« Réduire de 40 % les mégots au sol, c’est atteignable si on simplifie la vie des collectivités »
3 questions A :
Jonathan Decoittignies, directeur des opérations d’Alcome
Vous visez une baisse 40 % de mégots au sol sur l’espace public. Comment comptez-vous y parvenir ?
Cet objectif n’a de sens que s’il est porté par les collectivités. Aujourd’hui, nous couvrons déjà près de 45 % de la population française et environ 90 % des zones urbaines denses. C’est une bonne base, mais encore insuffisante. Nous avons constaté que les petites communes hésitaient à s’engager par crainte de lourdeurs administratives et parce qu’elles ne se sentent pas toujours concernées par la question des mégots. Pour lever ces freins, nous avons ouvert le contrat aux EPCI à compétence collecte de déchets. Ces intercommunalités ont l’habitude de travailler avec les éco-organismes, de fédérer les communes et de mener des actions à l’échelle d’un bassin de vie. Depuis l’aval de l’État, fin octobre, elles peuvent donc contractualiser directement avec Alcome. Cela nous permet de massifier les actions, de toucher à la fois les lieux de vie, de consommation et de travail des fumeurs, et de rendre le message cohérent sur tout un territoire.
Concrètement, quels outils mettez-vous à disposition des collectivités pour faire reculer les mégots au sol ?
Nous agissons sur trois grands leviers : le financement, les équipements et la sensibilisation. D’abord, nous accordons des soutiens financiers pour que les collectivités déploient leurs propres plans d’action : campagnes de prévention, opérations de nettoyage renforcé, médiation, événements… Ensuite, nous fournissons des dispositifs de rue : cendriers fixés sur ou à proximité des corbeilles, éteignoirs pour écraser les cigarettes, etc. Plus de 22 000 dispositifs ont déjà été installés avec notre aide. L’idée est simple : si l’on veut que le bon geste soit possible, il faut que l’équipement soit visible et accessible. Nous distribuons aussi massivement des cendriers de poche. Ce sont de petites boîtes métalliques que les fumeurs gardent sur eux, dans la voiture ou dans le sac. Plus de 4 millions d’unités ont été distribuées via les communes, les buralistes et nos associations partenaires, lors d’événements. C’est un formidable outil de prévention : une fois équipé, le fumeur change progressivement de comportement. Enfin, nous multiplions les actions de sensibilisation : campagnes nationales « Un mégot, c’est du plastique », messages sur le risque incendie, interventions sur des hotspots très pollués. Dans plusieurs villes, comme Rouen, Lacanau ou Sète, des programmes pilotes ont montré des baisses de 40 à 90 % des mégots au sol après médiation ou installation de cendriers bien identifiés. Nous travaillons à rendre ces dispositifs reproductibles partout en France, en les adaptant au profil et à la typologie de chaque territoire.
Comment embarquer les communes rurales et, plus largement, quel est le sens de cette démarche pour Alcome et pour les territoires ?
Les communes rurales ne sont pas réfractaires, mais souvent elles ne voient pas le problème… jusqu’au moment où l’agent communal qui balaie la voirie dit : « Si, si, à tel endroit, il y en a plein ! ». L’autre frein, c’est la peur de la paperasse. Nous avons donc allégé au maximum les obligations : pour une petite commune, il suffit désormais de mener au moins une action de sensibilisation par an – un article dans le bulletin municipal, une distribution de cendriers de poche, un affichage, une campagne sur les réseaux sociaux…Tout cela est gratuit pour les collectivités. Alcome fonctionne sur le principe du pollueur-payeur : une éco-contribution est prélevée sur chaque filtre mis sur le marché, qu’il s’agisse de cigarettes manufacturées ou de filtres pour tabac à rouler. Cette écocontribution est reversée aux collectivités pour financer ensuite les soutiens, les équipements de rue, les cendriers de poche et les outils pédagogiques que nous mettons à disposition.
Au fond, notre objectif est double : encourager les bons gestes pour réduire l’impact environnemental du mégot sur les sols, les eaux, et le risque incendie et améliorer le cadre de vie. Une ville plus propre, où chacun prend l’habitude de jeter son mégot au bon endroit, c’est une ville où l’on vit mieux ensemble. C’est cette logique de « vivre-ensemble par les petits gestes » que nous voulons installer durablement avec les collectivités.