Eau et assainissement : un modèle de financement à bout de souffle

Danièle Licata
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Face à la sobriété hydrique et le renforcement de la réglementation, le modèle de financement est à bout de souffle

C’est un cri d’alerte que lancent Intercommunalités de France, la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) et la FP2E (Fédération Professionnelle des Entreprises de l’Eau). Car pour les acteurs du secteur, l’équation financière des services d’eau et d’assainissement est impossible à résoudre.

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En effet, face à la sobriété hydrique et le renforcement de la réglementation, le modèle de financement semble à bout de souffle pour engager le mur d’investissements nécessaires pour garantir la soutenabilité économique des services, tout en conciliant efficacité environnementale, équilibre économique et équité sociale.

Pourtant ce défi, les collectivités et les entreprises peuvent le relever, même si près de 9 sur 10 considèrent qu’il sera plus difficile de financer le service dans les 5 ans à venir, à condition de changer de modèle économique. Intercommunalités de France, la FNCCR et la FP2E viennent de publier 25 propositions concrètes, appuyées sur les témoignages des élus et les retours d’expérience des collectivités. Explications.

Alors que la ressource en eau est désormais sous tension, les élus sont inquiets. « Avec un retard d’investissements de 15 milliards d’euros par an à rattraper sur cinq ans, liés à la modernisation des réseaux et des infrastructures, la France doit accélérer pour adapter ses services d’eau au changement climatique. Et l’évolution de la réglementation relative à la qualité de l’eau potable et au traitement des eaux usées pourrait faire doubler les investissements nécessaires » alertent Intercommunalités de France.

Un modèle de financement caduc

Or, le mode de financement des services n’est plus adapté à cette nouvelle donne. En effet, si les services d’eau et d’assainissement reposent sur une économie de coûts fixes qui sont de l’ordre de 80 à 90 %, à l’inverse, les recettes des services sont assises, à plus de 80 %, sur des éléments variables : les volumes d’eau consommés. Or, l’objectif de sobriété en eau porté par le « Plan Eau » du Président de la République, a entrainé une forte baisse des volumes consommés depuis 2022 et donc des moindres recettes pour les collectivités et les entreprises. En 2023, la consommation nationale a diminué de 3 à 4 %, atteignant jusqu’à 10 % dans certains territoires.

Quid du mode de financement

Interrogées par Intercommunalités de France, près de 9 sur 10 considèrent qu’il sera plus difficile de financer le service dans les 5 ans à venir. Plus d’investissements, des charges fixes structurellement élevées et moins de ressources financières, c’est l’équation impossible que doivent désormais résoudre les services d’eau et d’assainissement.
« Si l’on veut relever le défi de la sobriété hydrique, le statu quo n’est plus possible. Changer le modèle de financement suppose d’organiser le dialogue local pour que les efforts soient partagés, mieux communiquer auprès des usagers sur la valeur ajoutée de leurs services publics, et surtout renforcer les moyens d’agir des élus et leur faire confiance pour mettre en œuvre des solutions adaptées, équitables et responsables. Des leviers existent : part fixe, forfaits différenciés, tarification saisonnière, performance en matière d’économies d’eau, lutte contre les impayés…» préconise Régis Banquet, vice-président d’Intercommunalités de France en charge de l’eau.

25 propositions pour réussir à résoudre l’équation budgétaire, environnementale et sociale

Appuyées sur des retours d’expériences des collectivités et des auditions d’experts et d’associations de consommateurs, les 25 propositions visent notamment « à donner aux collectivités et aux usagers le moyen de connaître les prélèvements et consommations d’eau de leur territoire pour pouvoir agir de manière adaptée (propositions 1 à 4) ».

Elles incitent à partager les bonnes pratiques en matière de tarification pour élargir la boîte à outils des collectivités : harmoniser le plafond de l’abonnement à 40 % minimum, voire expérimenter des plafonds plus élevés ; encourager la tarification saisonnière en période de tension sur la ressource ou sur les équipements ; étudier la mise en place de forfaits différenciés (résidences secondaires ou de tourisme, gros consommateurs industriels, forages privés…) pour des efforts mieux partagés ; enfin veiller à ce que les foyers modestes soient mieux accompagnés (propositions 6 à 15).

Elles recommandent de renforcer le rôle de la collectivité pour accompagner la performance en matière de sobriété (propositions 16 à 18).

Du côté des services de l’État, le soutien financier doit être orienté vers les collectivités qui s’engagent en matière de sobriété et d’investissements dans leurs services d’eau et d’assainissement (propositions 19 à 22).

Enfin, pour faire de l’usager un acteur de la gestion sobre de l’eau, il est important de communiquer sur le coût de ce service public essentiel, et que la facture mentionne un montant moyen plutôt qu’un coût unitaire, la transparence et la qualité du dialogue entre usagers permettant de viser une meilleure équité dans le partage de la ressource (propositions 23 à 25).
 

Danièle Licata
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