Autorisations d’urbanisme : la difficile démat' de l’ADS
Une enquête AMF-Intercommunalités de France sur la mise en œuvre de la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme révèle la persistance de freins techniques, matériels et humains. Communes et EPCI jugent néanmoins positive la démarche.
L’AMF et Intercommunalités de France se sont associées, pour la seconde fois, pour réaliser un état lieux de la mise en œuvre de l’obligation de réception et d’instruction dématérialisées des demandes d’autorisation d’urbanisme (autorisation du droit des sols – ADS), depuis le 1er janvier 2022. Principale leçon : « des freins techniques, matériels et humains encore à lever ».
Parmi les écueils déjà identifiés en 2020, l’un des principaux était le risque de fragilisation de la chaîne d’instruction, notamment en raison de ruptures possibles, de perte du lien avec le pétitionnaire (demandeur d'une autorisation d'urbanisme) ou de manque de moyens humains.
Informer les communes et intercos rurales
Dans la nouvelle enquête (1), les répondants mettent en évidence que les difficultés tiennent encore à des disparités en termes de préparation des services de l’État, de logiciels de traitement des demandes pas toujours opérationnels et aux dysfonctionnements de la plateforme nationale Plat’AU.
Autre enseignement : l’équité territoriale ne sera pas garantie sans un accompagnement fort des services de l’État auprès des communes et intercommunalités les plus rurales, qui ne sont pas encore suffisamment informées. De plus, elles ne disposent pas d’une couverture numérique satisfaisante ou de moyens humains et financiers à la hauteur du nombre de demandes et de l’accompagnement attendu par les pétitionnaires.
Saisine par voie électronique
Concernant l’obligation pour toutes les communes de mettre en place un dispositif de saisine par voie électronique (SVE), 66 % l’ont mis en place, 9 % ne l’ont pas fait et 14 % ne « savent pas ». Plus de 40 % des communes ayant mis en œuvre la SVE n’ont pas rencontré de difficultés et 30 % ont dû faire face à différents obstacles. Parmi ceux-ci : problèmes liés au réseau internet, manque de temps, d’informations, de moyens et de ressources humaines.
Par ailleurs, 76 % des intercos ont mis en place le dispositif de SVE au bénéfice des communes guichets uniques.
Des avis mitigés
De manière générale, l’enquête montre des avis plutôt mitigés concernant la démat des autorisations d’urbanisme. Côté positif, les communes y voient le moyen de raccourcir les délais d’instruction, réduire les coûts d’instruction, fluidifier les relations avec les services consultés, améliorer la qualité de l’instruction et le suivi des dossiers. Mais côté négatif, elles pointent les difficultés liées à la gestion du double flux papier/numérique. Cet effet de « doublon papier/dématérialisation » entraîne une charge de travail conséquente et une perte de temps considérable.
Au-delà des coûts et de la mauvaise couverture numérique, certaines communes constatent le manque de formation des agents. Les communes rurales ne comptent souvent qu’un seul agent « multitâches ». Certains pétitionnaires dans ces zones sont attachés au format papier (accompagnement personnel en mairie) et se montrent réticents à l’égard de la dématérialisation. Par ailleurs, les communes craignent un amoindrissement du lien physique et social avec les pétitionnaires
Difficultés partagées par les intercos
La plupart des intercos ayant répondu à l’enquête sont des communautés de communes rurales. La majorité des intercos ont mis en place un service d’instruction, soit au bénéfice de toutes les communes membres (37,5 %), soit au bénéfice d’une partie seulement (49 %). Le fait que la plupart des communes aient mutualisé l’instruction au niveau intercommunal peut expliquer le très faible recours aux prestataires privés.
L’obligation de disposer d’une téléprocédure pour instruire les demandes d’autorisation d’urbanisme peut être mutualisée : le dispositif est opérationnel pour 70 % des intercos et est en cours de finalisation pour 10 % d’entre elles. 50 % des intercos font face à des problèmes persistants et 25 % ont pu les résoudre. Parmi les difficultés rencontrées : dysfonctionnements et bugs des plateformes mises en place par l’État, notamment PLAT’AU ; problèmes concernant les logiciels des éditeurs tiers et des refus par certains services déconcentrés de recevoir le dossier de demande sous forme dématérialisée (UDAP, ABF, DDT).
Impact du doublon papier/démat
Si les intercos voient des aspects positifs à la dématérialisation (raccourcir les délais d’instruction, réduire les coûts, fluidifier les relations avec les services consultés…), elles soulignent également, comme les communes, dans un premier temps, les coûts et la complexité liés à la gestion du double flux papier/numérique (effet de doublon papier/dématérialisation).
Ensuite, la démat semble peu connue, voir méconnue, auprès des particuliers, notamment en zone rurale. Les intercos évoquent également le problème de stabilité et de mise à jour des logiciels des éditeurs tiers, ainsi que le manque de préparation et de capacités techniques des services consultés, notamment les services de l’État
Besoin encore d’accompagnement
Malgré ces résultats mitigés, l’enquête conclut néanmoins sur l’espoir des communes et intercos d’une dématérialisation plus aboutie, en voyant « dans le dépôt dématérialisé un traitement des demandes à terme plus aisé ». Les deux associations affirment qu’elles seront vigilantes à la levée des différents obstacles qui nécessite encore « un accompagnement fort de tous les acteurs et de l’Etat pour tirer les bénéfices d’une dématérialisation des procédures tout en garantissant le maintien du contact avec les pétitionnaires ».
(1) Deux enquêtes adressées à l’ensemble des communes et intercos, le 19 octobre 2022. Résultats arrêtés trois semaines après. 4774 communes ont répondu au questionnaire (dont 2342 partiellement et 2432 totalement). Pour les intercos, 210 ont répondu dont 131 partiellement et 79 totalement.