Les collectivités devraient surmonter la crise en 2021

Philippe Pottiée-Sperry
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La Banque Postale a publié, fin septembre, sa « Note de conjoncture sur les finances locales » qui montre 2020 comme une année de fragilisation et non de consolidation comme cela aurait dû être le cas si les crises sanitaire et économique n’étaient pas survenues.

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Conséquence : l’épargne brute est presque ramenée à son niveau de 2014.

Hausse des dépenses de fonctionnement

L’évolution des dépenses de fonctionnement serait plus faible qu’en 2019 (1,4 % contre 1,7 %) du fait du transfert de la compétence apprentissage des régions vers les branches professionnelles. Hors cet effet, elles progresseraient de 2,2 %. La crise est venue peser sur ces dépenses, qu’il s’agisse des achats liés à la protection sanitaire ou des interventions en faveur des entreprises ou des associations. Les aides aux personnes, à travers notamment les dépenses d’action sociale des départements, seraient également en accélération.

Dans le même temps, les recettes de fonctionnement seraient directement impactées par la crise. Hors effet du transfert du financement de l’apprentissage, elles diminueraient légèrement (- 0,9 %). Les ressources corrélées au contexte économique sont particulièrement importantes : régions (avec la TVA), départements (avec les droits de mutation), communes (avec les recettes fiscales « touristiques » mais aussi les produits de l’activité des services) et EPCI (avec le versement mobilité en particulier). Elles bénéficieraient néanmoins de mesures de soutien mises en place par le gouvernement (clause de sauvegarde…).

Un repli historique de l’épargne brute

La baisse de l’épargne brute de l’ordre de 7 Md€, associée au décalage des élections municipales et intercommunales, entraîneraient un repli marqué des dépenses d’équipement. Au contraire, les subventions d’investissement versées progresseraient nettement intégrant la participation des collectivités au fonds national de solidarité mais également à d’autres fonds d’initiative territoriale. Pour financer ce soutien aux territoires, l’endettement des collectivités (en particulier celui des régions) serait de 1 Md€ amenant la dette locale à 176,1 Md€ en fin d’année, soit 7,9 points de PIB.

Bouleversement fiscal

L’année 2021 relève de l’inconnu. D’une part, les effets des crises sanitaire et économique ne ne devraient pas se dissiper à court terme, leur traduction sur les dépenses sociales ou sanitaires étant appelées à perdurer : allocations individuelles de solidarité, aide aux familles en difficulté, adaptation des équipements publics, financement des évolutions d’usages induites par les circonstances telles que l’adaptation des mobilités ou le développement de l’enseignement à distance… D’autre part, le bouleversement fiscal que provoquent la suppression de la taxe d’habitation et les modalités de son remplacement, mais aussi désormais la réduction prévue des impôts de production, « modifie en profondeur deux des éléments-clefs des stratégies financières locales élaborées depuis la décentralisation : le poids des impôts localisés et la capacité à user du pouvoir de taux », estime la note de conjoncture de la Banque Postale.

Il impliquera, de fait, pour les régions et les départements, plus dépendants que jamais de la conjoncture économique nationale, mais aussi pour les communes et leurs groupements, dans lesquels la taxe foncière sur les propriétés bâties sera désormais l’impôt-pivot, une définition à plus long terme de l’équilibre économique de leur action, qui s’inscrit d’ailleurs dans le développement de véritables démarches prospectives.

Une refonte inévitable de la péréquation

Par ailleurs, le même bouleversement, par ses effets sur les indicateurs de péréquation centrés sur l’identification de la « richesse » des territoires que sont par exemple le potentiel fiscal ou le potentiel financier, combiné aux effets de la conjoncture économique sur l’évolution des charges publiques interprétées, de plus en plus, sous l’angle du revenu par habitant, rend inévitable une refonte de la péréquation. « Mais une telle refonte, si elle est menée en profondeur, sans négliger de traiter les inéquités tirées d’une cristallisation trop longue des situations historiques, ou de la brutalité des effets de seuil, ou encore de l’inadéquation d’indicateurs généraux à certaines situations locales (comme le montrent, dans les petites communes, les fluctuations considérables de la valeur annuelle du revenu moyen par habitant, pourtant déterminante pour les attributions de la dotation de solidarité rurale), ne peut aboutir qu’à des modifications importantes entre collectivités bénéficiaires, qui ne pourront être acceptées qu’avec des règles compréhensibles et justifiables », analyse la Banque Postale.

Contradiction et incertitudes

Enfin, la situation du patrimoine local au terme d’un mandat compliqué, où le rétablissement de la situation financière a été pour les acteurs locaux un enjeu plus significatif que la croissance des investissements, comme les sollicitations de l’État à leur engagement fort dans le plan de relance ou les nécessités de la transition écologique, rendent parfaitement justifiée une stratégie volontariste en la matière, que les capacités d’emprunts existantes peuvent faciliter. Mais on ne saurait empêcher, chat échaudé craignant l’eau froide, que soit relevé dès à présent le risque d’une contradiction entre une politique active d’équipement partiellement financée par la dette, et les modalités ultérieures d’un redressement des comptes publics fortement dégradés par le contexte vécu depuis le printemps 2020.

« Plus tôt ces incertitudes seront levées, plus tôt les collectivités locales dont les exécutifs viennent d’être, ou seront prochainement, réélus, s’engageront avec la visibilité nécessaire vers un avenir suffisamment compliqué pour nécessiter imagination, capacité d’adaptation et stabilisation des règles du jeu », estime la note de conjoncture. Et d’ajouter : « tel est le défi posé par la recherche d’une nouvelle culture des relations financières entre l’État et le monde local ».

En guise de conclusion, la Banque Postale considère néanmoins que la situation financière début 2020, et la capacité d’adaptation des collectivités devrait leur permettre de surmonter la crise et de s’investir pleinement dans le plan de relance, contribuant ainsi au développement des territoires.

P.P.-S.

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Philippe Pottiée-Sperry
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