Le casse-tête de la réforme de la fiscalité locale

Philippe Pottiée-Sperry
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La brouille survenue en juillet 2018 sur le sujet de la contractualisation des dépenses de fonctionnement entre plusieurs associations d’élus locaux et le gouvernement a suspendu les discussions sur la réforme de la fiscalité locale.

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Les propos du Premier ministre, lors du dernier congrès des maires, le 22 novembre, a semblé relancer le chantier avec l’annonce du dépôt d’un projet de loi sur la réforme de la fiscalité locale en conseil des ministres prévue « mi-avril », s’appuyant sur une préparation « en concertation avec les associations d’élus ». Mais la crise des gilets jaunes est passée par là et pour l’instant tout est reporté après le grand débat national. Même si les associations d’élus locaux s’efforcent de lui donner toute sa place dans les sujets à traiter. La même grande question reste au cœur des préoccupations : comment compenser la suppression de la taxe d’habitation ?

Les deux scénarios du rapport Richard-Bur

Le rapport Richard-Bur fait état de deux scénarios qui semblent poser à peu près autant de questions qu’ils en résolvent. Celui du transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des départements (15,1 Md€) vers le bloc communal est insuffisant pour compenser la perte de ressources d’environ 22 Md€. Par quoi le compléter et comment financer la perte pour les départements ? Le second scénario envisage l’attribution au bloc communal d’une part d’un impôt national. Mais lequel et quid du pouvoir de taux des collectivités et de leur autonomie fiscale, principal pilier de la décentralisation ? Comme dans un jeu de quilles, quand on bouscule celle qui commande les autres se renversent. Inutile de dire que l’ADF (Assemblée des départements de France) est « fermement opposée à un changement du panier fiscal des départements ». Leur équilibre budgétaire « suppose de conserver la marge de manœuvre fiscale sur le foncier bâti. »

Répartition des impôts entre catégories de collectivités

Autre enjeu soulevé par les associations d’élus et exprimé également par le président du SNDGCT (syndicat national des DG de collectivités territoriales), Stéphane Pintre : « la volonté de maintenir le lien fiscal entre les habitants et les collectivités qui œuvrent aux politiques de solidarité et aux services publics sur les territoires. » Pour sa part, Claire Delpech, responsable Finances et fiscalité à l’AdCF (Assemblée des communautés de France), pose une question particulièrement importante dans le contexte actuel : « Comment définir un impôt résidentiel juste et équitable où chacun participerait selon ses capacités contributives au financement des services publics de son territoire ? » L’AdCF n’est pas opposée au transfert de la TFPB des départements vers le bloc communal complété par une part de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée). « Mais cela exige d’être très attentif à la répartition des impôts entre les différentes catégories de collectivités », alerte Claire Delpech. Chaque collectivité devrait pouvoir disposer des moyens d’exercer les responsabilités qui lui sont confiées, soutiennent d’une même voix les représentants d’association d’élus.

Revoir la péréquation

L’AdCF souhaite aussi que la réforme revoit le dispositif de péréquation mis en place lors de la suppression de la taxe professionnelle et aujourd’hui devenu obsolète. Le secrétaire général de l’OFGL (Observatoire des finances et de la gestion publique locale), Thomas Rougier, élargit cette révision « à toutes les dotations de péréquation et à la mesure de la richesse des collectivités ». On le voit, les enjeux de la réforme sont nombreux et complexes.
Victor Rainaldi
Philippe Pottiée-Sperry
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