« Liberté pour les communes » : l’AMF pose ses conditions et Sébastien Lecornu promet des actes
Au terme d’un 107ᵉ Congrès, l’Association des maires de France exige une « vraie décentralisation » basée sur cinq principes : autonomie financière, subsidiarité, pouvoir réglementaire local, libre administration garantie par la loi organique et respect du consentement à l’impôt. Face à cette résolution, le Premier ministre, Sébastien Lecornu a promis des simplifications immédiates, un futur projet de loi de décentralisation et un soutien aux maires. Reste à savoir si ces annonces survivront à l’arbitrage budgétaire et au climat politique.
Dans une salle comble où l’on a beaucoup applaudi, la résolution finale du 107ᵉ Congrès des maires a retenti comme un avertissement. « La décentralisation recule », proclame le texte adopté à l’unanimité, dénonçant un État devenu « recentralisateur, technocratique et asphyxiant ». Le document fustige un mécanisme désormais bien ancré : suppression de recettes, compensations aléatoires, conditionnalités bureaucratiques et recentralisation fiscale sous couvert de modernisation. « Une collectivité sans ressources libres ne peut exercer sa responsabilité », y lit-on.
Face au projet de loi de finances 2026, décrit comme « l’illustration éclatante d’une tutelle grandissante », l’AMF met en garde contre une ponction inédite susceptible d’« étouffer les services publics locaux ». André Laignel, président délégué, n’adoucit pas le propos : « Ce PLF est un texte anti-économique et mortifère. Il attaque l’épargne brute, donc l’investissement et donc la vie quotidienne des citoyens ».
David Lisnard, lui, résume d’une formule : « Les maires ne sont pas des sous-traitants maltraités, mais les urgentistes de la République ».
Les cinq principes posés comme ligne rouge
La résolution demande que la future réforme Lecornu ne soit pas un “mirage” mais un tournant constitutionnel. Elle fixe cinq exigences, présentées comme « non négociables » :
1. Libre administration garantie par loi organique
Pour empêcher l’État d’étouffer les communes via des dotations gelées, du pilotage budgétaire et des conditionnalités considérées comme « infantilisantes ».
2. Autonomie financière et fiscale réelle
Reconnaître que l’impôt local fait partie du consentement démocratique et ne peut reposer « sur les seuls propriétaires », conséquence de la suppression de la taxe d’habitation.
3. Subsidiarité ascendante
Décider localement de ce qui peut être géré localement, et non subir des schémas nationaux rigides. « Chaque territoire a sa propre histoire et donc ses propres réponses. »
4. Pouvoir réglementaire local
Pour simplifier et adapter les normes au terrain, au lieu de « tuer l’action par la procédure ».
5. Liberté d’organiser l’action publique locale
Pas de « fléchage technocratique » sur les dotations d’investissement, notamment environnementales : « On n’a pas attendu Paris pour faire de l’écologie ».
Au-delà de ces principes, l’AMF appelle à « une clause de compétence générale rénovée », ramenant les communes au centre des politiques publiques, qu’elles soient éducatives, sociales ou climatiques.
En réponse, Le Premier ministre, Sébastien Lecornu promet des actes : simplification, pouvoir de police et loi décentralisation. L’apaisement par des annonces concrètes.
Simplifier immédiatement
Il annonce par décret, dès décembre :
• le relèvement du seuil de marchés publics à 100 000 € pour les travaux,
• 50 000 € pour les fournitures,
• des normes repoussées (chauffage, automatisation),
• la dématérialisation obligatoire et la fin de certaines obligations de contrôle jugées absurdes. « On va élaguer. Beaucoup. Tout de suite » promet le Premier ministre.
Un projet de loi police municipale
Sébastien Lecornu veut un vote avant les municipales, avec :
• élargissement des prérogatives,
• meilleure articulation avec les forces nationales,
• création d’une indemnité annuelle d’exposition au risque pour les maires (500 €).
Vers une loi de décentralisation ciblée
Plutôt qu’une grande réforme, le Premier ministre promet un texte concret sur le logement, l’urbanisme, la santé et l’accessibilité des soins, et surtout : une clarification des responsabilités sur la délivrance des permis de construire et le logement social. « Il y a trop de cuisiniers dans la cuisine. Qui fait quoi, concrètement ? » reconnait-il.
Enfin, il lance un message politique : « La France ne peut pas se permettre un déclin politique ». Une manière d’appeler les élus locaux à la stabilité, voire à la patience.
Une décentralisation… sous conditions
Si la salle a retenu les annonces, l’enthousiasme reste mesuré. Les maires ont applaudi, certes, mais sans ovation. Le cœur du différend demeure budgétaire. Tant que la loi de finances ne change pas, « ni simplification, ni pouvoir réglementaire ne suffiront », martèle l’AMF. David Lisnard prévient : « Ce qui bloque les communes, ce n’est pas l’intention, c’est l’argent ». André Laignel renchérit : « Si la parole de l’État n’est pas tenue, il y aura mobilisation et actions ».
En attendant, la résolution est claire : pas de décentralisation sans libertés. Le rendez-vous est pris. Sébastien Lecornu promet un texte. L’AMF, quant à elle, promet de juger aux actes.