La réponse publique à la crise du COVID-19 passe par la territorialisation

Philippe Pottiée-Sperry
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A la veille des élections municipales, le discours du 12 mars du président de la République aura marqué un tournant dans la réponse de la France face à la crise du coronavirus COVID-19, en même temps qu’une importante inflexion de la ligne politique de sa mandature.

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Dans son intervention, le chef de l’Etat en appelle à l’esprit de confiance, de discipline et de solidarité des Français, et s’appuie abondamment sur la science, l’Etat-providence et les services publics.

Si le maintien des élections municipales a pu être justifié malgré le renforcement des mesures de lutte contre l’épidémie, c’est sans doute que les collectivités du bloc communal ont un rôle important à jouer dans la réponse publique à face cette crise mondiale, dont les conséquences ne sont pas que sanitaires, mais aussi économiques, sociales et politiques.

 

Une réaction graduée et territorialisée

Face aux incertitudes créées par ce virus inédit, la réaction des pouvoirs publics doit être graduée et territorialisée. Elle s’adapte dans le temps et dans l’espace en fonction du risque et des circonstances, et cherche un équilibre entre deux pôles. D’une part, les objectifs de prévention et d’atténuation des effets sanitaires de l’épidémie. D’autre part, la protection des libertés et la continuité de la vie économique et sociale de la nation.

Relais de la politique sanitaire nationale, les collectivités territoriales activent leurs cellules de crise et contribuent à la gestion de la situation en coordination avec les services de l’Etat et les agences régionales de santé (ARS). Elles transmettent au public les consignes nationales sur les « gestes barrières » et partagent les informations de proximité dont elles disposent. Elles prennent leurs dispositions en tant qu’employeurs et gestionnaires de services publics, notamment pour assurer la continuité du fonctionnement des missions essentielles, à travers leurs plans de continuité des activités (PCA) et ceux de leurs opérateurs.

Des mesures préventives renforcées

Dans leurs communes, les maires peuvent aussi prendre des mesures préventives renforcées par rapport aux mesures nationales au titre de la police municipale, qui comprend « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, […] les maladies épidémiques ou contagieuses » (article L.2212-2 du CGCT).

Conformément au principe de proportionnalité, il s’agit donc, dans les vides laissés par les mesures nationales, de calibrer les mesures de précaution en fonction du risque et de leurs conséquences pour des biens partagés au quotidien : équipements sociaux, culturels et sportifs, évènements publics, transports urbains…

Saluons ici le courage et l’engagement des femmes et des hommes qui œuvrent en ce moment même, chaque jour, à protéger les populations et les territoires des conséquences multidimensionnelles de l’épidémie.

Des mesures de solidarité pour tenir compte des inégalités d’exposition

La crise ne frappe pas également toutes les parties de la société. Certaines catégories de la population sont plus exposées que le reste de la population, par exemple en raison de leur état physique (personnes âgées, immunodéprimées, ou déjà atteintes de maladies…), de leurs charges familiales (garde d’enfants, accompagnement de personnes dépendantes) ou de leur implication dans la prise en charge des patients (le personnel médical, en particulier). Il y a aussi des inégalités d’exposition à la crise selon les territoires (territoires « clusters » vs. territoires épargnés), selon les secteurs d’activité (économie physique vs. économie numérique), selon les catégories professionnelles (permanents ou précaires, possibilité ou non de télétravailler).

Ainsi, pour éviter un accroissement des clivages et des dommages irréversibles pour la société, une stratégie de souplesse et de solidarité est nécessaire, moyennant, en autres, la flexibilité budgétaire des finances publiques.

De nombreuses mesures peuvent être mises en œuvre, y compris par les collectivités. Pour leurs territoires : soutien aux personnels du système de soins, soutien aux territoires « clusters », aides financières aux secteurs en difficulté, services à domicile pour les personnes âgées… Pour leurs agents : autorisations spéciales d’absence (ASA) pour les personnes vulnérables ou à charges familiales, solutions d’aide à la garde d’enfants, facilitation du télétravail, maintien du pouvoir d’achat des agents en chômage technique…

Adressons ici un message de courage et de solidarité à toutes les personnes atteintes directement ou indirectement par cette épreuve qui nous concerne tous.

Les municipales, reflet de la résilience des territoires

S’il faut faire appel à la solidarité face à cette crise dont nous ignorons aujourd’hui la durée, c’est qu’elle met en jeu la résilience de notre société, à savoir sa capacité à absorber des chocs et à reprendre sa dynamique initiale une fois ceux-ci passés.

Or, l’un des facteurs de résilience les plus importants réside dans la cohésion sociale. Comme l'affirme le GIEC dans un rapport en 2019, « il est essentiel d’augmenter les investissements dans les infrastructures matérielles et sociales de façon à renforcer la résilience et les capacités d’adaptation des sociétés. »

Cela implique d’allouer des ressources suffisantes à l’agriculture, aux infrastructures et aux services publics de notre pays, pour leur permettre de bien fonctionner tout en accomplissant leur transition écologique. Mais aussi de continuer à relocaliser et à décentraliser l’économie sur le territoire, car la façon la plus simple de réduire son risque, c’est de le diversifier.

Et pour toutes ces priorités, les quelque 35 000 communes et 1200 intercommunalités de France jouent un rôle crucial en pratique. Rappelons qu’elles réalisent près de 40 milliards d’euros d’investissement chaque année et mettent en œuvre, dans leurs périmètres respectifs, le développement territorial (urbanisme, aménagement, logement et habitat, mobilités urbaines), la gestion des réseaux techniques (éclairages et espaces publics, voirie, eau, assainissement, gestion des déchets, propreté, et de nombreux services publics de proximité (état civil, petite enfance, écoles primaires, action sociale, culture, sports).

Le lancement des nouvelles mandatures après les élections donnera une impulsion forte à des projets dont les territoires ont vitalement besoin dans de nombreux domaines. Une impulsion bienvenue pour contrebalancer l’impact de la crise sur la conjoncture économique et sociale.

Au-delà des calculs politiciens, c’est aussi pour cette raison que le maintien du scrutin répondait à un intérêt général, et que les communes et l’Etat ont tout fait pour les organiser dans de bonnes conditions. Pour un pays démocratique comme la France, la bonne tenue des élections participe aussi de la résilience de ses territoires.

Michaël Calais, administrateur territorial dans une intercommunalité du Grand Paris

Philippe Pottiée-Sperry
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