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Malgré la crise, la volonté d’investir du bloc communal reste forte

Philippe Pottiée-Sperry
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Le fonctionnement des collectivités locales a été fortement affecté par la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales.

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Aux dépenses supplémentaires (notamment l’achat de masques et de gel hydroalcoolique), engagées pour répondre aux nombreux besoins (habitants, associations et entreprises), se sont ajoutées des pertes de recettes, le tout estimé à environ 6 Md€ sur trois ans. La crise a généré un effet de ciseaux avec des recettes de fonctionnement ayant plus diminué que les dépenses, constate l’AMF. Avec donc pour effet une baisse de l’autofinancement du bloc communal. Déjà connu, mais juste par des estimations, ce constat est confirmé et étayé par une enquête de l’AMF, réalisée avec la Banque des territoires (1) et présentée le 3 mai. « La perte de recettes tarifaires des communes s’élève à 2 Md€ en 2020 dont la plus grande partie n’est pas du tout compensée par l’Etat, indique Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF et coprésident de sa commission Finances. Cette perte sèche constitue pour les communes l’un des impacts les plus lourds de la crise sanitaire, aboutissant notamment à une baisse de leur autofinancement ». Le maire de Sceaux cite l’exemple de sa ville où la perte de recettes a atteint 1,6 M€ en 2020.

Baisse de 15,6% de l’investissement en 2020

La première année de mandat connaît traditionnellement une baisse de l’investissement par rapport à l’année précédente. « Mais en 2020, cette baisse apparaît inédite en atteignant 15,6%, soit un taux deux fois supérieur à la baisse moyenne d’une première année de mandat », explique Antoine Homé, maire de Wittenheim et co-président de la commission Finances. Et de citer l’exemple de 2008 où elle ne fut que de -6,4%. La baisse de l’investissement en 2020 est proche de celle de 2014 mais cela s’expliquait par le contexte inédit d’être la première année de baisse des dotations de l’Etat. « Pour la relance, le rôle du bloc local est essentiel sachant qu’il porte les deux tiers de l’investissement, insiste Antoine Homé. La volonté d’investir est forte malgré les difficultés rencontrées et le maintien de nouvelles normes sanitaires nécessaires mais coûteuses auxquels s’ajoutent d’autres freins comme la multiplication des appels à projets, qui excluent de nombreuses communes, ou la complexité du circuit de la DSIL ». Ces investissements devraient notamment passer par une augmentation de l’endettement.

Dans le détail, pas moins des trois quarts des communes maintiennent leurs prévisions d’investissement sur 2021, indique l’enquête de l’AMF. 12% de celles de moins de 20 000 habitants prévoient une révision à la baisse. Pour celles de plus de 20 000 habitants, seulement 8% l’envisagent. De leur côté, plus des deux tiers des intercos maintiennent également leurs prévisions d’investissement. Mais les EPCI sont cependant plus nombreux que les communes à prévoir des baisses : 22% anticipent ainsi une réduction de leurs investissements. Seuls 10% envisagent des hausses de leurs investissements par rapport à leurs prévisions.

Augmenter la fiscalité locale

Antoine Homé rappelle la demande faite à l’Etat d’avancer d’un an le versement du FCTVA pour les collectivités le recevant en N+2, afin de constituer un levier de croissance. Le coût est évalué à 1,5 Md€. Résultat : une fin de non-recevoir comme pour la demande d’un pacte financier Etat/collectivités afin de faciliter la relance par les investissements des collectivités. Concernant l’idée entendue de réintroduire les « contrats de Cahors » (plafonnement des dépenses des collectivités), Philippe Laurent s’insurge : « nous n’en voulons pas. Il s’agit d’une méthode nuisible que l’on soit en période de crise ou non. Plafonner les dépenses des collectivités relève vraiment de l’absurdité ! ». D’autant que cette année, les dépenses d’intervention des communes continuent avec le maintien de la crise sanitaire. Elles s’ajoutent aux autres dépenses induites par la réouverture des services. Le secrétaire général de l’AMF pointe également les conséquences de la réforme de la taxe d’habitation (TH). « Une commune sur six ne sera pas compensée de la perte de TH en 2021 car la compensation a été calculée sur 2017, dénonce-t-il. Il est donc totalement faux de dire que cette suppression de la TH est totalement compensée par l’Etat à l’euro près ». Pour assombrir encore le tableau, Antoine Homé évoque les inquiétudes sur le devenir des finances locales et notamment de la taxe foncière.

Risque de retard de certains projets

Dans ce contexte général morose, une part importante de collectivités pensent actionner le levier fiscal, avec notamment une augmentation des taux sur le foncier bâti, même si une large majorité d’entre-elles (64%) souhaitent maintenir le niveau actuel. Malgré le volontarisme des élus, montré dans l’enquête de l’AMF, le manque de visibilité et l’incertitude risquent néanmoins de conduire à retarder la mise en œuvre de certains projets d’investissement. Philippe Laurent cite notamment le cas des nombreux projets de rénovation thermique de bâtiments, en particulier d’écoles, inscrits dans les budgets communaux, mais dont les demandes de subventions sur l’enveloppe DSIL « rénovation énergétique » n’ont toujours pas eu de réponse de la part des préfets. « Il existe un vrai risque que ces opérations ne soient du coup pas engagées », déplore-t-il.

Philippe Pottiée-Sperry

(1) Enquête sur les conséquences de la crise sanitaire sur les finances des communes et intercommunalités, réalisée par l’AMF, en partenariat avec la Banque des Territoires, sur la période du 2 août 2020 au 5 février 2021. 1869 communes et EPCI, représentant près de 20% de la population française, y ont participé.

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Philippe Pottiée-Sperry
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