La Cour des comptes donne une bonne note à l’intercommunalité

Philippe Pottiée-Sperry
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La Cour des comptes donne une bonne note à l’intercommunalité

En quelques années, le jugement des magistrats financiers sur l’intercommunalité est devenu beaucoup plus positif. Dans un rapport, publié le 26 octobre, la Cour des comptes plaide pour clarifier et rééquilibrer les relations financières entre EPCI et communes membres face à « une répartition des compétences floue au sein du bloc communal ».

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La Cour des comptes a publié, le 26 octobre, le second fascicule de son rapport sur les finances publiques locales. Un chapitre y est consacré au thème de l'intercommunalité, qui a fait l'objet d'une instruction spécifique des chambres régionales des comptes (CRC) en 2021 et 2022 (1). 
Les magistrats financiers rappellent tout d’abord les quatre objectifs de la construction intercommunale : compenser l’émiettement communal, renforcer l’aménagement du territoire, développer une solidarité locale et mieux exercer les compétences. 
Sur la dernière décennie, des regroupements d’EPCI ont été organisés et il n’en existe, ainsi, plus que 1300 aujourd’hui. Leur population moyenne est passée de 22 000 habitants en 2010 à près de 55 000 aujourd’hui. La Cour reconnaît que ces « EPCI-XXL » posent des problèmes de gouvernance, d’éloignement de la population et de complexification des processus de décision.

Amélioration des services publics de proximité
Au-delà de ces constats, son jugement est très positif sur les intercommunalités et leur « rôle majeur au service du développement des territoires » avec une amélioration notable des services publics de proximité. La Cour estime que les intercommunalités ont « rapidement endossé un rôle central pour créer, prendre à leur charge et développer les services de proximité », entraînant « une progression des services au public au plan quantitatif, et souvent qualitatif ». Elle prend acte que la montée en puissance de l’interco a permis de transférer de nombreux services et équipements bénéficiant désormais « à l’ensemble des habitants du territoire, élargissant leur bassin de fréquentation ».
Outre les compétences historiques de l’interco (gestions des zones d’activité, mobilités, déchets, eau et assainissement, logement et habitat), les magistrats financiers reconnaissent son rôle croissant dans des « compétences de proximité comme les services à la population » : petite enfance, culture, sport, santé, action sociale… Et de noter que le développement récent et réussi des maisons France services et des maisons de santé le confirme. 

Clarifier et rééquilibrer les relations EPCI-communes
Mais elle regrette « une répartition des compétences floue au sein du bloc communal » expliquant que la construction intercommunale n’a pas permis de maîtriser la dynamique des dépenses du bloc communal. Dans ses préconisations, la Cour continue ainsi de plaider pour clarifier et rééquilibrer les relations financières entre EPCI et communes membres. 
« Les dispositifs de solidarité financière à l’échelle de l’EPCI sont souvent dévoyés, conduisant à un saupoudrage des moyens », pointent les magistrats financiers. Pour y remédier, ils plaident pour la généralisation des plans pluriannuels d’investissement (PPI), le versement de la DGF au niveau intercommunal et la systématisation des conventions de partage du produit de la fiscalité foncière. 

« La locomotive du bloc communal »
Les dernières années ont été marquées par le retour de la prééminence des communes et une affirmation de la différenciation. Pourtant, à défaut d’une réforme institutionnelle transformant les intercommunalités en collectivités territoriales – un véritable chiffon rouge pour beaucoup d’élus comme le Sénat –, « des voies d’amélioration existent pour rendre l’action de l’intercommunalité plus lisible pour le citoyen », estime la Cour des comptes. Cela passerait par la formulation plus nette d’un véritable projet de territoire. « L’EPCI à fiscalité propre serait alors la locomotive du bloc communal et l’interlocuteur privilégié des autres niveaux d’administration », affirment-ils. 
Cette évolution se traduirait également sur le plan financier par une plus grande intégration, pouvant être concrétisée par un meilleur partage des ressources et des dépenses. Elle se traduirait aussi par le retour de l’obligation de rédiger un schéma de mutualisation des services, en lien avec le projet de territoire. 

La solution des communes nouvelles 
Selon la Cour des comptes, cette plus grande intégration serait facilitée en s’inscrivant dans une forte évolution du paysage communal. Celle-ci pourrait passer par les communes nouvelles, estime-t-elle, même si leur nombre (785 créations entre 2010 et 2021) reste encore modeste alors que « la réduction du nombre de communes, en facilitant la gouvernance et l’exercice des compétences, constitue le gage d’une efficacité de l’ensemble du bloc ». En conséquence, la Cour défend une nouvelle vague d’incitations en faveur des communes nouvelles pour « consolider l’échelon communal tout en facilitant l’intégration intercommunale ».

Satisfaction d’Intercommunalités de France
Première association d’élus à réagir, Intercommunalités de France salue la reconnaissance de leur rôle majeur par la Cour des comptes. Elle partage le constat de difficulté pour les EPCI de se saisir complétement de certaines compétences transférées, résultant notamment de la volonté du législateur de maintenir une répartition locale « à la carte ».
Sur les conclusions de la Cour, Intercommunalités de France tient à en nuancer deux. Tout d’abord l’inégal développement des projets de territoire face auquel l’association défend leur généralisation mais sans appliquer un modèle unique et contraignant car « le projet de territoire doit être le support de la différenciation territoriale ». « La démarche nécessite du temps pour se construire dans le respect des élus, territoire par territoire », insiste l’ancienne AdCF.  

Une appréciation qui demande du temps
Second point : l’absence d’économies d’échelle. Pour Intercommunalités de France, les mutualisations et les transferts de compétences soumis à l’intérêt communautaire ne visent pas principalement la recherche d’économies budgétaires, mais une organisation plus cohérente des services, adaptée à la réalité locale. Souvent, elle implique une extension et un développement des services publics pour permettre à toutes les communes d’un territoire d’en disposer, tient à rappeler l’association. La Cour entend en partie ce discours en remarquant que la performance budgétaire des services « doit s’apprécier dans le temps ».

(1) L’enquête s'appuie sur l'analyse de l'ensemble des comptes de gestion des communes et EPCI ainsi que sur les rapports d'observations définitives des chambres régionales des comptes concernant 99 EPCI à fiscalité propre et 36 communes. 
 

Philippe Pottiée-Sperry
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