Contractualisation des dépenses de fonctionnement : un premier bilan mitigé

Philippe Pottiée-Sperry
Image

Dès le 15 mai dernier, Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, exprimait sa satisfaction au sujet de la politique de contractualisation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales.

Partager sur

Il déclarait ainsi devant la commission des finances du Sénat : « Force est de constater que la contractualisation imaginée par le gouvernement a fonctionné et bien fonctionné. » En effet, elles n’ont progressé en 2018 que de 0,3% pour un objectif moyen de 1,2% avec un taux d’inflation annoncé par l’Insee à 1,8% sur l’année. Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, précisait le 3 juillet, dans le journal l’Opinion, que « seules 14 collectivités parmi les 322 signataires « sont susceptibles de ne pas avoir respecté les termes du contrat financier ». Le même jour, lors du Comité de suivi de la contractualisation financière entre l’État et les collectivités, elle indiquait que le dialogue avec ces collectivités allait s’engager dans le cadre d’une procédure contradictoire. « Si le dépassement est confirmé, nous procéderons aux reprises financières prévues par la loi », faisait-elle valoir dans Maire Info du 4 juillet. Le taux de 1,2% en moyenne sera maintenu au moins jusqu’en 2020, mais la question d’intégrer ou non les budgets annexes n’est pas tranchée.

Une contrainte financière intériorisée

Les observateurs des finances publiques locales complètent cette analyse. L’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) confirme la stabilité des dépenses de fonctionnement sur les budgets principaux des collectivités en 2018 (+0,2%) mais estime à +0,9% l’évolution consolidée (budgets annexes et syndicats compris). Rappelons, pour mémoire, que l’objectif de 1,2% de hausse des dépenses de fonctionnement s’applique à toutes les collectivités et pas seulement aux plus grandes qui doivent signer un contrat. Selon le secrétaire général de l’OFGL, Thomas Rougier, « il est très difficile de déterminer le rôle exact de la contractualisation dans ce résultat » qui, de fait, dépasse les attentes du gouvernement. À ses yeux, plusieurs facteurs expliquent l’évolution actuelle. « Les débats qui se sont multipliés autour des finances publiques ces dernières années et notamment lors de la mise en place de la contractualisation ont amené les élus, les fonctionnaires mais aussi tous les tiers qui travaillent avec les collectivités à intérioriser la contrainte financière. »

L’effet RH sur la maîtrise des dépenses

Image
D’autres facteurs ont joué un rôle déterminant dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement. Citons pêle-mêle le gel du point d’indice, le report de l’application de PPCR (parcours professionnels carrières et rémunérations), l’instauration du jour de carence, les départs à la retraite ou la stabilité des effectifs. « Ces éléments liés aux ressources humaines ont eu un impact favorable sur les dépenses », assure Thomas Rougier qui cite également le niveau très bas des frais financiers. Mais aussi des facteurs plus structurels liés aux mesures d’organisation, de rationalisation et de mutualisation engagées depuis maintenant plusieurs années par les collectivités et qui continuent de produire leurs effets.

Des zones d’ombres

La baisse des dépenses d’intervention, notamment dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans les régions, a contribué au résultat positif. « Mais là nous entrons dans une zone d’ombre », explique de secrétaire général de l’OFGL. Ces dépenses servent à financer des compétences structurelles des collectivités qui sont assurées par des tiers associatifs ou privés. « On ne sait pas mesurer les effets que peut avoir une politique financière très stricte sur ces acteurs et la qualité du service public. » Autre ombre au tableau, le rapport de l’Observatoire nationale de l’action sociale (ODAS) qui constate que les dépenses sociales obligatoires des départements ont augmenté de 2% tandis que leurs dépenses sociales facultatives progressaient seulement de 0,7%. Or, ces politiques sociales facultatives de prévention, d’accompagnement et d’insertion aident les personnes en difficulté à sortir de la précarité. Et donc des dépenses sociales obligatoires…

Reprise timide des investissements

On peut aussi s’interroger sur l’impact de l’encadrement des dépenses de fonctionnement sur les investissements compte tenu des effets qu’ils induisent sur le fonctionnement. Ils sont certes en croissance de 5,8% en 2018, mais à un niveau inférieur à 2017 (7,3%) qui venait après trois années de baisse consécutives (2014-2016). Dans ce contexte c’est le bloc local qui s’en tire le mieux avec une progression de 6,5%, devant les départements à 4,6% tandis que l’investissement des régions recule de 2,8%. Ce premier bilan de la contractualisation oscille donc entre ombres et lumières. L’intégration des ressources nouvelles provenant des services publics dans le cadre de la contractualisation est certes « difficile à prendre en compte », ainsi que l’indique Thomas Rougier, mais cette mesure pourrait aider certaines collectivités à investir davantage dans le développement de leur territoire. Le rapport annuel de l’OFGL sur les finances locales, rendu public le 9 juillet, est consultable sur https://www.collectivites-locales.gouv.fr/ofgl Victor Rainaldi
Philippe Pottiée-Sperry
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire