Remise des premiers trophées « Stop à l’exclusion énergétique »
La crise du Covid-19 aura de graves conséquences chez de nombreux Français déjà en difficulté. La plus concrète se révèlera dès le début de l’hiver avec une explosion du nombre de précaires (mal chauffés, mal logés, en danger sanitaires), alors qu’ils sont 12 millions en France.
C’est pour accélérer l’action dans les territoires et appeler à une mobilisation d’ampleur autour des solutions qui ont fait leurs preuves, que le collectif STOP à l’exclusion énergétique (60 organisations de la solidarité, des territoires, de l’écologie et de l’économie) affirme qu’il y a une urgence énergétique. Il estime que partout des associations, des collectivités, des entreprises, des associations ou des chercheurs inventent et déploient des solutions pour que chacun puisse habiter dans des bonnes conditions, en bonne santé et sans polluer, en créant des emplois locaux.
Gilles Berhault, fondateur du collectif STOP à l’exclusion énergétique, explique : « Rénovation de l’habitat, économies d’énergie, réduction des émissions de carbone, amélioration de la qualité de l’air intérieur... Ces défis auxquels il est urgent de répondre sont autant d’opportunités sociales, économiques, sanitaires et environnementales que nous devons saisir collectivement. C’est pour y contribuer et fédérer les meilleures initiatives sur tout le territoire que nous avons lancé les Trophées des innovations et solutions contre l’exclusion énergétique et sanitaire ». ZePros Territorial fait partie des partenaires de ces trophées.
Huit lauréats pour six catégories
Pendant trois mois, 90 experts regroupés en huit comités régionaux ont identifié les meilleures solutions mises en place. Dans chaque région, trois candidats ont été sélectionnées pour se présenter devant un jury le 30 septembre, présidé par Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement. Selon elle, grâce notamment à tout le travail fait en amont, de conseil, d’accompagnement ou de repérage, « jamais autant d’argent n’a été mis qu’aujourd’hui dans la rénovation énergétique des logements avec les 6,5 Md€ qui y sont consacrés dans le plan de relance dont 2 Md€ pour les particuliers ».
Les huit lauréats, dont deux coups de cœur du jury, ont reçu leur prix, le 1er octobre, dans le cadre du grand événement de l’innovation de Bpifrance, le BIG. Les trophées se répartissent dans six catégories.
« Identification et accompagnement » : DREAL Grand Est
Dans le Grand Est, la lutte contre la précarité énergétique liée au logement représente un enjeu majeur. Il s’agit de la région la plus touchée avec 24,3% de ménages en situation de vulnérabilité énergétique selon une étude de l’Insee menée avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est en 2019. Afin de répondre à un besoin de connaissance, de mise en réseau et de partage face à ce phénomène, la DREAL, en lien avec l’Ademe et la région Grand Est, a mise en place un outil de connaissance et de partage aux services des territoires : l’Observatoire régional de la précarité énergétique du Grand Est (ORPE) lancé en 2019. Visant à faciliter la mise en œuvre de réponses territoriales adaptées, il comprend trois volets d’actions : analyser les données existantes, connaître les dispositifs de lutte contre la précarité énergétique en place, mettre en réseau les acteurs. En 2019, un travail sur les données a permis de produire des portraits de la précarité énergétique des 149 intercommunalités du Grand Est afin d’améliorer la prise en compte de ce phénomène dans les territoires. En 2020, un travail d’identification et de quantification des dispositifs de lutte contre la précarité énergétique a été engagé afin de disposer d’indicateurs de tendance et d’améliorer la communication sur ces aides.
« Financement » : villes de Montfermeil et de Sceaux
La rénovation énergétique fait partie des politiques locales afin de résorber la précarité énergétique, améliorer la santé, la sécurité et le confort des habitants tout en leur permettant de faire des économies. Ayant identifié certains freins, les villes de Montfermeil (93) et de Sceaux (92) ont élaboré le parcours de rénovation énergétique performante des pavillons (PREPP) qui se base sur la mise en œuvre de plusieurs bouquets de travaux avec l’objectif d'atteindre au minimum l’étiquette énergétique B. C’est avant tout une mobilisation locale qui est mise en œuvre par le maire auprès des ménages avec un interlocuteur privilégié (Alec) qui est présent du montage du dossier jusqu’à la fin des travaux. Les maires sont des tiers de confiance auprès des citoyens et des artisans locaux, en développant une attractivité économique locale grâce aux chantiers engagés. Grâce au financement d’opérateur de proximité (Alec, Soliha…), les ménages sont accompagnés avant, pendant et après les travaux. Les équipes d’artisans sont formés et labellisés. Ils bénéficient d’un accompagnement et d’un support sur le long terme. Le PREPP intègre un volet mutualisation des CEE Travaux afin de garantir un taux de versement maximal pour les ménages ainsi que des relations privilégiées avec toutes les parties prenantes du secteur du bâtiment et des experts de la rénovation énergétique.
« Dispositif territorial » : Métropole européenne de Lille (MEL)
Le dispositif Amelio + constitue un programme d'accompagnement à l'amélioration des logements des habitants aux ressources modestes de la MEL. Il s'ancre dans les actions déployées par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), tout en intégrant un service de médiation énergétique (Slime). En complément, des solutions de réalisation de petits travaux énergétiques sont articulés étroitement pour proposer des réponses immédiates aux habitants. Les opérateurs ont en main un grand nombre de leviers pour engager les diagnostics énergétiques des logements puis formuler des préconisations et agir sur les problèmes relevés.
Les conseillers Amelio+ peuvent appuyer la démarche des particuliers en réalisant une visite à domicile pour réaliser un diagnostic. Ses objectifs : définir les travaux à réaliser, informer des subventions possibles, apporter un accompagnement au choix des entreprises et/ou auto-réhabilitation ou encore conseiller sur la maîtrise des charges.
« Technologies et numérique » : Histologe
Histologe est un service public pour faciliter la détection, le signalement, l’évaluation, l’envoi d’alertes et le suivi des logements pour accélérer la prise en charge du mal logement. Il s’agit d’une « start-up d’Etat », portée par le dispositif Beta.gouv.fr, actuellement expérimentée par la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées. Un numéro de téléphone a également été mis en place pour les personnes peu à l’aise avec le numérique. Histologe est capable de mesurer et d'évaluer le niveau de criticité des dysfonctionnements, sur une mesure établie comme une classe d'étiquette énergie. Il permet d’identifier facilement les actions à mettre en œuvre et d'alerter les professionnels pouvant intervenir rapidement dans les situations les plus critiques. Ce service vise à être dupliqué sur d'autres territoires. L’outil a été construit en échangeant avec d'autres territoires touchés par le mal-logement (métropole de Marseille, Ile de France, Puy de Dôme, Corse). Histologe proposera aux territoires volontaires un service gratuit pour dématérialiser les visites et ainsi éviter les déplacements inutiles. Dans le cadre du déploiement de cette start-up publique, il est prévu la mise en place de capteurs intelligents capables de mesurer la température, le taux d'humidité et la qualité de l'air des logements. Ces capteurs communiqueront en continu les données relevées 24h/24 vers la plateforme sécurisée et permettront des interventions ciblées pour améliorer l'habitat.
« Compétences et formation » : Chaire Hope
Lancée en septembre 2019, la chaire HOPE vise à mobiliser de nouveaux acteurs dans la lutte contre la précarité énergétique dont les étudiants. Elle plaide pour faire confiance à l’intelligence collective plutôt que de s’adresser à un groupe d’experts. L’initiative n’a pas de limite territoriale et se veut dé-multipliable. Travaillant avec plusieurs universités, la chaire HOPE mène trois types d’actions dont la sensibilisation de la population étudiante (proposition de sujets de projets tutorés ou ateliers en partenariat avec des enseignants). Second axe avec l’accompagnement en partenariat avec les associations étudiantes et la création du réseau "HOPE Étudiant" : appui aux étudiants qui veulent se lancer dans une aventure bénévole concrète pour agir contre la précarité énergétique. Enfin, dernier axe sur la valorisation : organisation d'un évènement annuel étudiant pour favoriser les échanges pluridisciplinaires sur la précarité énergétique, mise en visibilité des étudiants auprès du conseil stratégique de la Chaire, création du prix HOPE étudiant et accompagnement des meilleurs projets jusqu’à la réalisation finale…
« Opérateurs directs » : Secours Catholique et réseau Eco-Habitat
Face à une croissance des demandes d’aides pour payer les factures d’énergie, le Secours Catholique Hauts-de-France a engagé dès 2014 une action de repérage et d’accompagnement des précaires énergétiques propriétaires de leur maison. Pour les guider dans leurs projets, le Secours Catholique s’appuie sur le maillage de son réseau de bénévoles (350 équipes locales dans les Hauts-de-France) et de son savoir-faire dans l’accompagnement des situations de précarité. Le réseau Éco-habitat permet à des personnes très modestes, isolées et en précarité énergétique, de réaliser des travaux d’amélioration de leur habitat sur le modèle du développement durable. Avec l’appui de bénévoles, jouant le rôle de tiers de confiance qui accompagnent et sécurisent les familles, cette action organise les échanges opérationnels entre ces personnes et les différents corps de métiers et experts concernés. Chaque situation fait l’objet d’un accompagnement personnalisé et permet ainsi aux personnes de restaurer leur dignité humaine, dans un mieux-vivre et un mieux habiter, tout en favorisant les économies d’énergie. Cet accompagnement est renforcé par des bénévoles et des professionnels. La signature d’un contrat à impact social entre l’Anah, le Secours Catholique national et le réseau Éco Habitat, comme la réalisation d’une étude par l’Institut Godin, prouvent la pertinence du modèle comme la possibilité de l’étendre au niveau national.
Attribution de deux Coups de cœur
Deux Coups de cœur ont également été attribués au Cerema et à Ch’tite Maisons Solidaires.
Cerema : l’amélioration de la qualité de l’air intérieur nécessite de garantir la performance des installations à réception, avec des entretiens respectant les cahiers des charges. L’évolution des produits et des technologies impose des compétences spécifiques de tous les acteurs de la construction. La filière « Génie Climatique » s’est réunie au sein d’un consortium piloté par le Cerema, et composé des Compagnons du Devoir, de TIPEE, de FIMEA, du COSTIC, de l'UMGCCP-FFB, d'Uniclima et du SYNASAV, pour mettre en place une spécialité sur la ventilation et la qualité de l’air.
Ch’tite Maisons Solidaires : développement, dans le cadre du budget participatif de Lille, d’une solution de type TinyHouses. Ces micros-maisons, mobiles, sont économiques et confortable. Elles peuvent être autonomes et offrent eau et électricité. De plus, elles sont très recherchées par un public non démuni, ce qui permet ainsi de réunir à un même niveau de confort des personnes très différentes. En échange du prêt d'un terrain, l’association travaille à sa dépollution et à son aménagement paysager. Elle prépare actuellement la création d’un fonds d'investissement en TinyHouse pour proposer à des personnes aisées de placer leur argent dans un produit financier solidaire et écologique.
P.P.-S.
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