Loi Sécurité globale : pas d’extension des pouvoirs des polices municipales

Philippe Pottiée-Sperry
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Très attendue, la décision du Conseil constitutionnel sur la proposition de loi « Sécurité globale » a été rendue le 20 mai. 

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Les Sages l’ont censurée en partie, notamment l’article 52, ayant suscité la controverse en créant un délit de provocation à l'identification des forces de l’ordre. Au-delà, six autres articles ont été retoqués dont l’article 1er qui étendait les pouvoirs des polices municipales ou l’article 38 habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances. L’expérimentation de cinq ans portant sur l’élargissement des compétences des polices municipales et les gardes champêtres, afin d’exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle, est dont supprimée. Conformément à l’article 66 de la Constitution, « la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire », ont estimé les Sages. Les dispositions autorisant l’usage des drones et des caméras embarquées pour les polices municipales (article 47) ont également été retoquées. Motif invoqué : l'absence de garanties suffisantes.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré « prendre acte de la décision » et souhaite proposer au Premier ministre « d’améliorer les dispositions qui connaissent des réserves du Conseil constitutionnel ». La loi « Sécurité globale » a été publiée au Journal officiel du 26 mai.

Renforcement des conventions de coordination

Les dispositions les plus importantes concernant les collectivités ont donc été supprimées. Il demeure le renforcement des conventions de coordination entre les polices municipales et les forces de l’ordre nationales (articles 1 et 6). De plus, le seuil démographique permettant la mutualisation des effectifs de police municipales est supprimé. Le texte facilite aussi la mutualisation entre les communes des policiers municipaux (ou des gardes champêtres) et crée un cadre légal pour doter Paris d'une police municipale en 2026. L’information des maires sera renforcée sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur leur commune, notamment s'agissant des classements sans suite.

Pour rappel, la proposition de loi, présentée par les députés LREM Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, suite à leur rapport « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale », remis au gouvernement en 2018, porte sur les polices municipales, les sociétés de sécurité privées, les outils de surveillance (caméras piétons, vidéoprotection...) et la protection des forces de l’ordre. Députés et sénateurs étaient parvenus, fin mars, à un accord en commission mixte paritaire, puis avaient définitivement adopté le texte mi-avril.

« Le continuum de sécurité n'est pas une réalité juridique »

Parmi les réactions, la commission des lois du Sénat évoque « un durcissement de la position du Conseil constitutionnel et une accentuation des exigences pesant sur les forces de sécurité intérieure et sur la police municipale ». En censurant l’article 1er (expérimentation pour confier des pouvoirs de constatation de délits aux policiers municipaux) car les policiers municipaux ne seraient pas mis à la disposition d’officiers de police judiciaire, le Conseil « accentue les exigences qu’il avait posées antérieurement », estiment les sénateurs. Pour sa part, l’Association nationale des cadres territoriaux de la sécurité (ANCTS) ne juge pas surprenante cette décision et évoque même « une jurisprudence constante et confirmée ». Selon l’ANCTS, l’argumentaire « reprend celui utilisé en 2011 pour censurer la qualification d'agent de police judiciaire, proposée aux directeurs de police municipale dans le cadre de la LOPPSI 2 ». En conséquence, l’association estime que « le continuum de sécurité n'est aujourd'hui qu'un concept politique et en aucun cas une réalité juridique ». Elle préfère ainsi parler de complémentarité. Sévère, elle considère que la décision du Conseil appelle l'exécutif « à cesser de gonfler artificiellement les prérogatives des agents territoriaux dans le seul et unique but de libérer les fonctionnaires et militaires nationaux de certaines tâches ». Et de conclure : « Il faut d'abord savoir "qui fait quoi" avant de s'interroger sur les moyens de le faire, et l'empilement de concertations et rapports de ces dix dernières années n'est pas parvenu à répondre à cette question. Il est peut-être temps de changer de méthode et l'ANCTS reste disponible ».

Philippe Pottiée-Sperry

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