Dernière ligne droite pour le projet de loi « Lecornu »

Philippe Pottiée-Sperry
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395 voix pour, 33 votes contre et 126 abstentions. Le projet de loi « Engagement et proximité » a été adopté à l’Assemblée nationale, en première lecture, le 26 novembre. « Je salue le travail constructif des sénateurs et des députés, de tous bords politiques, sur ce texte pragmatique qui améliorera la vie quotidienne des 500 000 élus locaux de notre pays ! » a déclaré le ministre chargé des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu.

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A présent la commission mixte paritaire (CMP), réunissant sénateurs et députés, sur le projet de loi qui est en procédure d’urgence (une seule lecture dans chaque chambre) devrait se tenir le 11 décembre. Le gouvernement veut vraiment qu’elle soit conclusive, afin de tenir sa promesse d’une adoption définitive du texte avant la fin de l’année. Et de son application au plus vite pour les élus locaux.

Compétences eau et assainissement

Le volet intercommunalité du projet de loi, adopté par les députés, reprend en grande partie la version de la commission des lois qui a suscité deux clans opposés parmi les associations d’élus locaux. Sur le sujet sensible des compétences eau et assainissement, ils sont restés sur la version gouvernementale au grand dam de l’AMF et de l’AMRF. Le transfert reste donc obligatoire à l’interco avec la possibilité pour elle de redéléguer, par la suite, tout ou partie de ces compétences à des communes ou des syndicats.Les députés ont juste ajouté que les services publics d’eau et d’assainissement pouvaient mettre en place une tarification incitative pour encourager une consommation plus raisonnée.

Réduction du nombre de compétences optionnelles

Les députés ont tout de même concédé quelques assouplissements, principalement en réduisant le nombre de compétences optionnelles à retenir, compte tenu des compétences devenues obligatoires. Ils ont ainsi diminué de trois à un le nombre de compétences optionnelles devant être exercées par les communautés de communes et d’agglomération. Autre assouplissement concédé : la compétence tourisme. Alors que « la promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme », continue de relever de l’interco, « l’animation touristique » devient une compétence partagée entre l’interco et ses communes membres. Un geste d’apaisement vis-à-vis des maires mais qui risque d’être compliqué à appliquer dans les faits. De plus, les députés ont ouvert la possibilité, dans les communautés de communes, pour les communes touristiques non classées stations de tourisme, de retrouver la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme. » Pour cela, l’organe délibérant devra donner son accord, à la majorité simple. Par ailleurs, le texte crée un pacte de gouvernance pour fluidifier les relations entre ces deux échelons territoriaux. Le pacte de gouvernance permettra notamment l’instauration de conseils des maires. Sur ce sujet de la gouvernance de l’intercommunalité (conférences des maires, implication des élus municipaux, chartes de gouvernance, pôles territoriaux…), l’AdCF a adressé aux parlementaires, le 27 novembre, une nouvelle étude sur ce sujet, montrant que « les outils et instances visant à consolider les relations communes-communautés sont déjà très largement répandus ».

Statut de l’élu renforcé

Une des vocations importantes du projet de loi est d’améliorer le statut de l’élu, notamment pour encourager l’engagement des citoyens dans la vie politique locale. Les salariés ou agents publics pourront bénéficier de 10 jours de congés afin de faire campagne, que ce soit pour les élections municipales (et départementales), y compris dans les communes de moins de 1000 habitants. Selon le gouvernement, cette disposition encourage les vocations politiques des actifs issus du salariat, et renforce ainsi la diversité des profils des candidats aux élections.Par ailleurs, tous les membres des conseils municipaux obtiennent la prise en charge des frais de gardes pour leurs proches lorsque des réunions obligatoires sont prévues. Autre mesure : l’extension du principe de non-discrimination accordé par le Code du travail aux salariés en matière d’embauche, de formation, de licenciement, de rémunération, d’intéressement, de reclassement, de promotion ou de mutation aux titulaires d’un mandat électif local afin d’améliorer la protection des élus salariés.En matière de formation, il est mis en place un compte personnel de formation. De plus, il est instauré t une formation à l’exercice du mandat local obligatoire dès leur première année d’exercice.

Augmentation des indemnités des élus

Concernant l’augmentation des indemnités, une revendication de longue date des élus, Sébastien Lecornu a fait adopter un dispositif qu’il a jugé « équilibré » : le barème actuel reste en vigueur, de droit, pour toutes les communes. L’amendement gouvernemental prévoit la mise en place d’un pivot « pour éviter un phénomène automatique d’augmentation pour ceux qui ne l’auraient pas voulu ». Ainsi, le niveau de l’indemnité du maire se situera automatiquement à l’ancien plafond (« montant garanti ») mais par délibération, sur demande du maire, il pourra se faire entre 0 et le nouveau plafond (« montant maximum »). Pour financer cette mesure, le Premier ministre a annoncé, en clôture du congrès des maires le 20 novembre, un « effort ciblé, mais substantiel » sur la dotation particulière pour les élus locaux (DPEL) : elle sera doublée pour les communes éligibles de moins de 200 habitants (soit 3000 € de plus par an), et augmentée de 50 % pour les communes éligibles de 200 à 500 habitants (1500 €).

Renforcement des pouvoirs de police du maire

Le texte renforce les pouvoirs de police administrative du maire afin qu’il puisse faire respecter ses décisions et résoudre les désordres du quotidien dans sa commune : faire retirer les dépôts d’encombrants sur la voie publique, fermer les débits de boissons indélicats, faire respecter les prescriptions d’un permis de construire, fermer un établissement recevant du public dangereux… Sur ce dernier point, après une mise en demeure sans résultat, le maire pourra ordonner la fermeture et imposer une astreinte au propriétaire jusqu’à 500 € par jour de retard. Un nouvel article, adopté par les députés, étend le scrutin de liste aux communes de plus de 500 habitants. En abaissant ce seuil de 1000 à 500 habitants, cela permettra d’instaurer la parité dans tous les conseils municipaux de ces communes à partir de 2026, et donc de favoriser l’engagement politique local des femmes afin que les élus soient représentatifs de la population française. 16 587 communes seront ainsi concernées.Adopté, un amendement du rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale, Bruno Questel, député de l’Eure, vise à renforcer l’information des maires à leur arrivée en fonctions sur les attributions qu’ils exercent au nom de l’État. Ils rencontreront désormais, au début de leur mandat, le préfet et le procureur de la République. En complément, les maires et les adjoints seront destinataires d’une carte d’identité tricolore attestant de leurs fonctions afin qu’ils soient mieux identifiés par la population, notamment dans les situations sensibles.

De nouvelles licences IV dans les petites communes

Un amendement du gouvernement vise à créer de « nouveaux lieux de convivialité dans les campagnes ». Cette mesure fait partie de l’Agenda rural, présenté par le Premier ministre le 20 septembre dernier. Elle prévoit de créer de nouvelles licences IV dans les communes de moins de 3500 habitants qui n’en n’ont pas aujourd’hui, dans les trois prochaines années, et - fait nouveau - de les attacher à leur territoire car elles ne pourront pas sortir du périmètre de l’intercommunalité.Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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