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Accès des services publics en milieu rural : ce que propose la Cour des comptes

Philippe Pottiée-Sperry
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Dans un rapport consacré à "L'accès aux services publics dans les territoires ruraux", rendu public le 20 mars, la Cour des comptes relativise le constat alarmiste souvent entendu sur le sujet, notamment ces derniers mois durant le grand débat.

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Elle estime ainsi qu’« il n’y a pas eu d’abandon généralisé des territoires ruraux par les grands réseaux nationaux de services publics ». Rapportée à la population, leur présence physique y reste dense, dans certains cas davantage même que dans les autres parties du territoire. Pas sûr que tout le monde soit d’accord sur ce diagnostic ! La Cour reconnaît toutefois une évolution différente selon la nature des services publics et les besoins de la population.

« Un maillage territorial dense »

Selon les magistrats financiers, les réseaux de la gendarmerie, de l’éducation nationale et de La Poste conservent « un maillage territorial dense en zone rurale ». Un constat qui ne les empêche pas de plaider pour une réorganisation de ce maillage afin d’en améliorer la qualité. Autre catégorie de réseaux : les services publics ayant déjà basculé vers la dématérialisation des procédures ou devant le faire. Il s’agit notamment du réseau préfectoral pour la délivrance des titres réglementaires, qui se fait désormais en lien avec les mairies ; Pôle emploi ; la DGFIP, etc. Concernant cette dernière, la Cour juge le réseau encore trop dense au regard du potentiel de la dématérialisation comptable. Le diagnostic posé sur les maisons de santé pluridisciplinaires est positif même s’il manque encore en amont d’une analyse préalable des besoins de santé de proximité.

Favoriser l’accès numérique

La Cour des comptes plaide pour favoriser l’accès numérique aux services publics, pouvant être pour « les territoires géographiquement enclavés ou isolés, un instrument d’égalisation des chances ». Un constat qu’elle nuance toutefois à l’heure où l’on ne cesse de dénoncer l’aggravation de la fracture numérique dans l’accès aux services publics, comme vient encore de le faire le Défenseur des droits dans son dernier rapport d’activité. La Cour reconnaît ainsi que les conditions indispensables d’infrastructures numériques suffisantes et de dispositifs d’accompagnement de la population « sont loin d’être remplies ». Et de regretter « une forme d’inégalité dommageable devant le service public ».

Critique de la politique de l’Etat

Concernant l’objectif de l’Etat de garantir l’accès aux services publics dans les territoires ruraux, affiché depuis plus de 30 ans, le jugement est sévère en évoquant « des annonces répétées qui se sont traduites par des mises en œuvre partielles et inégales ». Certains dispositifs se sont révélés inopérants, d’autres n’ont pas trouvé d’application concrète. Et d’indiquer qu’une vingtaine de textes majeurs se sont succédés dans ce domaine, chaque nouvelle initiative dévaluant la précédente et confirmant ses limites. A cela s’ajoute la « difficulté de coordonner les différentes réorganisations des réseaux de services publics et l’insuffisante prise en compte des caractéristiques sociodémographiques et géographiques très diverses des territoires ruraux ». La Cour propose donc de fixer des objectifs d’accessibilité, intégrant une approche qualitative et tenant compte de la diversité des territoires concernés. Cela permettrait, selon elle, « de vérifier régulièrement la mise en œuvre de la politique d’accessibilité sur la base d’indicateurs concertés ». Autre critique formulée : les réformes de l’organisation territoriale et les nouvelles répartitions de compétences ont abouti à une très grande complexité et à des chevauchements des responsabilités en matière de présence locale des services publics. Au total, l’effort de rationalisation des compétences reste inachevé et la politique d’accès aux services publics dans les territoires ruraux s’effectue dans un paysage institutionnel compliqué. Face à « l’incapacité de l’État à mener une politique pluriannuelle concertée d’implantation de ses réseaux territoriaux », la Cour des comptes considère que la future agence nationale de cohésion des territoires pourrait jouer ici un rôle important.

Une bonne note aux SDAASP

La Cour juge positivement les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP) et les maisons de services au public (MSAP). Dans un souci de cohérence, les SDAASP, co-signés par le préfet et le président du conseil départemental, nécessitent d’intégrer l’organisation future des services de l’État et de ses opérateurs dans le département. « Seule une concertation interministérielle en amont peut remédier à cette situation préjudiciable à la crédibilité de l’État », estime le rapport.Dans ses recommandations, la Cour suggère de rationaliser les différents schémas en privilégiant l’échelon du département et du SDAASP. Elle recommande leur meilleure articulation avec les autres outils de planification existants, régionaux et infra-départementaux, notamment les contrats de ruralité, avec « un fléchage prioritaire des financements de l’État relatifs à l’accès aux services publics ». Elle propose aussi de décliner les SDAASP dans des conventions liant l’État, les départements et les EPCI, et engageant les administrations de l’État et les collectivités parties prenantes. D’un point de vue opérationnel, la Cour des comptes recommande de faire des intercommunalités l’échelon d’exécution des SDAASP. Il leur serait également confié la gestion des MSAP qui deviendrait même une compétence obligatoire des communautés de communes.

Les MSAP, un modèle à conforter

Avec la rétractation des réseaux et la fermeture des guichets due à la dématérialisation, les MSAP accompagnent les usagers pour l’accès à distance de plusieurs opérateurs nationaux (La Poste, Pôle Emploi, Cnaf, Cnam, Cnav, MSA, GRDF...). Si leur nombre semble suffisant (1300), en revanche leur offre de services demeure trop hétérogène et mal connue. Les MSAP doivent donc accroître leur niveau d’activité, leur qualité de service et leur notoriété. Elles doivent aussi se donner les moyens de constituer un véritable réseau dont la taille doit résulter d’une approche locale partant des besoins identifiés dans les SDAASP et non d’objectifs quantitatifs nationaux. En particulier, le développement récent des MSAP de La Poste, en fonction d’objectifs fixés par l’État, n’a permis ni une harmonisation suffisante des services rendus, ni de leur insertion dans de véritables réseaux départementaux. La nécessaire professionnalisation des MSAP pourrait passer par la création d’un métier d’agent polyvalent d’accompagnement du public. La Cour préconise de mettre en place une coordination départementale des MSAP, sous la double autorité des préfets de département et des présidents de conseils départementaux.
Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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