Guerre ouverte entre élus sur l’interco

Philippe Pottiée-Sperry
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Deux clans se sont créés parmi les associations d’élus locaux entre partisans et adversaires du volet intercommunalité du projet de loi « Engagement et proximité ». Dans la foulée du communiqué commun de l’AMF et de l’AMRF attaquant de front la position des députés sur le texte, c’est donc au tour de l’AdCF (Assemblée des communautés de France), France urbaine et Villes de France (villes moyennes et leurs intercommunalités) de réagir ensemble pour défendre quant à eux la version des députés.

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Alors que l’Assemblée nationale a commencé l’examen en séance publique du projet de loi « Engagement et proximité », depuis le 18 novembre, les trois associations d’élus appellent « les parlementaires à entendre la forte demande de stabilité qu’expriment les élus locaux au sujet de notre organisation territoriale ». Coïncidence des dates, l’examen du texte a démarré le même jour que l’ouverture du congrès des maires. A n’en pas douter, le sujet devrait y tenir une bonne place !

« Il faut dire stop ! »

Depuis plusieurs semaines, le climat s’est progressivement dégradé entre ces deux clans devenus presque irréconciliables. Lors de la dernière convention de l’AdCF qui s’est tenue à Nice, fin octobre, son président Jean-Luc Rigaut a réagi très fermement à la version du projet de loi « Lecornu » votée par les sénateurs le 22 octobre, en droite ligne de certaines associations de maires dont l’AMF. « A l’approche des municipales, certains s’imaginent qu’il est payant de s’en prendre aux intercommunalités, de les caricaturer en affreuses « cannibales » de communes ou en cause première du « blues des maires », s’est-il ainsi emporté. Tout cela est irresponsable ». Un ton véhément rare chez lui qui s’explique par « une remise en cause de 20 ans de coopération intercommunale » à laquelle « il faut dire stop ! ».

Satisfecit des amendements des députés

À l’opposé de l’AMF et de l’AMRF, les trois associations se félicitent « des initiatives prises pour rééquilibrer le texte et le recentrer sur son objectif premier : favoriser l’engagement dans la vie publique locale ». Satisfecit donc des amendements adoptés par la commission des lois de l’Assemblée pour préserver ces objectifs.Ironie de cette lutte entre les deux clans, chacun se réfère aux engagements pris par le président de la République. Référence à « la stabilité institutionnelle » promise en début de quinquennat, pour les pro interco, et à des marges de manœuvre retrouvées pour les maires promises à l’issue du grand débat, pour les anti interco.

Demande de stabilité des compétences et des périmètres

« Au terme de dix années de réformes législatives, votées sous toutes les majorités successives, les communes et intercommunalités ont besoin de visibilité pour les prochains mandats », estiment l’AdCF, France urbaine et Villes de France. Elles affirment leur soutien aux dispositions visant à favoriser la réalisation de « pactes de gouvernance » au sein des intercos. Elles plaident en revanche pour la stabilisation des compétences intercommunales et des périmètres des communautés et métropoles. Inquiètes, elles voient dans le contexte actuel une remise en cause des principes fondateurs qui ont accompagné la structuration de l’intercommunalité depuis 20 ans, à partir de la loi Chevènement, avec notamment des compétences optionnelles offrant selon elles une latitude aux élus. Et de prévenir : « Le moment n’est pas opportun pour imposer de nouvelles révisions statutaires partout en France. Il convient de laisser la souplesse nécessaire à l’exercice de compétences optionnelles et différenciées dans l’intérêt des territoires ».

Ajustements à l’initiative des seuls élus

Au sujet des évolutions de périmètres, les trois associations demandent que seuls les élus locaux puissent procéder à d’éventuels ajustements. Explication avancée : les incidences importantes des évolutions de périmètres sur la fiscalité, la gestion des services et des agents, les documents de planification et projets de territoires ou la composition des assemblées intercommunales.France urbaine, l’AdCF et Villes de France plaident pour que les éventuelles évolutions de périmètres souhaitées par les élus reposent au cours des prochains mandats sur l’accord des parties prenantes et les règles de majorité qualifiée. « Toute dérogation à ces principes se devra d’être strictement encadrée et ne saurait reposer sur des choix unilatéraux », préviennent-elles. Par ailleurs, défendant encore le besoin de stabilité des intercommunalités, elles jugent nécessaire la présence d’arbitres que seraient la commission départementale de coopération intercommunale en donnant son avis et le préfet en accordant son autorisation.Entre ces deux camps, l’Association des petites villes (APVF) emprunte une position médiane en estimant que « le compte n’y est pas » tout en reconnaissant « quelques avancées nouvelles pour renforcer les pouvoirs des maires » dans la version amendée par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Mais en continuer de demander « de la souplesse sur le transfert de la compétence eau et assainissement ».Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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