Municipales 2026 : maires épuisés, mais pas résignés
Malmenés par les crises, la montée des violences et l’injonction à l’action permanente, les maires n’ont jamais eu un mandat aussi difficile. Pourtant, selon l’enquête AMF–CEVIPOF 2025, une majorité d’entre eux veulent repartir. Non par confort, mais par conviction. Et parce que le travail reste « inachevé ».
Cette mandature aura tout traversé : pandémie, inflation, instabilité politique, bouleversements sociaux. Elle aura aussi révélé des élus parmi les plus exposés, mais aussi les plus indispensables. Comme le résume l’enquête, « le maire est redevenu l’élu du dernier kilomètre, celui qui répond quand l’État ne peut plus ».
Ce contexte n’a pourtant pas découragé la majorité : 58 % des maires veulent se représenter en 2026, soit 9 points de plus qu’avant le scrutin de 2020.
Les raisons invoquées disent beaucoup de leur conception de l’engagement : « achever les projets engagés » (79 %) et « servir l’intérêt général » (78 %) arrivent en tête. « On ne peut pas laisser ce que l’on a commencé entre parenthèses », confie un élu interrogé.
À l’inverse, la première motivation à renoncer est humaine, presque intime : reprendre la main sur sa vie personnelle (79 %). La fonction épuise les corps, les couples, les familles. « Être maire, c’est être de garde permanente, sans nuit ni week-end », résume un autre.
Le décryptage du CEVIPOF pointe cependant une contradiction vive : une charge publique qui s’alourdit, mais une reconnaissance qui ne suit pas.
La violence progresse, mais le dialogue local résiste
Si les maires veulent repartir, c’est aussi parce que la démocratie locale tient encore. Le rapport le souligne : 68 % des votes en conseil municipal sont unanimes. Pas de fronde généralisée, ni de guerre civile locale comme certains discours le laissent entendre.
Pourtant, la violence gagne du terrain. Elle est plus sourde, plus numérique, plus personnelle. Les chiffres sont brutaux :
• 65 % des maires rapportent des incivilités,
• 36 % des injures,
• 28 % des menaces en ligne,
• 8 % ont été agressés physiquement,
• 12 % disent que leurs proches ont été visés.
L’enquête note ce paradoxe frappant : 92 % des maires estiment que la violence augmente en France, mais beaucoup ne la voient pas (encore) dans leur commune. Ce décalage montre une France lucide, inquiète, mais qui croit encore en son échelon local. « La commune reste le lieu où l’on se parle encore », analyse l’étude.
2026 : le mandat du dernier kilomètre
Plus que des élections, 2026 apparaît comme un test : celui de la capacité des petites démocraties locales à tenir dans un pays fragilisé. Le rapport en tire un avertissement : si le maire reste le dernier recours, il faudra lui redonner les moyens d’agir. Car ceux qui veulent repartir ne le font ni par naïveté ni par habitude. Ils le font parce qu’ils considèrent que leur rôle n’a jamais été aussi utile. Ou, selon les mots des auteurs, « parce que renoncer, ce serait laisser aux crises le soin de gouverner ».