Image
Pavé TOK

« Nous apprenons à faire de la transition énergétique de manière pragmatique avec ses obstacles et ses défis techniques »

Image
Jean-Patrick Masson est le vice-président délégué à la transition écologique, aux déchets et aux énergies renouvelables

Depuis 2010, Dijon métropole a augmenté sa production d’énergies renouvelables de 20 % et réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 47 %. Rencontre avec Jean-Patrick Masson, vice-président délégué à la transition écologique, aux déchets et aux énergies renouvelables

Partager sur
Image
MEGA BANNER ETS S42 S43 S44
Image
MEGA BANNER ETS S42 S43 S44

Zepros territorial : Dijon est un acteur économique des énergies renouvelables depuis près de 20 ans, pourquoi ?

Jean-Patrick Masson : Notre première action fut de récupérer la chaleur fatale de l’usine d’incinération de la métropole, pour produire de l’électricité au moyen d’un turboalternateur. Nous voulions à la fois lutter contre le changement climatique et justifier cet investissement d’un point de vue économique. Entre 2007 et 2022, nous avons revendu l’électricité sur le réseau dans le cadre d’un contrat d’obligation d’achat avec EDF OA. Chaque année, nous récupérions plus d’argent que le montant de nos annuités d’emprunt. Même si nous n’avons pas une logique de rendement financier comme une entreprise, nous cherchons à ce que nos investissements mènent à d’autres investissements, pour faire boule de neige.

Z.T. : En 2010, Dijon a entamé la construction de son réseau de chaleur. Selon quel modèle économique ?

JP.M. : La chaleur fatale qui n’était pas utilisée pour produire de l’électricité, nous avons choisi de l’injecter dans un réseau de chaleur. Aujourd’hui, Dijon métropole possède deux réseaux de chaleur qui totalisent 135 km et fournissent du chauffage à l’équivalent de 55 000 logements. Ils sont alimentés pour environ 30% par la chaleur fatale de l’usine d’incinération, pour 40% par deux chaufferies biomasse et pour 30% par du gaz en appoint secours. L’usine d’incinération appartient à la métropole et est en régie. Cela nous permet une maîtrise du prix de la chaleur, que nous vendons aux deux délégataires de service public qui gèrent ces réseaux. D’ici 2028, nous avons prévu des travaux sur l’usine d’incinération, qui devraient permettre d’augmenter de 40% la fourniture de chaleur pour le réseau. Comme c’est nous qui fixons le prix de la chaleur en sortie d’usine, nous pouvons inciter les délégataires à étendre le réseau vers de nouveaux usagers, à un prix intéressant.

Z.T. : Dijon métropole s’est également lancée dans la production d’hydrogène vert ?

JP.M. : Le contrat d’achat pour l’électricité issue de l’usine d’incinération ayant pris fin, notre objectif est d’autoconsommer cette énergie en produisant de l’hydrogène. En juin 2024, nous avons inauguré une station de production et de distribution d’hydrogène vert, dont l’électrolyseur utilise de l’électricité d’origine renouvelable. Pour le moment elle avitaille deux bennes à ordures ménagères. Nous en attendons deux autres en 2025. Cependant cette station a été dimensionnée pour une flotte de bus à hydrogène. La société belge Van Hool devait nous en livrer seize au cours de l’été 2024, mais elle a fait faillite en avril. Nous avons relancé un appel d’offres pour 22 bus articulés et 16 bus simples, tous à hydrogène, dans l’objectif de les avoir d’ici 2026. En attendant, la station est en sous-exploitation et nous revendons l’électricité (de l’usine d’incinération) sur le marché spot. Cette station a coûté 20 M€, avec des subventions de l’Europe (via la Région) et de l’Ademe. Elle est détenue et exploitée par la société Dijon Métropole Smart Énerghy (DMSE), dont la métropole est coactionnaire aux côtés de trois entreprises. Nous sommes ainsi le producteur d’électricité de la station, nous sommes au capital de la société qui produit et distribue l’hydrogène et nous en sommes le consommateur principal puisque nous sommes propriétaires des bus et des bennes. Nous maîtrisons donc les paramètres économiques de toute la chaîne.

Z.T. : Dijon produit aussi du biogaz à partir des eaux usées. Dans quel objectif ?

JP.M. : Dijon métropole détient 49% (et Suez 41%) de la société Odivea, qui gère le réseau d’eau et d’assainissement et exploite la station de traitement des eaux usées de Dijon-Longvic. En avril 2023, Odivea a mis en service une station de méthanisation qui transforme les boues issues des eaux usées, en biogaz. La métropole a réalisé l’unité d’épuration du biogaz en biométhane. Ce dernier est injecté dans le réseau de distribution de gaz géré par GRDF. Les garanties d’origine qui y sont attachées sont utilisables par la métropole. L’intérêt est de décarboner la station d’épuration et de valoriser de l’énergie fatale, avec un amortissement prévu sur environ 15 ans.

Z.T. : Avez-vous déterminé des zones d’accélération des énergies renouvelables, comme demandé par la loi APER du 10 mars 2023 ?

JP.M. : La Ville de Dijon a défini dix zones d’accélération, avec beaucoup de photovoltaïque, pas d’éolien, un peu de géothermie, et de nouvelles chaufferies biomasse pour le réseau de chaleur. Nous avons aussi apporté une aide technique aux communes de la métropole, même si la détermination politique de ces zones restent à leur main. Nous avons créé une SEM pour gérer, dans les années à venir, 60 projets photovoltaïques situés dans les zones d’accélération, dont 6 sont déjà en cours d’étude.

Z.T. : Dijon pilote le programme européen « Response » qui vise à voir émerger des villes à énergie positive en 2040. Quels avantages en retire la collectivité ?

JP.M. : « Response » a permis de mettre en œuvre deux îlots à énergie positive dans le quartier prioritaire de Fontaine d’Ouche. Le chauffage et l’eau chaude sont délivrés par le réseau de chaleur. Plusieurs groupes scolaires ont fait l’objet de rénovation énergétique et d’installation de panneaux photovoltaïques. Ces centrales solaires vont alimenter une quinzaine de bâtiments publics dans le cadre d’une opération d’autoconsommation collective. Produire et consommer de l’énergie en circuit court est un choix politique. Les bailleurs sociaux ont aussi installé des panneaux photovoltaïques en autoconsommation collective pour réduire les charges des locataires liées aux parties communes. Depuis quelques semaines, nous testons des batteries usagées de véhicules électriques pour stocker l’électricité solaire produite en journée. Nous allons également expérimenter des bornes de recharge intelligentes. Nous apprenons à faire de la transition énergétique de manière pragmatique, avec ses obstacles, ses avantages, ses défis techniques. Cela nous fait monter en compétences.
Propos recueillis par Carole Rap
 

Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire