Impôts de production : les associations d’élus interpellent Emmanuel Macron
Dans un courrier commun envoyé début mars au président de la République, les présidents des huit principales associations d’élus locaux (AMF, AMRF, APVF, Villes de France, France urbaine, AdCF, ADF et Régions de France) lui demandent « qu’au plus haut niveau de l’État, vous puissiez exprimer sans ambiguïté votre volonté de stabilité globale de la fiscalité économique locale ».
Une interpellation qui ne tombe pas par hasard à quelques jours des élections municipales afin d’obtenir des garanties sur le maintien des impôts locaux réglés par les entreprises. Le courrier rappelle ainsi que « de nouvelles équipes municipales vont très prochainement être élues. Elles seront légitimement en demande de visibilité dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur projet municipal ».
Lors du dernier congrès des maires, en novembre 2019, les mêmes associations d’élus locaux avaient déjà rédigé une motion commune appelant à ce « que cessent les déclarations visant à remettre en question la fiscalité économique locale ». Pour rappel, les impôts économiques locaux se composent pour l’essentiel de la CFE, la TFPB économique, la CVAE, le VM, la TASCOM …
Demande de la haute administration
Tout en reconnaissant les assurances reçues des ministres Jacqueline Gourault et Olivier Dussopt, ayant affirmé que seule la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pourrait être supprimée, les élus pointent néanmoins « des voix [qui] continuent de s’exprimer au sein de la haute administration pour laisser penser qu’une révision des impôts économiques locaux serait à l’étude ». De quoi les inquiéter sachant qu’Emmanuel Macron devrait présenter courant avril le « Pace productif ». La critique des élus vise également le Medef, sans le nommer, qui souhaite la suppression des impôts de production qui bénéficient aux collectivités. Selon l’AdCF, « sur le terrain, la priorité des entrepreneurs que rencontrent l’AdCF et ses adhérents n’est pas réellement la fiscalité locale, mais surtout une demande de services (transports, logements, foncier, numérique, réseaux techniques…) ». Un propos confirmé par France urbaine : « Dans nos échanges quotidiens avec les responsables économiques locaux aussi bien que lors des rencontres multilatérales que nous organisons, la question de la fiscalité locale n’a jamais émergé ».
« Un lobbying intense »
France urbaine évoque « un lobbying intense » contre cette fiscalité. « Il laisse penser que les difficultés des entreprises, et plus particulièrement des entreprises industrielles, seraient dues à des questions de coût et de fiscalité », critique l’association. Selon elle, cet argumentaire « se fonde sur des comparaisons inappropriées avec l’Allemagne, ignorant parallèlement les facteurs qui font la force de l’industrie d’Outre-Rhin tels que la qualité des relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, les pratiques de cogestion des entreprises ou encore, le positionnement marketing sur le haut de gamme ».
Autre critique formulée : « cet intense travail de lobbying sous-tend que les impôts locaux acquittés par les entreprises sont inéquitables, alors que ces derniers représentent une part réduite parmi l’ensemble des prélèvements qui sont indépendants des résultats de l’entreprise ». Les impôts locaux supportés par les entreprises représentent environ 50 Md€, à comparer avec les 427 Md€ de charges fiscales et sociales qui correspondent à l’ensemble des prélèvements, indépendants des résultats de l’entreprise.
Enfin, selon France urbaine, l’hypothèse d’un remplacement de tout ou partie de la CVAE par un impôt national partagé signifierait une diminution ou un amoindrissement du retour fiscal et budgétaire tiré de l’action locale. Il s’agirait pour elle d’un « scénario déresponsabilisant ».
Philippe Pottiée-Sperry