Les remèdes choc du rapport Lagleize contre l’inflation foncière

Philippe Pottiée-Sperry
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Jean-Luc Lagleize, député (Modem) de Haute-Garonne, a remis son rapport sur la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction, le 6 novembre, à Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement.

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Il lui avait été commandé par le Premier ministre, en avril dernier, suite à la promulgation de la loi « Elan », qui visait à construire plus, mieux et moins cher, mais sans traiter la régulation du prix du foncier.

Le rapport dresse un diagnostic alarmant : aucune mesure adéquate n’a été mise en œuvre pour contrer l’inflation foncière. Et de citer la flambée de 71% sur ces dix dernières années, pendant que le prix de construction d’une maison augmentait de « seulement » 24% sur la même période. S’il y a plusieurs explications à cette inflation, surtout dans les zones tendues, Jean-Luc Lagleize insiste sur l’étalement urbain et l’artificialisation des sols au détriment de la densification des villes. Egalement dans le viseur : le maintien de certaines procédures, comme la vente aux enchères des terrains publics, qui ne font que renchérir le coût du foncier.

« Un changement complet de paradigme »

Fruit d’une consultation de l’ensemble des parties prenantes du secteur, de déplacements sur le terrain et d’une analyse comparative européenne et internationale, son rapport préconise quelque 50 mesures, législatives, fiscales, réglementaires ou opérationnelles. Ambitieux, il appelle à « un changement complet de paradigme face à l’urgence de la situation ».« L’enjeu du logement accessible est l’une des explications principales du mouvement des "gilets jaunes". Il fait aussi partie de la solution pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, même si les effets dans ce secteur se feront plutôt ressentir à moyen et long terme », constate Jean-Luc Lagleize sur le site du Modem.

Cinq objectifs majeurs

Faisant ce constat, il juge la question foncière « fondamentale pour apporter des solutions concrètes aux Français ». Son rapport propose des pistes autour de « cinq objectifs majeurs » : casser l’engrenage infernal de la hausse des coûts du foncier, libérer le foncier et améliorer la constructibilité, optimiser le foncier disponible, attirer les investisseurs dans le logement locatif, stopper définitivement la spéculation foncière. Pour ce dernier objectif, le député formule surement sa proposition la plus spectaculaire avec la création d’un nouveau droit de propriété fondé sur la dissociation entre le foncier et le bâti pour tous, afin de faire baisser le prix d’achat d’un logement d’environ 30 à 40%. Ce droit existe déjà pour l’accession sociale à la propriété mais il plaide pour le généraliser afin d’« avoir un effet de masse sur le marché ». Une petite révolution !

Exploiter le foncier déjà disponible

Pour s’attaquer vraiment à l’inflation foncière, le député propose de supprimer le recours à la vente aux enchères lors de cessions de foncier public ou de rendre obligatoire la création d’un observatoire du foncier dans les zones tendues, notamment pour recenser les friches et les potentiels projets de surélévation d’immeubles en ville. Autre mesure : l’inscription en annexe du PLU d’un prix de vente maximum des logements neufs à construire par quartier et par typologie de logement. Le député met l’accent sur le paradoxe d’une grande partie du foncier qui existe déjà, mais sans être valorisé. Pour preuve les nombreuses friches industrielles et commerciales. Il préconise donc d’optimiser ce potentiel. « Nous devons recenser, dépolluer et valoriser ces fonciers qui sont souvent bien situés. Pour cela, je propose notamment la création d’un Fonds national pour la dépollution des friches ». Autre gisement selon lui : le toit des immeubles car de nombreux bâtiments peuvent être surélevés et permettre la réalisation de nouveaux logements. Le rapport propose ici de recenser, faciliter et encourager les projets de surélévation.

Réduire la fiscalité pour « fluidifier le marché »

Afin de libérer du foncier et d’améliorer la constructibilité, le rapport recommande de faciliter le droit de préemption urbain lorsque le prix de cession est exagéré au regard des prix de l’Observatoire du foncier. Il plaide aussi pour renforcer la lutte contre les biens vacants et en état d’abandon manifeste. Autre recommandation forte : réduire la fiscalité sur les plus-values immobilières « pour fluidifier le marché foncier et immobilier ». Il est aussi proposé « une mesure d’équité en faveur des collectivités territoriales : reverser l’entièreté du produit de l’impôt sur les plus-values immobilières aux communes et EPCI » car ce sont eux qui « créent de la valeur ajoutée en investissant des deniers publics localement ».

Un nouveau rôle pour les élus locaux

« Près de la moitié des 50 propositions du rapport concerne directement les élus locaux et vise à consolider et diversifier la boîte à outils à leur disposition pour mener à bien leur politique foncière, d’urbanisme et d’aménagement du territoire », indique Jean-Luc Lagleize. Le député plaide aussi pour mieux accompagner les élus dans leur politique de logement et d’aménagement du territoire. Une série de mesures proposées recommandent notamment d’instaurer un « constat de carence en construction en cas d'écart significatif et prolongé entre les besoins en logement et le nombre de logements construits », le renforcement du rôle et l'amélioration du fonctionnement des établissements publics fonciers (EPF) ou encore la facilitation du recours à la déclaration d'utilité publique (DUP).

Une proposition de loi discutée le 28 novembre

Une dizaine des propositions du rapport sur le coût du foncier sont reprises dans une proposition de loi, présentée par Jean-Luc Lagleize dans le cadre d’une niche parlementaire du Modem le 28 novembre prochain. Dès le 13 novembre, son rapport sera présenté devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale et une semaine plus tard la même commission examinera la proposition de loi. Par ailleurs, le gouvernement a indiqué que certaines mesures du rapport seront reprises dans sa feuille de route qui doit être annoncée avant la fin de l’année. A voir ce qu’il en restera au final ! Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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