Hausse du point d’indice : des réactions mitigées
Les associations d’élus locaux ont salué la revalorisation des salaires des agents mais s’inquiètent de l’impact financier important pour des budgets locaux déjà contraints. Pour leur part, les organisations syndicales estiment qu’il ne s’agit que d’un « premier pas ». Certaines comme la CGT demandaient une hausse beaucoup plus élevée de l’ordre de 10%.
La hausse du point d’indice de la fonction publique s’élève finalement à 3,5%, a annoncé Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la fonction publique, lors de la conférence salariale qui s’est tenue le 28 juin. Le coût de la mesure revient en année pleine à 7,5 Md€ dont 2,3 Md€ pour les collectivités. Tout en saluant la mesure, celles-ci n’ont pas manqué de s’inquiéter de ses conséquences sur leurs finances, d’autant plus dans le contexte actuel.
« Une mesure nécessaire » pour les employeurs territoriaux
« Une mesure nécessaire pour soutenir le pouvoir d’achat des agents publics », selon France urbaine, « juste et nécessaire eu égard à la poussée de l’inflation, et aux efforts consentis par les fonctionnaires territoriaux pendant la crise sanitaire », estime l’APVF (Association des petites villes de France) pour qui « cette mesure ne peut être contestée ». « Une décision juste » également pour Intercommunalités de France – AdCF alors que Départements de France (ADF) constate qu’elle « permet de soutenir le pouvoir d’achat des agents et contribue à l’attractivité de leurs métiers ».
France Urbaine souligne d’autant plus sa nécessité « après une période de gel prolongé du point d’indice qui a entraîné un décrochage et un tassement des rémunérations ces dernières années ». Et de rappeler qu’elle avait proposé des mesures de dégel à court terme dans son adresse aux candidats à la présidentielle, publiée le 8 mars dernier.
Dans le même esprit, Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la FPT (CSFPT), maire de Sceaux (92) et vice-président de l'AMF, assure que « les employeurs territoriaux sont favorables à la revalorisation des salaires des agents ». Mais tout en soulignant que « le dégel du point d’indice ne peut pas être déconnecté de la question des finances locales ».
Demande de ressources propres pour les collectivités
Face à une évolution « préoccupante » entre les charges et les ressources des collectivités, France urbaine juge les mesures salariales annoncées « indissociables de la nécessité d’une approche globale des relations avec l’Etat, fondée sur la confiance et le dialogue ». L’association plaide pour garantir aux collectivités « des ressources propres pour assumer pleinement leurs responsabilités ».
Pour sa part, l’APVF interpelle sur « la question des recettes des collectivités dans un contexte où les dépenses contraintes (coût de l’énergie, revalorisation des salaires…) vont connaître une très forte augmentation ». Les petites villes demandent donc au gouvernement de convoquer très rapidement une réunion des associations d’élus pour faire le point sur tous les sujets concernant les finances locales. Objectif : « donner de la visibilité aux élus locaux, qui demeurent les acteurs principaux du soutien à l’investissement public, dans un contexte où la croissance économique patine ».
Une demande partagée par Intercommunalités de France qui appelle à l’ouverture d’une « discussion urgente sur les ressources des collectivités ». Son président, Sébastien Martin, pointe le risque, si rien n’est fait, d’un impact fort sur « la capacité à investir et le développement économique local ».
Un coût de 230 M€ pour les départements
France urbaine chiffre à 420 M€ le coût de la hausse du point d’indice pour ses membres (grandes villes, agglomérations et métropoles). Pour sa part, l’ADF l’estime à 230 M€ en année pleine (115 M€ sur 2022) pour les départements. Sur ce sujet, elle critique l’absence de concertation de l’Etat, en citant notamment le précédent du RSA.
« Nous souhaitons que le gouvernement passe d’une logique d’information à une démarche de co-construction, insiste François Sauvadet, le président de l’ADF. La politique du fait accompli ayant atteint ses limites, nous lui demandons plus de confiance au gouvernement ». Devant rencontrer très prochainement la Première ministre, il l'appelle à « un changement de méthode de travail ».
Stanislas Guerini se veut rassurant
Au lendemain de l’annonce de la hausse du point d’indice, Stanislas Guerini s’est voulu rassurant, le 29 juin sur LCI, en affirmant que les collectivités disposeraient des « moyens » budgétaires pour « faire face » à cet impact financier de 2,3 Md€. « Avec mon collègue Christophe Bechu [ministre délégué chargé des collectivités], nous avons réuni les employeurs territoriaux la semaine dernière pour aborder ces questions », a-t-il indiqué. Et de promettre d’être au rendez-vous pour donner les moyens aux collectivités.
« L’engagement que nous prenons, c’est de leur donner cette visibilité dans les discussions budgétaires qu’on aura à l’automne, et je crois une visibilité pluriannuelle, une capacité à se projeter dans le quinquennat », a affirmé le ministre toujours sur LCI.
Améliorer l’attractivité de la FPT
Par ailleurs, l’APVF estime que la revalorisation du point d’indice « ne règlera pas la question de l’attractivité des métiers ». Au-delà des mesures salariales, France urbaine défend « une politique globale et ambitieuse en matière d’attractivité de la FPT, qui constitue aujourd’hui un défi majeur pour le service public ». Les élus urbains appellent notamment à rénover le système de rémunérations et de carrières, se disant prêts à travailler sur le sujet avec le gouvernement : « il s’agit, de manière collective et concertée, de converger vers un système qui soit davantage au rendez-vous des enjeux d’attractivité, d’égalité professionnelle, de reconnaissance et de progression de carrière des agents territoriaux ».
Un premier pas « insuffisant » pour la CGT
Parmi les réactions des organisation syndicales à la hausse de la valeur du point d’indice et aux autres mesures d’urgence (début de carrière de la catégorie B, accès élargi au forfait mobilité durable…), la CFDT a parlé d’« un premier pas non négligeable ». En rappelant l’engagement du ministre de faire un bilan actualisé. Pour sa part, la CGT juge ce premier pas « insuffisant au regard des pertes cumulées avec le gel du point depuis plus de vingt ans ». Force ouvrière Fonction publique l’estime également « insuffisant » et « largement en deçà des attentes et des besoins ». Elle regrette en outre les mesures complémentaires « qui concernent principalement la fonction publique de l’Etat et continuent de créer des inégalités entre les trois versants ».
La CGT considère les annonces du 28 juin comme « un encouragement à poursuivre l’effort revendicatif, en vue notamment de la tenue de prochaines réunions salariales sur lesquelles le ministre s'est engagé ». Au-delà, la centrale maintient sa revendication d’une augmentation d'au moins 10% de la valeur du point, avec effet rétroactif au 1er janvier et indexation sur l'inflation.
Sévère, la Fédération autonome-FPT (FA-FPT) considère qu’avec « cette mesurette, le compte n'y est pas ». Et d’ajouter : « C'est simplement du saupoudrage loin des attentes des agents de la fonction publique territoriale ».
Demande d’un nouveau rendez-vous salarial
Pour sa part, l’UNSA Fonction publique juge le dégel du point d’indice « insuffisant et comme une première étape ». Tout en reconnaissant l'importance de l’enveloppe de 7,5 Md€ mise sur la table pour les trois versants, elle estime qu’elle « ne compense ni le niveau actuel de l’inflation sur un an, ni le décrochage induit par le gel du point d’indice depuis 2010 ». Elle salue tout de même le rééchelonnement des premiers indices et l’accélération des débuts de carrières « indispensable » depuis la dernière hausse du SMIC. Satisfaction également des mesures d’urgence mais qui « restent insuffisantes », selon le syndicat qui appelle ainsi à un prochain rendez-vous salarial, avant la fin de l’année, compte tenu de l’évolution de l’inflation.
Par ailleurs, la CFDT salue la confirmation de l'ouverture à la rentrée de chantiers « structurels et indispensables » notamment sur l'attractivité de la fonction publique, les rémunérations et les parcours professionnels des agents publics.