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Déconfinement : le casse-tête de la réouverture des écoles

Philippe Pottiée-Sperry
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Depuis l’annonce par Emmanuel Macron du démarrage du déconfinement à compter du 11 mai, le sujet de la réouverture des écoles suscite beaucoup d’interrogations.

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Notamment car les règles de distanciation sociale et les gestes barrières semblent difficiles à faire respecter par les élèves, en particulier les plus jeunes. Autres casse-têtes : le port du masque et lequel, l'organisation des récréations, du transport scolaire et de la restauration, le maintien ou pas d’activités…

Tous ces sujets ont été abordés lors d'une visioconférence, le 23 avril, entre le président de la République et 22 maires. Avec pour l'instant peu de réponses concrètes. Les élus en sauront plus, ce lundi 27 avril, avec la présentation en détail de l'ensemble du plan gouvernemental par Jean Castex, en charge de la stratégie de déconfinement auprès de l'exécutif. Le calendrier s'est accéléré ce week-end avec l'indication de l'annonce du plan de déconfinement par le Premier ministre, dès le lendemain 28 avril, à l'Assemblée nationale, suivie d'un vote des députés

Scepticisme des élus

Sur la question de la réouverture des écoles à compter du 11 mai, le maire de Montpellier, Philippe Saurel, juge ce choix « extrêmement dangereux », préférant attendre le mois de septembre comme de nombreux élus. Sur la même position, le président du conseil national de l’ordre des médecins juge « prématurée » la décision du gouvernement.

Pour sa part, Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, évoque « l’annonce qui provoque le plus de scepticisme et d’hostilité, dans une interview au Figaro. Il est impossible d’envisager une reprise scolaire sans une garantie sanitaire solide. Nous attendons donc des réponses claires de l’autorité sanitaire ». En tant que maire de Toulouse, qui compte 205 écoles, il indique que les services de sa ville se mobilisent pour voir la faisabilité d’une réouverture école par école et classe par classe. De plus, France urbaine va faire remonter d’ici la fin de la semaine au ministère de l’Education nationale, « les typologies de problèmes rencontrées par les grandes villes ». Un échange entre les maires des grandes villes et Jean-Michel Blanquer devrait avoir lieu le 25 avril « pour qu'il détaille le partage de responsabilités entre État et collectivités pour envisager la reprise des écoles ». Sur la même ligne, François Baroin, le président de l’AMF, a reconnu lors d'une audition au Sénat le scepticisme de nombreux maires sur l'idée de réouvrir les écoles le 11 mai.

Rentrée étalée sur trois semaines

Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a dévoilé quelques pistes, lors de son audition le 21 avril par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Plusieurs configurations seraient possibles : un demi-groupe en classe puis un demi-groupe à distance ou en salle d'étude. Des activités sportives et culturelles pourraient également être proposées sur l'initiative des communes.

Côté calendrier, la rentrée devrait s’étaler sur trois semaines a indiqué le ministre : à partir du 11 mai, démarrage avec les grandes sections, CP et les CM2. A partir du 18, sixièmes, troisièmes, premières, terminales et les ateliers industriels des lycées professionnels reprendront les cours. Et enfin, à partir du 25 mai, réouverture pour tous les autres. « Un plan à trois semaines, encore à affiner », a reconnu Jean-Michel Blanquer, en promettant « beaucoup de souplesse locale ». Autre précision importante : le retour à l’école des élèves ne sera pas obligatoire.

Des petits groupes d’environ 15 élèves

Le ministre a confirmé que l’accueil devrait être organisé « par petits groupes » d’environ 15 élèves. Cela signifiera pour les autres des cours à distance, en étude ou des activités sportives ou « d'éveil ». Le plan précis sur le déconfinement, avec un volet sur la réouverture des écoles, sera présenté par le Premier ministre d’ici fin avril.

Dans le discours du président de la République, la principale justification de réouverture des écoles est une lutte contre les inégalités sociales qui se sont accrues durant le confinement. La priorité devrait ainsi être donnée aux 5% d’élèves identifiés comme décrocheurs qui retourneraient à l’école dès le 11 mai, quelle que soit leur classe. Sur la même longueur d’onde, l’AMF plaide pour privilégier le retour à l’école des enfants déconnectés de l’institution depuis le début du confinement, issus des familles rencontrant des difficultés, n’ayant pas d’accès au numérique ou dont les parents exercent des missions prioritaires (soignants, forces de l’ordre…).

Dans ce cadre, la concertation va bon train entre les différents acteurs dont les collectivités pour mettre en place une organisation au cas par cas, qui sera variable selon les établissements et les classes. Il faudra, en effet, prendre en compte la taille et la configuration des locaux, le niveau des conditions et des équipements sanitaires, le nombre d'élèves par classe, la différenciation selon les tranches d'âges... La concertation avec les collectivités doit aussi porter sur l’organisation des activités sportives ou culturelles.

Les demandes précises de l’AMF

Dans sa contribution sur la stratégie de déconfinement, remise au gouvernement le 21 avril, l’AMF demande « un cadre national précis » pour la réouverture des écoles et crèches, mais aussi « des souplesses ou des adaptations locales définies à l’échelle locale ».

Elle souhaite que « la concertation avec le ministère de l’Education nationale permette de répondre aux préoccupations des maires ». L’AMF préconise « un protocole national adaptable localement qui définisse le calendrier de reprise, les catégories d’élèves concernés et les recommandations sanitaires applicables aux personnels et aux enfants ». Ce protocole serait disponible dans chaque école.

Selon l’AMF, les questions liées au port de masques (quels types de masque notamment en fonction de l’âge des enfants) ou de désinfection des locaux doivent être traitées en priorité. Elle liste aussi une série de demandes précises quant aux conditions matérielles d’ouverture des locaux, aux modalités d’application des gestes barrières et du nombre d’enfants accueillis par salle.

Autres sujets soulevés pour lesquels il va falloir trouver des solutions : le transport scolaire, la restauration, les activités périscolaires, les accueils de loisirs… L’AMF n’oublie pas la question financière en évoquant « la prise en charge par l’Etat des surcouts liés au déconfinement ». Elle pense aussi au dispositif « écoles ouvertes » durant l’été qui « nécessite impérativement une évaluation commune avec les collectivités ».

Une concertation jugée « urgente »

Autre association d’élus, l’AMIF (association des maires d’Ile-de-France) demande également des clarifications sur le dispositif prévu en termes « de moyens, de matériel et de ressources humaines, pour permettre le respect des mesures barrières dans les écoles maternelles et élémentaires en particulier » et pour organiser le retour des élèves, la restauration scolaire, l’accueil périscolaire et extrascolaire…

De même, l’association Villes de France (représentant les villes moyennes) juge « urgente » la concertation à mener avec les maires sur la réouverture des écoles. Elle aussi insiste sur la nécessité d’un « cadre national précis » pour assurer une réouverture sécurisée des écoles. Elle demande que les consignes interviennent au plus vite « pour permettre aux collectivités d’agir rapidement en lien et en concertation avec les DASEN au niveau local ».

Par ailleurs, Villes de France pose un certain nombre de questions : Les enseignants seront-ils testés au préalable ? Un prototypage-type (plan) des salles de classe est-il envisagé ? Quelles écoles seront-elles concernées ? Qui décidera de la réouverture de l’école ? Quels publics seront concernés ?

Le sport, aide à un déconfinement progressif

Pour sa part, François Cormier-Bouligeon, député LREM du Cher, a fait une proposition originale, en suggérant avec 21 autres députés de la majorité d’intégrer le sport parmi les outils d’une reprise progressive des cours dans les écoles, collèges et lycées. Ils ont ainsi écrit aux ministres Jean-Michel Blanquer et Roxana Roxana Maracineanu pour leur proposer cette nouvelle organisation des cours.

Concrètement, en dédoublant les classes, une partie des élèves pourrait participer à des cours sur les savoirs fondamentaux et l’autre partie à des activités physiques et sportives. Ces activités seraient assurées, dans le respect des règles sanitaires en vigueur, par les éducateurs des clubs et associations sportifs locaux et financés par une dotation exceptionnelle de l’État.

« Cette initiative permettrait à la fois d’assurer un déconfinement progressif plus sûr pour les élèves, mais aussi de redynamiser le secteur du sport amateur sévèrement touché par la crise du Covid-19 », estime François Cormier-Bouligeon. Et d’indiquer que cette reprise des cours s’effectuerait de façon localisée, sur la base du volontariat et en partenariat entre l’État, les enseignants et les collectivités locales. Selon le député, sa proposition « renforce la place du sport à l’école et soutient directement les clubs amateurs ».

Philippe Pottiée-Sperry

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