
« PSC : un pas vers l’équité, un défi pour les ressources humaines »

Avec l’entrée en vigueur de la réforme de la Protection Sociale Complémentaire (PSC), les employeurs publics doivent désormais proposer une couverture santé et prévoyance équivalente à celle du secteur privé. " Une avancée sociale significative, mais qui bouscule les pratiques RH et les équilibres budgétaires ", explique Rodolphe Boyer, Partner chez Julhiet Sterwen.
Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots ce qu’est la PSC et pourquoi sa généralisation est aujourd’hui un sujet prioritaire dans la fonction publique territoriale ?
La réforme PSC vise à aligner les agents publics sur le régime du secteur privé en matière de protection sociale complémentaire, à la fois pour la santé et la prévoyance. Jusqu’à récemment, la participation financière des employeurs publics n’était pas obligatoire. Cela générait de fortes inégalités, à la fois entre agents du public et du privé, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes. Cette réforme répond donc à un objectif d’équité et d’harmonisation. On peut y voir un effet miroir de la loi ANI de 2016, qui avait imposé la mutuelle d’entreprise dans le privé.
La mise en place a-t-elle été compliquée pour les collectivités, notamment sur le plan juridique, technique ou du dialogue social ?
Oui, très clairement. Le sujet est complexe, et toutes les collectivités n’étaient pas préparées. Sur le plan juridique, les appels d’offres sont très techniques. Beaucoup ont dû se faire accompagner pour construire des cahiers des charges adaptés. Côté dialogue social, il a fallu aussi intégrer les organisations syndicales dans une logique nouvelle : celle d’une couverture collective négociée, avec tous les enjeux de pédagogie et d’explication que cela suppose. Il a fallu aussi une montée en compétences sur les sujets assurantiels, qui n’étaient pas toujours familiers.
Cette réforme a-t-elle soulevé des arbitrages RH difficiles ?
Inévitablement ; la participation obligatoire à la PSC représente une charge nouvelle, et la question budgétaire a conduit à des choix délicats. Si elle est bénéfique pour les agents, elle peut venir rogner d’autres lignes budgétaires RH : formation, rémunération, égalité professionnelle… Pour l’instant, peu de collectivités ont arbitré explicitement en défaveur de ces politiques, mais on sent que les équilibres sont fragiles, surtout dans les grandes structures compte tenu du grand nombre d’agents territoriaux.
Quel est le premier bilan ?
Il est contrasté. Du côté des avancées, la PSC permet aux employeurs publics d’améliorer leur attractivité, en intégrant une meilleure couverture santé dans leur « package ». Cela peut faire la différence lors d’un recrutement, face à une offre du privé. Elle a aussi nourri le dialogue social et permis une montée en compétences dans les directions RH. Mais la mise en œuvre reste inégale : certaines collectivités accusent du retard, faute d’avoir lancé les appels d’offres dans les temps. D’autres laissent aux opérateurs la charge de la communication auprès des agents, ce qui est parfois insuffisant. L’idéal reste que la collectivité pilote elle-même ce changement.
Selon vous, cette réforme est-elle une avancée réelle pour l’attractivité de la fonction publique territoriale ?
C’est un élément de plus dans l’arsenal des employeurs publics, mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga. La couverture santé peut rassurer un candidat, surtout s’il a connu des galères dans le privé. Mais elle ne compensera pas un différentiel de rémunération trop important. L’attractivité passe aussi par le sens donné au travail, la qualité de vie et les perspectives d’évolution. La PSC y contribue, mais ne suffit pas.
Avez-vous le sentiment que cette réforme va s’accompagner de transformations plus profondes ?
Oui, et c’est déjà le cas. Le passage d’un modèle individuel à un modèle collectif bouscule les pratiques. Il faut gérer des volumes de données plus importants, digitaliser les processus, mieux suivre les contrats… C’est un vrai défi technique et humain. Il y a aussi une bataille concurrentielle entre opérateurs, avec de nouveaux entrants très agiles, qui misent sur l’expérience utilisateur. Les collectivités doivent monter en gamme sur ces sujets pour ne pas subir. C’est là que l’on voit émerger une transformation plus large de la fonction RH dans le public.
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