L’appel des collectivités locales à un modèle durable de gestion de l’eau

Danièle Licata
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. Christophe Dingreville, Président de l’Union des Industries et entreprises de l’Eau

L’urgence climatique et les besoins croissants en ressources hydriques poussent les collectivités locales à repenser leurs infrastructures et stratégies. Christophe Dingreville, Président de l’Union des Industries et entreprises de l’Eau plaide pour un « Fonds bleu » qui garantirait les investissements nécessaires pour faire face aux défis climatiques et anticiper les besoins futurs. Il demande par ailleurs la mise en place d’états généraux de l’eau pour coordonner les efforts et anticiper les crises futures. 
Rencontre.
 

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Zepros territoiral : Quelle est la situation actuelle de la gestion de l’eau en France ?

Christophe Dingreville : La situation des infrastructures d’eau en France est préoccupante. Le taux de perte moyen dans les canalisations atteint 20 %, soit un cinquième de l’eau traitée qui est perdue avant même d’atteindre les utilisateurs. Cette perte représente un gaspillage considérable des ressources déjà limitées et un frein à la durabilité. Les investissements actuels ne suffisent pas à entretenir ce patrimoine vieillissant, qui nécessite des rénovations urgentes. Une étude indépendante de 2022 a chiffré le déficit annuel des infrastructures à 4,6 milliards d’euros, soulignant la nécessité d’un engagement financier et stratégique accru.

Quelles solutions sont préconisées par les professionnels de l’eau ?

Les acteurs de l’eau appellent à des états généraux de l’eau, une réunion inclusive rassemblant élus, professionnels, syndicats et associations citoyennes. L’objectif est de définir un nouveau modèle économique qui permette d’entretenir et moderniser les infrastructures, tout en préparant de nouvelles installations adaptées aux futures sécheresses et inondations. Il s’agit également d’établir des priorités régionales pour s’assurer que chaque territoire, des grandes villes aux petites communes rurales, bénéficie des solutions appropriées en matière de gestion de l’eau. L’idée d’un « fonds bleu », similaire au fonds vert, est avancée par tous les acteurs pour garantir des investissements suffisants et pérennes.

Qu’en est-il du plan actuel du gouvernement ?

Le Plan Eau du gouvernement prévoit 475 millions d’euros, loin des 4,6 milliards annuels nécessaires pour moderniser et entretenir les infrastructures existantes. Les experts estiment que ces fonds, bien qu’utiles, sont largement insuffisants pour pallier les déficiences actuelles. Cette situation crée une pression supplémentaire sur les collectivités locales qui peinent à financer des projets cruciaux. En comparaison, l’Espagne, confrontée aux mêmes défis climatiques, a adopté un plan de 12 milliards d’euros sur cinq ans, illustrant une vision ambitieuse et proactive. Les collectivités et les acteurs du secteur appellent donc à une politique plus audacieuse et à un financement à la hauteur des enjeux pour sécuriser l’approvisionnement en eau.

Quels obstacles limitent l’avancée des projets ?

La complexité administrative et le coût élevé des projets freinent la mise en place de solutions innovantes telles que la réutilisation des eaux usées. Les démarches pour obtenir les autorisations nécessaires sont souvent longues et coûteuses, décourageant ainsi les initiatives locales. Bien que des réglementations existent pour encourager l’utilisation de l’eau de pluie, elles restent marginales et peu mises en pratique en France, contrairement à des pays comme la Belgique, où l’intégration de dispositifs de collecte est obligatoire pour obtenir un permis de construire. Cette disparité réglementaire souligne l’urgence de simplifier les procédures et de favoriser une approche plus flexible et incitative.

Quelles initiatives pourraient inspirer la France ?

Des modèles exemplaires existent à l’échelle internationale. Singapour et Israël, par exemple, sont à la pointe de la réutilisation des eaux usées grâce à des technologies avancées qui permettent de produire de l’eau potable à partir des eaux traitées. Ces pays ont su surmonter leurs contraintes géographiques en investissant massivement dans la recherche et le développement. Des solutions comme la recharge artificielle des nappes phréatiques, où l’eau de surface est réinjectée dans les nappes pour en augmenter le niveau, pourraient être adaptées au contexte français. De même, la construction de stations de dessalement, bien que coûteuse, est de plus en plus envisageable avec l’amélioration des technologies et la réduction de leur impact environnemental.
 

Danièle Licata
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