
Pour être efficace, la lutte contre la pauvreté doit conjuguer redistribution, accès réel aux droits et action territorialisée

Alors que le Secours populaire alerte sur la montée de la précarité en France à l’occasion de la publication du son baromètre annuel sur la pauvreté et la précarité, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), la Caisse nationale des Allocations familiales (Cnaf) et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) réunis le 8 septembre, ont confronté données et terrains autour des « nouvelles formes de pauvreté ». Au cœur des échanges : la montée de la pauvreté des enfants, le non-recours aux droits et les limites d’une redistribution qui amortit sans résorber.
Appuyée sur le dossier Informations sociales n° 213 « Nouvelles formes de pauvreté et redistribution » (Cnaf), coordonné par Muriel Pucci (CNLE) et Pierre Madec (OFCE), la conférence dresse un constat net : en 2023, 15,4 % des habitants de la métropole vivent sous le seuil de pauvreté, soit 9,8 millions de personnes, auxquelles s’ajoutent environ 1 million dans les DROM ou les logements non ordianire. La pauvreté des enfants progresse et atteint 21,9 %, quand celle des retraités remonte à 11,1 %. Un salarié sur cinq perçoit moins d’un Smic annuel à temps plein et s’expose à un risque de pauvreté d’environ 20 %.
Au-delà du revenu, les intervenants ont insisté sur les dimensions cumulatives : logement, transports, santé, accès effectif aux droits. Autant de facteurs qui, combinés, entretiennent des trajectoires durables de précarité et compliquent la sortie de la pauvreté.
Redistribution : un filet de sécurité qui ne suffit plus
« Les Caf sont particulièrement investies », rappelle Nicolas Grivel, directeur général de la Cnaf : aides ciblées, accompagnement dans les moments de rupture (séparation, deuil, perte d’emploi) et lutte contre le non-recours, avec la solidarité à la source pour simplifier l’accès aux prestations. La redistribution sort près de 2 millions de personnes de la pauvreté monétaire, mais ne parvient pas à infléchir la tendance.
En clôture, Anne Rubinstein, déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, souligne « la difficulté du système redistributif à régler le problème de la pauvreté ». Les prestations « rendent la situation moins difficile », mais le volume de personnes concernées demeure élevé : « La pauvreté est une construction sociale ; corriger ses mécanismes relève des décideurs… et de la société tout entière. »
Trois tables rondes ont, enfin, pointé le rôle crucial des services publics et des associations, l’urgence d’outils pour aller vers les publics invisibles, et la nécessité de politiques coordonnées revenus-logement-mobilités-santé.
Message central : pour être efficace, la lutte contre la pauvreté doit conjuguer redistribution, accès réel aux droits et action territorialisée, au plus près des besoins.