes. Les parents sont ravis, c’est beau, moderne, vertueux… et largement subventionné : sur 1,5 M€ d’investissement, la commune n’a réellement supporté que 700 000 €. C’est un bâtiment « de notre époque », au sens le plus noble.

Quel projet vous laisse aujourd’hui un goût d’inachevé ?

Deux initiatives me laissent une petite frustration. La première, c’est “Gelos Réseau Citoyen”, que nous avions imaginé pour mobiliser les compétences des habitants. Nous pensions qu’un médecin, un spécialiste des frelons, une couturière, un éducateur, pourraient offrir un peu de leur temps à la commune sans vouloir être élus. Nous avions réuni 70 volontaires… mais très vite, nous avons touché du doigt les limites de l’engagement citoyen. Les gens sont de bonne volonté, mais souvent indisponibles quand il faut agir. Quelques bénévoles très investis ont poursuivi, et ceux-là sont précieux. La difficulté, pour l’avenir, sera de trouver les bonnes personnes, celles qui entraînent les autres.
Le second projet inachevé, c’est la lutte contre les incivilités, notamment via notre campagne “#MarreDesCrados”. L’idée était de remettre de la “normalité” dans ce qui est devenu trop toléré : mégots au sol, dépôts sauvages… La campagne a très bien fonctionné, elle a même marqué l’agglomération.
Mais le chemin est long. Faire comprendre qu’un mégot jeté par terre pollue et que ce sont les agents communaux qui ramassent… cela demande une pédagogie permanente. Nous avons aussi expérimenté des “scènes de crime” sur les dépôts sauvages, ce qui a beaucoup interpellé les habitants. C’est efficace, mais il faudra aller plus loin.

Quel bilan tirez-vous de ce mandat ?

C’est un mandat marqué par une brutalisation de la vie publique. Nous nous retrouvons coincés entre un État qui nous en demande toujours plus — tout en réduisant nos marges de manœuvre — et des citoyens qui exigent de plus en plus, parfois sans filtre. L’après-gilets jaunes et l’après-Covid ont laissé des traces : une partie de la population est en souffrance, dans le doute, parfois dans la défiance. Je le vois sur le terrain, et encore plus quand j’accompagne la députée dont je suis le suppléant.
J’ai aussi constaté une précarité nouvelle, qui touche désormais les classes moyennes. Des familles qui travaillent, qui ont un logement, mais qui ne chauffent plus leur maison faute de pouvoir payer l’électricité. C’était impensable il y a dix ans. Enfin, j’observe une fragmentation de la République. Et je reste convaincu, comme le dit Erik Orsenna, que “ les maires sont là pour réparer les vivants ”. Nous sommes le dernier rempart. Mais pour réussir, il faudra que l’État simplifie réellement, qu’il redonne confiance, qu’il assume des lignes claires. Nous avons besoin de cohérence, pas d’injonctions contradictoires.

Quels sont vos projets dans les prochains mois ?

Je suis candidat. Et le prochain mandat — qui durera probablement sept ans — sera entièrement placé sous l’égide du plan climat. Nous avons passé 2025 à décliner localement le Plan Climat Air-Énergie de l’Agglomération de Pau. Les objectifs sont très ambitieux : planter 230 arbres par an, moitié sur le domaine public, moitié chez les particuliers ; rénovation énergétique de l’ensemble des bâtiments communaux ; actions concrètes sur la gestion de l’eau, la sobriété énergétique, les déchets, les mobilités ; lutte contre l’habitat insalubre et déploiement du Plan Canopée. Ce troisième mandat sera moins un mandat de chantiers qu’un mandat de transformation des modes de vie, d’éducation collective, d’acculturation écologique. Il faudra expliquer que ce que nous faisons aujourd’hui ne servira pas forcément demain matin, mais dans dix ou vingt ans. C’est pour cela que je veux constituer une équipe capable de travailler main dans la main avec les habitants. Sans eux, rien n’est possible. Mais reste pourtant optimiste. Parce que tant que les maires croient en leur commune, la République tient encore.

 

Danièle Licata, rédactrice en chef Zepros Territorial, décrypte enjeux publics et collectivités. Forte de 20 ans en presse économique, elle rend accessibles les sujets complexes avec passion et engagement.
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