Le plan de relance de 100 Md€ passe par les territoires

Philippe Pottiée-Sperry
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Face à une chute de 19% du PIB au premier semestre 2020 due à la crise sanitaire du Covid-19, le gouvernement veut mettre les bouchées doubles.

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Le Premier ministre a ainsi présenté le 3 septembre le plan de relance, baptisé France relance, inédit dans son ampleur avec 100 Md€ dont 40 Md€ de subventions européennes, soit près de quatre fois plus que le plan présenté après la crise financière de 2008. Jean Castex qualifie ce plan « d’une ambition et d’une ampleur historiques ». A noter que certaines lignes de crédits ont déjà annoncées dans des mesures et des plans d’urgence présentés avant l’été. Le gouvernement lui assigne de retrouver dès 2022 le niveau de richesse d’avant la crise du Covid-19. Il espère la création de 160 000 emplois dès 2021. Destinés à « construire la France de 2030 », les 100 Md€ seront mobilisés sur deux ans via trois grands axes : la transition écologique, la compétitivité et l’innovation, la cohésion sociale et territoriale.

Coordination avec les collectivités

Jean Castex continue de se définir en « Premier ministre des territoires ». Et d’affirmer : « nous devons réarmer nos territoires, nous devons investir dans nos territoires, nous devons nous appuyer sur nos territoires. C’est l’objet de la relance ». Le gouvernement indique donc que la concertation pour préparer le plan a associé de nombreux acteurs dont « l’ensemble des élus locaux ». De plus, sa mise en œuvre se fera en « coordination étroite » avec les acteurs publics : les collectivités locales et particulièrement les régions, la Caisse des dépôts, Bpifrance et d’autres opérateurs et établissements publics. Il reposera notamment sur des contractualisations avec les collectivités afin d’« accélérer la relance dans tous les territoires ».

Le suivi de France relance sera tout d’abord national via un conseil de suivi présidé par le Premier ministre, un comité de pilotage de la relance (une réunion chaque semaine présidée par le ministre de l’Economie) et un conseil interministériel présidé par le Premier ministre. Mais il sera aussi local via des comités de suivi régionaux pour informer les acteurs locaux de la mise en oeuvre du plan, suivre l’avancement des projets sur les territoires mais aussi identifier et résoudre les points de blocage éventuels. Ces comités incluront notamment les services de l’État, les représentants des collectivités locales et les partenaires sociaux. Un tableau de bord des projets dans les territoires et des indicateurs de suivi sera régulièrement rendu public. Le gouvernement promet aussi des mesures de simplification pour « une mise en œuvre rapide du plan de relance, au plus près des besoins des territoires ». Ces mesures pourront être d’ordre réglementaire ou législatif. Des mesures prises pendant la crise sanitaire pourront être prolongées pour réduire les délais administratifs ou encore faciliter l’accès des entreprises à la commande publique.

Par ailleurs, Jean Castex a promis une présentation au Parlement de l’exécution du plan de relance tous les deux mois. De plus, la déclinaison territoriale de la relance concernera : les dotations directes aux collectivités mises en oeuvre par les préfets de région, les mesures pouvant être contractualisées et les mesures ministérielles déployées au niveau local. La réaction des associations d’élus locaux à cette démarche territoriale du plan de relance a été assez positive, excepté sur la baisse des impôts de production qui suscite beaucoup d’inquiétudes.

« Un pas de géant » pour la transition écologique

France Relance se veut d’abord un plan destiné à servir le climat et la biodiversité. 30 Md€ seront consacrés à la transition écologique, revenant ainsi à doubler les investissements que l’Etat consacre habituellement à l’environnement. « Le plan est un pas de géant pour la transition écologique de la France. Par son ambition, par sa cohérence et par sa solidité, il nous fait basculer dans l’économie de demain, décarbonée et économe en ressources », a estimé Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique.

Dans le détail : 7 Md€ pour développer l'hydrogène vert (objectif d’ici 2030 dont 2 Md€ dès 2021-2022), 6,7 Md€ pour la rénovation énergétique des bâtiments, 4,7 Md€ pour le développement du secteur ferroviaire (notamment pour les petites lignes même si les moyens semblent surtout se concentrer sur le fret ferroviaire), 2,5 Md€ pour la lutte contre l'artificialisation et la transition agricole, 1,2 Md€ pour les transports en commun et l'usage du vélo.... Sur ce dernier point, les financements pourraient être complétés par le programme européen REACT EU et la dotation de soutien à l’investissement local. « Ces moyens viennent compléter le financement des collectivités et pourraient permettre un investissement total dans les territoires proche de 5 Md€ », indique le gouvernement, sans convaincre certains élus qui pointent l’insuffisance des financements. L’Assemblée des communautés de France (AdCF) demain ainsi « de renforcer les mesures de soutien aux transports collectifs urbains et les compensations des autorités organisatrices de mobilité, fragilisées par les baisses de recettes fiscales et tarifaires. Les modalités de compensation intégrées cet été dans la troisième loi de finances rectificative s’avèrent insuffisantes ».

Abondement du fonds « Économie circulaire » de l’Ademe

A noter aussi un volet sur la modernisation des centres de tri, recyclage et valorisation des déchets. Le fonds « Économie circulaire » de l’Ademe sera abondé de 274 M€ supplémentaires entre 2020 et 2022. Il s’agira de soutenir le tri des déchets recyclables (aide aux collectivités pour déployer le tri sélectif sur la voie publique et moderniser les centres de tri), la valorisation des biodéchets ménagers (aide aux collectivités pour déployer la collecte et la valorisation) et la valorisation énergétique des combustibles solides de récupération (CSR) via une aide à l’investissement dans des unités de production d’énergie à partir de CSR.

Booster la rénovation énergétique des bâtiments

Le plan de relance consacre 6,7 Md€ à la rénovation énergétique des logements privés, des locaux de TPE/PME, des bâtiments publics de l’État et des logements sociaux. Vis-à-vis des bâtiments privés , l’objectif est d’amplifier l’efficacité des aides et de simplifier le dispositif jugé beaucoup trop complexe. MaPrimeRénov sera abondée de 2 Md€ supplémentaires (pour deux ans) à compter du 1er janvier 2021 (575 M€ avant) avec des critères beaucoup plus larges. En complément, d'autres mesures seront engagées dans le cadre du plan de relance : renforcement du soutien à la rénovation globale, renforcement du soutien à la rénovation énergétique des logements pour les propriétaires bailleurs, renforcement du soutien à la rénovation énergétique des logements pour les copropriétés, renforcement du volet « logement » financé par l’Anah des plans de soutien aux copropriétés dégradées (PIC) et à la réhabilitation-restructuration de l’habitat en centre-ville…

Par ailleurs, la rénovation des bâtiments publics de l'État (100 millions de m2) doit d’abord concerner les bâtiments d’enseignement supérieur et de recherche. Pour financer ces rénovations, 4 Md€ d'euros seront investis par l’État dont 300 M€ délégués aux régions. Une enveloppe sera dédiée aux projets de rénovation thermique des bâtiments des collectivités locales, via les préfets. De plus, 2 Md€ sont dédiés à la rénovation énergétique des Ehpad et des hôpitaux dans le cadre du Ségur de la santé.

Par ailleurs, le plan vise à la rénovation énergétique et à la réhabilitation lourde des logements sociaux. Des subventions seront octroyées aux organismes HLM, aux collectivités ou aux maîtres d’ouvrage d’insertion (associations, etc.) pour que le parc de logement social atteigne les standards les plus élevés. L’enveloppe envisagée est de 500 M€ pour 2021 et 2022, dont 40 M€ réservés à un appel à projet visant à massifier les solutions industrielles pour un objectif de 10 000 logements rénovés. Le nombre de logements aidés sur le volet « restructuration-réhabilitation lourde » pourrait être de 40 000.

Un fonds de recyclage des friches

Autre mesure prévue : la création d’un fonds de recyclage des friches. L'objectif est de déployer un fonds de 300 M€ pour financer des opérations de recyclage des friches urbaines et industrielles dans le cadre de projets d’aménagement urbain de revitalisation des centres-villes et de relocation des activités. Le fonds « friches » financera le recyclage des friches urbaines et industrielles (acquisition, mise en sécurité, dépollution, démolition), mais aussi des projets pour les anciens sites industriels pollués. L’instruction technique sera assurée par l’Ademe ou par les établissements publics d’aménagement (EPA) et les établissements publics fonciers (EPF) présents sur les territoires pour les autres sites.

Forte baisse des impôts de production

Avec le plan de relance, le gouvernement veut favoriser l’emploi en permettant de se positionner sur des secteurs d’avenir pour recréer de la valeur et les relais de croissance de demain. Au total, 35 Md€ seront mobilisés en faveur de l’emploi et de la lutte contre le chômage. Selon l’Insee, plus de 600 000 emplois ont déjà été détruits au premier semestre. Et l’automne s’annonce ravageur avec de nombreuses fermetures d’entreprises et des licenciements massifs. Dans ce contexte, le plan gouvernemental affiche plusieurs priorités : continuer à aider les PME-TPE et ETI mais aussi soutenir massivement la compétitivité industrielle notamment en relocalisant en France les emplois de filières stratégiques. « La crise a mis en lumière la dépendance de notre économie dans certains secteurs qui sont vitaux pour le pays. France relance va investir massivement pour relocaliser ou localiser ces activités sur le territoire », a affirmé Jean Castex.

Dans le détail, 20 Md€ concernent la baisse des impôts de production (10 Md€ par an dès le 1er janvier 2021). « Une fiscalité punitive pour les entreprises », selon Jean Castex. Les mesures relatives à cette baisse et à la compensation pour les collectivités seront inscrites dans le projet de loi de finances pour 2021. La baisse annuelle de 10 Md€ s’appuie sur la réduction de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) via la suppression de sa part régionale (7,25 Md€), la réduction de moitié des impôts fonciers des établissements industriels pour environ 32 000 entreprises exploitant 86 000 établissements (1,75 Md€ de TFPB [taxe foncière sur les propriétés bâties] et 1,54 Md€ de CFE [cotisation foncière des entreprises]) et l’abaissement du taux de plafonnement de CET (contribution économique territoriale) en fonction de la valeur-ajoutée ramené de 3% à 2%.

11 Md€ mobilisés pour PIA4

Le volet emploi du plan de relance prévoit aussi 11 Md€ pour le quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA) visant à soutenir l’innovation et en particulier l’investissement dans les technologies d’avenir. Le gouvernement indique que le PIA4 comportera « une dimension territoriale affirmée, par la recherche de partenariats renforcés avec les grands acteurs des territoires et par l’enrichissement des innovations par la démonstration territoriale en conditions réelles ».

Par ailleurs, 3 Md€ se destinent à renforcer les fonds propres des TPE/PME et ETI (dont l’abondement par l’Etat des fonds d’investissement mis en place par les régions pour renforcer le capital des PME). Enfin, 1 Md€ vise la relocalisation de la production industrielle. Un fonds de 400 M€ est créé sur 2020-2022 (dont 150 M€ en 2020), pour soutenir des projets d’investissements industriels dans les territoires. Dans le cadre du programme Territoires d’industrie, la démarche est menée conjointement par l’État et les régions, avec une animation assurée aujourd’hui par près de 500 intercommunalités en coopération avec les industriels. L’instruction financière sera réalisée par Bpifrance. 600 M€ sont également prévus pour soutenir l’investissement dans plusieurs secteurs stratégiques : la santé, les intrants critiques pour l’industrie, l’électro¬nique, l’agroalimentaire et les applications industrielles de la 5G.

35 Md€ pour la cohésion sociale et territoriale

Le plan affirme vouloir s’appuyer sur les territoires. 35 Md€ sont consacrés à la cohésion sociale et territoriale avec pour priorité l’emploi et la lutte contre le chômage. Dans le détail : 7,6 Md€ pour le maintien de l'emploi et des compétences, 6 Md€ pour l'investissement dans la santé, 5,2 Md€ pour le soutien aux collectivités (mesures contenues dans la loi de finances rectificative du 30 juillet dernier), 3,2 Md€ d'aides à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans et des personnes handicapées, 1,6 Md€ pour la formation des jeunes, 1,3 Md€ pour l'insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi. Sur ce dernier point, 300 000 parcours d’accompagnement et d’insertion seront ainsi financés. Il s’agit de lutter contre la précarité via trois dispositifs : la garantie jeunes et l’accompagnement intensif des jeunes (400 M€ aux Missions locales), les contrats aidés et l’insertion par l’activité économique (900 M€ pour le parcours emploi compétence (PEC), le contrat initiative emploi (CIE) et le renforcement de l’insertion par l’activité économique), l’accompagnement à la création d’entreprises (49 M€).

Concernant la formation, le plan vise 223 000 jeunes : 100 000 formations qualifiantes via les pactes régionaux d’investissement dans les compétences, 16 000 formations de la santé et du soin pour les infirmiers et les aides-soignants, 15 000 actions d’évaluation et de formations certifiantes aux savoirs numériques via un abondement du compte personnel de formation, 35 000 places pour les 16-18 ans via l’AFPA, 30 000 places supplémentaires de formation dans l’enseignement supérieur, 27 000 places supplémentaires pour les néo-bacheliers afin d’accompagner les réorientations et les élèves en CAP vers le diplôme et une insertion professionnelle.

Soutien aux personnes précaires

Pour favoriser l’inclusion numérique dans les territoires, 250 M€ seront mobilisés en faveur de trois types d’actions : formation de médiateurs numériques, outils simples et sécurisés, lieux d’accueil de proximité en plus grand nombre. A cela s’ajoute 240 M€ pour accélérer le plan France très haut débit, afin de généraliser le déploiement de la fibre optique partout en France d’ici 2025. Enfin, plusieurs mesures concernent spécifiquement le soutien aux personnes précaires (800 M€) : majoration de 100 € de l’allocation de rentrée scolaire (500 M€), tickets de restaurants universitaires à 1 € (100 M€), développement de l’hébergement d'urgence, aide aux associations de lutte contre la pauvreté.

Philippe Pottiée-Sperry

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