Au 107e Congrès des maires : liberté comme seul mot d'ordre
À l’ouverture du 107e Congrès des maires, les élus locaux ont dressé le bilan d’un mandat sous crises successives et dénoncé l’étau financier et technocratique que ferait peser l’État sur les communes. Entre attentes accrues, promesses de décentralisation et colère contenue, l’AMF affiche sa détermination à défendre la liberté locale.
Porte de Versailles, mardi 18 novembre 2025. Dans une salle comble où se pressent les écharpes tricolores, l’ouverture du 107e Congrès des maires n’avait rien d’un cérémonial routinier. C’était un moment d’attente, presque de tension retenue, où deux voix ont résonné à l’unisson : David Lisnard, président de l'AMF et André Laignel, premier vice-président délégué de l'association. Deux tempéraments, deux sensibilités, mais un même refrain, martelé comme un slogan de ralliement : « Pour les communes, liberté ! ». Le mot d’ordre de l’édition 2025 ne relève pas du marketing, mais bien d’un cri. Celui d’élus convaincus que, depuis dix ans, l’étau se resserre sur les communes. « La crise du pouvoir national », dit Lisnard. « La décentralisation mirage », réplique Laignel. Derrière l’ironie, un constat lourd : la promesse républicaine qui voudrait que l’État fasse confiance aux maires semble usée, voire éventée.
Les maires réclament de l’air
Car au-delà des formules, la séquence d’ouverture a rappelé la charge prise de plein fouet par les municipalités depuis 2020. Une crise sanitaire, une crise énergétique, des émeutes, l’inflation, une explosion des besoins sociaux… « Les maires ont été les urgentistes de la République », glisse André Laignel, dans un applaudissement nourri. Et malgré ce rôle de rempart, les maires se disent toujours freinés : voracité normative, valse des ministres, programmes contradictoires, promesses de décentralisation jamais tenues.
Muriel Fabre, secrétaire générale de l’AMF, en a déroulé la liste avec méthode : sécurité, petite enfance, sport, eau, école, handicap, ZAN, fiscalité, logement… Autant de dossiers où l’AMF se targue d’avoir obtenu des avancées concrètes. Et pourtant, « si seulement on nous avait écoutés plus tôt », lâche Lisnard, mi-exaspéré, mi-fataliste. La salle acquiesce. Car derrière les successions de chantiers, une ligne rouge apparaît : l’autonomie d’action se réduit plus vite que les victoires ne s’accumulent.
Le Dilico, symbole d’un “hold-up en bande organisée”
Puis vient le moment où le ton se durcit. La colère ne s’exprime plus en sous-texte mais en chiffres : le Dilico, dispositif de lissage fiscal imposé aux collectivités. Un système que l’AMF compare à un emprunt… dont il faudrait payer les intérêts, sans certitude d’être remboursé. « À moins que nous ne cessions tout investissement », avertit André Laignel. Il ose même une formule lourde : « un hold-up en bande organisée ». Dans la salle, la formule fait mouche. David Lisnard, lui, s’engage à ne pas se laisser amadouer par d’éventuelles concessions que pourrait annoncer le Premier ministre en clôture du Congrès : « Si on me vole 20 euros et qu’on m’en rend 12, suis-je censé dire merci ? ».
Une décentralisation promise… ou une diversion ?
Le gouvernement promet une réforme de la décentralisation. Un nouveau texte, un nouveau départ, une “autonomie renforcée”. Mais l’AMF prévient déjà : pas de décentralisation digne sans quatre principes sacrés :
• libre administration garantie par loi organique ;
• subsidiarité ascendante ;
• autonomie fiscale ;
• pouvoir réglementaire local.
« La décentralisation n’est pas une réforme administrative, c’est reconnaître que tout ce qui peut être fait au niveau de la commune le soit », martèle André Laignel. Et l’assemblée, qui compte autant de maires de villages que de grandes villes, semble massivement acquiescer.
Reste que « l’intention ne fait pas l’action ». Alors, promesse ou diversion ? « Revenez jeudi (lors de la clôture du Congrès par le Premier ministre, Sébastien Lecornu) vous verrez : on nous caresse l’échine d’une main, on nous fait les poches de l’autre » se désole David Lisnard.
Et si Matignon restait sourd ? Le bureau de l’AMF, prévient-on, pourrait appeler à des actions nationales : résolutions dans les conseils municipaux, mobilisation départementale, voire manifestations de maires. « On ne se contentera pas d’une belle résolution finale. »
Le ton du 107e Congrès, dernier du mandat est donné devant une salle qui attend l’heure où les communes auront enfin la liberté qu’elles jugent méritée.