Déconfinement : priorité à l’adaptation aux réalités locales
Du plan de déconfinement, présenté par Edouard Philippe le 28 avril, il ressort un rôle de premier plan accordé aux élus locaux. La stratégie progressive annoncée s’appuie beaucoup sur la complémentarité entre l’Etat et les collectivités, la différenciation entre les territoires et l’adaptation aux réalités locales.
Le Premier ministre a redit, le 29 avril lors de la séance des questions à l’Assemblée nationale, la possibilité de « différencier selon les cas ». Et de préciser : « C’est l'esprit du partenariat entre les élus locaux et les acteurs de terrain qui nous permettra de piloter finement la maîtrise de la circulation du virus. Les départements seront verts ou rouges, mais il y aura partout une discussion intense et confiante pour adapter les mesures ».
Spécificités des territoires
Parmi les réactions au plan du gouvernement, Renaud Muselier, le président de Régions de France, le juge « positif ». Christophe Bouillon, le président de l’APVF (Association des petites villes de France), se dit aussi satisfait du plan qui s’appuie sur « un cadre national, souple, progressif, adapté aux spécificités des territoires ».
Dans une interview à Libération, le président de Régions de France estime qu’Edouard Philippe « a eu l’habileté d’avancer la date de son annonce, que l’on attendait plutôt autour du 1er mai ». Et d’ajouter : « Les régions voulaient un calendrier, une méthode et la différenciation des territoires : nous avons eu exactement cela, avec en plus une progressivité dans le déconfinement et des objectifs à atteindre. Et nous avons eu des réponses même sur des questions que nous n’avions pas posées. C’est une grosse évolution par rapport à il y a quelques jours ».
Dialogue entre le préfet et le maire
Pour rentrer au plus vite dans les travaux pratiques, dès le 29 avril, le chef du gouvernement, entouré de plusieurs ministres, s’est entretenu avec l’ensemble des associations d’élus locaux. Objectif : engager un « travail de concertation et d’adaptation du plan de déconfinement aux réalités de terrain ». Il a réaffirmé aux associations d’élus que le couple maire-préfet sera au coeur du dispositif.
Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, se satisfait qu’Edouard Philippe ait « fixé une stratégie générale ». Selon lui, « les modalités pratiques seront déterminées sur le terrain, par un dialogue entre le préfet et le maire. C'est ce que nous demandions ». Samedi 2 mai, France urbaine tiendra une réunion avec la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, « pour échanger sur l’adaptation de la stratégie nationale de déconfinement sur les territoires ».
Remboursement élargi des masques
Sur la question des masques, le Premier ministre a annoncé dans son discours du 28 avril que l’Etat compensera les achats de masques « grand public » des collectivités territoriales à hauteur de 50%, « dans la limite d’un prix de référence ». Après la réunion avec les associations d’élus, lesquelles ont indiqué que les collectivités ont souvent déjà passé de nombreuses commandes, Edouard Philippe les a entendues. Quelques heures plus tard, il annonçait ainsi que le dispositif de remboursement de 50% par l’Etat sera étendu à toutes les commandes des collectivités passées depuis le 13 avril.
Complexe réouverture des écoles
Concernant la réouverture des écoles, qui inclut aussi la cantine, les transports scolaires et les activités périscolaires, Edouard Philippe a indiqué que ce seront le maire, le directeur de l’école et le représentant local de l’Education nationale qui décideront. Des différenciations seront possibles entre communes à l’intérieur d’un même département, et parfois même à l’intérieur d’une même commune.
« La doctrine, c'est qu'il y a un règlement national et des adaptations locales, faites par le maire en lien avec le préfet, le rectorat… Il n'y aura pas un modèle unique », a insisté Gérard Collomb, président délégué de France urbaine, présent à la réunion du 29 avril. Selon le maire de Lyon, « préparer une école est extrêmement difficile car chaque cas est spécifique, notamment pour que les élèves ne se croisent pas, cela dépend notamment du nombre d’entrées. Organiser tout cela signifie une importante logistique ».
Devant les députés, le 29 avril, Edouard Philippe a insisté sur sa volonté de « laisser aux maires » le soin de dire aux responsables de l’Education nationale comment la rentrée peut s’organiser au cas par cas dans les différentes écoles. Dans les départements classés « rouges », ceux où la circulation du virus restera élevée le 11 mai, il s’est dit enclin à entendre ceux qui diront ne pas être « prêts ».
Suite à la réunion avec le Premier ministre, Caroline Cayeux, la présidente de Villes de France, estime que « des questions opérationnelles se posent encore et les élus, en lien avec l’Etat, travaillent à y répondre ». « Nous avons la volonté de réussir ensemble ce déconfinement mais nous avons besoin de règles claires », complète Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France.
Un déconfinement par département
Le choix du gouvernement s’apparente d’une certaine façon à un déconfinement par département en fonction de l’importance de la circulation du virus. Selon Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, au-delà du cadrage national et des dates des différentes étapes, « la question essentielle est la façon de se préparer et là c’est le rôle des collectivités ».
Le président de l’ADF (Assemblée des départements de France), Dominique Bussereau, a estimé que « c'est la bonne méthode de faire confiance aux choix des maires et des présidents de départements (…) pour sortir intelligemment du confinement ». Selon lui, le Premier ministre a indiqué aux élus le 29 avril qu’il y aurait trois critères pris en compte : le nombre de personnes atteintes du Covid-19 à l’intérieur des départements, la capacité de réanimation dans chaque département et la bonne organisation des brigades chargées de suivre les personnes atteintes du Covid-19. « Dans les départements, nous allons faire un gros effort pour mettre en place ces brigades avec l’Etat et les autres collectivités pour avoir une force de frappe bien implantée sur le terrain », explique Dominique Bussereau.
L’APVF demande une « dotation Covid »
Présent à la réunion du 29 avril, Christophe Bouillon, le président de l’APVF, a insisté sur l’importance de « mette en place dans chaque département un vrai dialogue entre les préfets et les maires, ce dialogue ne devant pas se faire sur le mode ‘l’Etat décide, les maires exécutent’ ». Il a aussi réitéré sa demande d’élargissement des pouvoirs de police spéciale des maires, sous le contrôle du juge, pour encadrer les déplacements aux fins de prévention de la propagation de l’épidémie. Christophe Bouillon a aussi attiré l’attention du Premier ministre sur la responsabilité des maires « qui doit être absolument clarifiée, notamment sur la question de la réouverture des écoles ».
Par ailleurs, les différentes associations d’élus alertent sur le coût financier important des moyens humains et matériels que les collectivités doivent déployer dans le cadre des mesures de déconfinement. Le président de l’APVF a évoqué ici l’idée d’une « dotation Covid ». Pas de réponse pour l’instant.
Philippe Pottiée-Sperry