Malgré l’usure, les maires repartent au combat
Alors que s’ouvre la dernière ligne droite avant les municipales de 2026, une nouvelle enquête AMF–CEVIPOF révèle un paradoxe frappant : malgré un mandat chahuté par la crise sanitaire, l’inflation, la guerre en Ukraine et une instabilité politique inédite, près de six maires sur dix envisagent de se représenter. Fatigués, parfois désabusés, mais encore animés par le sens du service public, ils abordent ce rendez-vous électoral avec une détermination teintée de prudence.
De l’élection sous Covid en mars 2020 aux secousses inflationnistes de 2022, les maires ont traversé un quinquennat éprouvant. « Beaucoup d’entre eux sortent de ce mandat fatigués, parfois blessés, mais pas résignés », expliquent les auteurs de l’enquête, Martial Foucault et Pierre-Henri Bono. Près de 58 % des élus interrogés déclarent vouloir repartir, un chiffre nettement plus élevé qu’en 2019. Les plus jeunes maires se montrent les plus motivés : 73 % des moins de 35 ans souhaitent rempiler, contre 30 % seulement des plus de 75 ans
La logique de projet reste la première motivation des candidats : 79 % veulent poursuivre des actions engagées et 78 % disent agir « pour l’intérêt général ». À l'inverse, pour ceux qui renoncent, le motif est d’ordre privé : 79 % souhaitent retrouver du temps pour eux-mêmes et leur famille.
Malgré les crises, la situation financière des communes est jugée globalement solide : près de 9 maires sur 10 estiment leurs finances « saines », un niveau en nette amélioration depuis 2022. « Les élus ont le sentiment d’avoir tenu la barre dans la tempête », résume un des auteurs.
Des campagnes sous tension : scrutin modifié et montée des violences
La campagne de 2026 s’annonce particulière. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, la fin du panachage et l’obligation des listes paritaires divisent profondément les élus : 52 % jugent la réforme “mauvaise”, avec des réticences très fortes dans les villages de moins de 500 habitants. « Composer une liste équilibrée est devenu un casse-tête », déplore un maire rural.
Les thèmes de campagne confirment les inquiétudes montantes : l’accès aux soins arrive de loin en tête des préoccupations, suivi de l’urbanisme et de la voirie. Les élus constatent que les citoyens attendent désormais des réponses « à hauteur de trottoir » — propres, tangibles, immédiates.
Mais un autre sujet assombrit l'horizon : la violence contre les élus. Depuis 2020, les incivilités ont explosé. 65 % des maires ont déjà été victimes d’agressivité, 36 % d’injures, 28 % d’attaques sur les réseaux sociaux, et 8 % déclarent avoir subi une agression physique. « La montée de la violence est devenue notre quotidien », confie un maire, quand un autre ajoute : « On finit par se demander jusqu’où cela peut aller ».
Au final, l’enquête dessine le portrait d’élus éprouvés mais pas abattus, conscients que les municipales seront un test de crédibilité, d’efficacité… et de résilience. « Le sens du mandat continue d’emporter la fatigue », concluent les chercheurs. À cinq mois du scrutin, le premier échelon démocratique du pays reste debout — cabossé, mais déterminé.