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Le Medef prône une baisse de 35 Md€ des impôts de production

Philippe Pottiée-Sperry
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Comme à chaque élection présidentielle, les différents acteurs et organisations professionnelles prennent part au débat et présentent leurs propositions.
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Le 24 janvier, ce fut le tour du Medef (Mouvement des entreprises de France) qui a rendu publique sa « plateforme présidentielle » comprenant une cinquantaine de propositions. « Nous regrettons que la campagne actuelle ne parle pas assez d’économie ni d’entreprise. Nous voulons mettre ces sujets dans le débat et faisons des propositions », a affirmé Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. L’organisation patronale s’associe également à CCI France (chambres de commerce et d’industrie) et à l’Institut de l’entreprise pour auditionner, le 21 février, les candidats à la présidentielle.

Classiquement, le Medef plaide pour réduire les dépenses publiques, notamment en fixant un objectif de plafond tout en sanctuarisant les dépenses publiques d’avenir (dépenses d’investissement ou « productives »). Pour réformer l’action publique, il prône « une méthode gouvernementale claire » dès le début du quinquennat, avec des objectifs concrets à mettre en œuvre dans un calendrier précis. Selon le Medef, cela devrait passer aussi par la création d’un « comité de contrôle indépendant », comportant des chefs d’entreprises pour proposer et évaluer les réformes. Et de rappeler que la méthode adoptée en 2017 avec « Cap 2022 » associait déjà le secteur privé dans sa gouvernance,

Au moins 10 Md€ dès 2022

Par ailleurs, l’organisation patronale propose de donner un sacré coup d’accélérateur à la baisse des impôts de production (déjà – 10 Md€ durant ce quinquennat) « pour les ramener à la moyenne de l’Union européenne » en prônant une réduction de 35 Md€ sur cinq ans. Le Medef défend, dès le printemps 2022, le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative pour une première baisse d’au moins 10 Md€, suivie d’une trajectoire définie sur la durée de la mandature pour les 25 Md€ supplémentaires. Tous les impôts de production seraient concernés par cette baisse : taxe foncière, CVAE, taxe sur les salaires, versement mobilité, CFE, C3S, TE, IFER, Tascom, taxes sur les bureaux en Île-de-France…

Concernant les conséquences importantes pour les collectivités, il suggère une compensation de la perte de recettes par l’affectation d’une part de TVA et/ou d’impôt sur les sociétés. Sur le long terme, cette baisse devrait être sécurisée en plafonnant les impôts de production à 2,8 % de la valeur ajoutée.

Repenser la commande publique

Autre levier de réforme mis en avant : la commande publique à repenser « comme un outil de souveraineté ». Elle représentait 200 Md€ en 2019 soit 8 % du PIB français. Le Medef critique la situation européenne actuelle : « Les marchés publics de l’UE sont généralement ouverts aux entreprises de pays tiers alors que les entreprises de l’UE y font elles-mêmes l’objet de mesures discriminatoires ou bien se heurtent à l’étanchéité de certains marchés ». A l’occasion de l’ouverture de la révision de la directive européenne sur la commande publique en 2022, il demande de revoir son rôle comme « soutien de la réindustrialisation et de la promotion des entreprises européennes ».

Autre préconisation : prendre un Buy European Act ou un Small Business Act européen sur le modèle américain (qui garantit 23% des marchés aux PME nationales), « même si cela implique de lever les réticences de certains États membres qui craignent des mesures de rétorsions des partenaires étrangers et une moindre concurrence au détriment des acheteurs publics », est-il précisé.

Maîtriser les charges des services publics locaux

Le Medef souhaite rendre accessible l’évaluation du coût réel des services publics locaux, dont on connait la dépense par habitant mais dont n’est pas mesuré le coût effectif, selon lui. Objectif : harmoniser le coût réel au niveau national. Autre recommandation : la mise en place d’indicateurs de performance liés à la maîtrise de ces coûts pour mettre en place « des plans de maîtrise des charges de fonctionnement des services publics locaux ». Les économies réalisées permettraient de dégager des marges de manœuvre budgétaires locales permettant, défend le Medef, de mettre en place des trajectoires de baisses des impôts locaux pour les particuliers et les entreprises (TEOM, TFPB, taxes sur les bureaux). Prudent, il n’avance aucun chiffre !

Par ailleurs, l’organisation patronale défend la régionalisation de Pôle emploi, non pas en le découpant en structures régionales rattachées aux conseils régionaux, mais en développant « une logique de contractualisation par objectifs ». Elle s’effectuerait entre les directions régionales de Pôle emploi et leurs parties prenantes locales : conseils régionaux, représentants des entreprises (Medef régionaux, chambres consulaires…).

Simplifier la gouvernance des territoires

Au sujet de l’organisation territoriale, le Medef propose de simplifier la gouvernance en simplifiant l’exercice des compétences. L’exercice d’une compétence passerait par une autorité organisatrice de référence, sur le modèle adopté pour la compétence transports (région et intercommunalités = autorité organisatrice des transports). Concernant la gouvernance des collectivités et des structures publiques ou parapubliques, il jugerait utile de « consulter » les entreprises. Mais sans en dire plus. Concernant les finances locales, le Medef recommande de mettre fin aux financements croisés, jugés « coûteux et complexes, fabriquant des « usines à gaz » administratives ». Sa solution passerait par l’attribution à chaque niveau de collectivité d’une ressource fiscale distincte, permettant aux contribuables de bien distinguer qui fait quoi et avec quel impôt.

Suppression du versement mobilité : levée de boucliers des élus

L’organisation patronale plaide aussi pour conditionner le versement mobilité à l’existence d’un service de transport effectif délivré et financé par la collectivité, « afin qu’il ne devienne pas une variable d’ajustement des budgets locaux, et le rendre flexible en fonction du télétravail » (exonération des entreprises proportionnelle à leurs salariés en télétravail qui utilisent moins les transports publics). Le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a même plaidé, le 25 janvier, pour remplacer le versement mobilité par « une indemnité essence ou véhicule ». Une proposition qui a immédiatement fait réagir dans un communiqué commun France urbaine, l’AdCF (Assemblée des communautés de France) et le Gart (Groupement des autorités responsables de transport). Selon les associations d’élus, elle est « en contradiction avec deux objectifs partagés par les collectivités et les entreprises implantées dans les territoires : lutter contre le réchauffement climatique et être au plus près des besoins exprimés par les employeurs sur le terrain ». Elles estiment que remplacer les transports publics par un chèque permettant de faire le plein d’essence « mettrait les transports publics à l’arrêt », en contradiction totale avec les objectifs écologiques. Pour rappel, le versement mobilité est acquitté par tous les employeurs d’au moins 11 salariés, publics et privés, contribuant à plus de 45 % au financement des réseaux de transports urbains.

Philippe Pottiée-Sperry

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