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Guerre de succession chez les administrateurs territoriaux

Philippe Pottiée-Sperry
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Elections AATF

Deux listes vont s’affronter pour la présidence de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF). Deux visions différentes avec la liste menée par Karin Topin-Condomitti, voulant marquer la continuité, et celle de Rémy Berthier prônant « une gouvernance plus collégiale et transparente ».

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C’est parti ! Le dépôt officiel des listes était le 19 mars. Il y en aura donc deux pour la présidence de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF). L’élection se déroulera à l’occasion du prochain congrès qui se tiendra à Marseille, les 22 et 23 juin prochains. La campagne officielle va pouvoir commencer après une période de tensions. 

Deux listes concurrentes
Se présentant comme « la continuité », la liste ‘Avancer, Accomplir, Transmettre’ est conduite par Karin Topin-Condomitti, DGS de Cannes et ancienne secrétaire générale adjointe entre 2017 et 2020. Finalement, Fabien Tastet, président sortant ayant exercé trois mandats, n’y retourne pas et figure juste en dernière position (non éligible) sur la liste. L’option proposée, début février, par Amaury Brandalise, vice-président de l’AATF, pour un nouveau mandat partagé entre Fabien Tastet et une femme DGS, dont il aurait assuré le passage de témoin, n’a finalement pas été retenue. La liste s’inscrit dans la continuité et l’amplification de l’action menée depuis près de dix ans. Elle défend « une meilleure valorisation de nos métiers, de notre image et de nos parcours » avec « une parole qui pèse dans le débat public et porte les enjeux concrets des territoires ».
En face, la liste ‘Rassembler pour réussir ensemble’, dont le chef de file est Rémy Berthier, autre vice-président de l’AATF et DGA Ressources du département du Val d’Oise, prône « une gouvernance collégiale et transparente ». Elle souhaite aussi « renforcer le débat démocratique dans l’association », « accentuer l’ancrage dans les territoires » ou renforcer le lien avec les partenaires. Des critiques à peine voilées du bilan sortant. Si elle est élue, elle propose parmi ses premières actions de modifier les statuts de l’AATF pour instaurer, après référendum, une co-présidence femme-homme, et de créer un conseil scientifique ouvert aux partenaires intéressés. 

« Un vrai débat de fond »
Après plusieurs semaines tendues, tout le monde joue à présent l’apaisement et promet de privilégier le débat d’idées et non pas les questions de personne. « Nous allons avoir un vrai débat de fond et c’est tant mieux ! lance Karin Topin-Condomitti. Après un moment de divisions, il faudra bien se retrouver au congrès de juin ». 
« S’il existait vraiment un problème de fonctionnement dans l’association, il y aurait eu une liste face à Fabien Tastet en 2020 », interpelle la DGS de Cannes. Elle défend un bilan qui a permis de multiplier les opportunités professionnelles pour les administrateurs territoriaux grâce à « une marque à présent reconnue ». « Aujourd’hui, de nombreux adhérents de l’AATF travaillent en dehors du service public local. Il faut faire fructifier cette richesse, estime-t-elle. Moi-même j’ai travaillé durant dix ans à l’Etat ». 

Défense du bilan
Depuis le début de l’année, les deux listes battent déjà la campagne sur le réseau Linkedin. Avec le hashtag #FiersDuBilan, ‘Avancer, Accomplir, Transmettre’ a feuilletonné une série mettant en valeur 100 actions « qui ont fait grandir et réussir l’association ». La promotion du bilan met aussi en avant les avancées statutaires obtenues ou « une gouvernance plus démocratique et ancrée dans les territoires », justement critiquée par l’autre liste. « Je ne renie pas ce qui a été fait, tient à préciser Rémy Berthier. Il faut poursuivre dans ce sens. La question est plus sur la méthode avec le besoin de plus de concertation en amont et un portage moins personnalisé ».
« C’est le retour de 2014 avec le débat sur la ligne et deux visions qui s’affrontent, une pour peser dans le débat public et une autre plus amicaliste », s’inquiète un membre du bureau sortant. « Un retour en arrière n’est pas possible », insiste pour sa part Philippe Laporte, trésorier de l’AATF et DGS de la ville et l’agglo de Montauban.

« Travail d’influenceur »
Sur les critiques relatives à la prise de parole de l'AATF dans le débat public, « la question a été tranchée en 2014 », rappelle Philippe Laporte. Et de défendre l’action du président sortant : « Fabien est un communiquant. Son travail d’influenceur a boosté l’association. Nous sommes à présent entendus et reçus par les décideurs publics, notamment dans les ministères. La FPT a toujours eu du mal à se positionner par rapport à l’Etat et aujourd’hui nous avons réussi à franchir un plafond de verre ». 
De même, Karin Topin-Condomitti juge « normales et utiles » les prises de position. « Nous mettons en œuvre les politiques publiques, il est donc logique de pouvoir se positionner dessus, avance-t-elle. Nous restons à notre place et ne prenons pas celle des élus mais nous avons un avis sur le service public local et devons l’exprimer ». 

Positionnement de l’association
S’agissant des critiques sur le fonctionnement de l’association, Philippe Laporte ne les comprend pas en évoquant « un fonctionnement démocratique qui associe tout le monde ». Sur le positionnement de l’AATF, jugé trop politique par certains, il réfute l’argument en citant notamment l’exemple de la plateforme présidentielle de 2022 « avec un vrai travail sur les vingt propositions, autant de droite que de gauche, et un vote sur chacune d’entre elles ». Le DGS de Montauban réfute aussi l’idée d’un manque de collégialité. « Dans le bureau, chacun a pu porter de gros dossiers avec une vraie dynamique d’équipe. La richesse de l’association provient de ce travail en réseau ». 

Hauts fonctionnaires territoriaux
Positionnée comme l’association des « hauts fonctionnaires territoriaux », la ligne portée par Fabien Tastet ne plaît pas à tout le monde et donne du carburant à la liste concurrente. Rémy Berthier explique que ces derniers mois, durant le travail sur le projet, il a eu beaucoup de remontées négatives d’adhérents ou d’anciens adhérents de l’AATF. « Certains estiment que l’association s’occupe trop de la haute fonction publique et pas assez des questions du quotidien de notre statut d’emploi fonctionnel », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Stanislas Guerini a lui-même affirmé que le vocable haut fonctionnaire peut diviser. Il peut avoir un côté irritant, qui en outre n’est pas dans la culture territoriale. Je préfère le terme de dirigeant territorial ». 
« Notre ligne nous a procuré d’immenses succès et avancées, argumente pour sa part Fabien Tastet, dans la profession de foi de la liste ‘Avancer, Accomplir, Transmettre’. Jamais les hauts fonctionnaires territoriaux n’ont été aussi identifiés, reconnus, écoutés respectés, recherchés ». 

« Reconstruire du collectif »
Saluant la visibilité accrue de l’association ces dernières années, Karine Garcin-Escobar, vice-présidente de l’AATF et DGA de Marseille, alerte néanmoins sur « la chute des adhésions et le décrochage de certains collègues qui ne se sentent plus en phase avec l’AATF et jugent élitistes certaines actions ». Dans ce contexte, elle évoque « l’utilité » de la liste ‘Rassembler pour réussir ensemble’ pour « reconstruire du collectif ». Et de citer les nombreuses signatures de leur tribune comme la multiplication des adhésions ces dernières semaines, signe selon elle d’une « forte attente et d’une dynamique collective ».
Pour sa part, la liste de la majorité sortante continue de plaider, dans sa profession de foi, pour « conforter la marque administrateur territorial haut fonctionnaire territorial pour valoriser notre savoir-faire et développer la diplomatie de l’AATF ». En clair, le débat n’est pas tranché et ne manquera pas d’alimenter la campagne. 

« Diversité du cadre d’emplois »
Autre sujet sensible : le ou la présidente de l’AATF doit être un ou une DGS. Une position avancée notamment par Fabien Tastet. « Ce n’est pas dans nos statuts », rétorque Rémy Berthier qui préfère mettre en avant « la richesse et la diversité du cadre d’emplois et ne pas se limiter aux hauts fonctionnaires et aux DGS ». Il propose ainsi « une association de tous les administrateurs en phase avec l’évolution de la territoriale et une légitimité qui ne peut pas être juste basée sur les galons ». « Attention de ne pas rabaisser le parcours de certains et de donner l’image à nos adhérents que si on n’est pas DGS, on a raté sa vie ! », poursuit Karine Garcin-Escobar.
Le DGA du Val d’Oise évoque aussi « un manque d’écoute des délégations régionales ». Une critique balayée par Philippe Laporte qui évoque « une vraie collaboration avec elles ». Ce qui n’empêche pas sa liste de proposer de « mettre les délégations régionales au cœur de l’organisation et du pilotage des conseils d’administration ». 

Liens avec les associations professionnelles
Par ailleurs, Rémy Berthier souhaite « une proximité renforcée » avec les autres associations professionnelles, comme avec l’Inet et le CNFPT. Regrettant « la distance prise » ces dernières années, il plaide pour poursuivre le travail d’influence de l’AATF mais en le faisant en « concertation systématique avec tous les autres partenaires ». « Il faut sortir des tensions et changer de posture pour avoir des relations permanentes avec eux, explique-t-il. Excepté la défense du cadre d’emploi des administrateurs, nous devons pouvoir partager sur tous les sujets ». Et d’avancer : « nous seront plus forts en allant à plusieurs défendre des positions ».
Le chef de file de la liste ‘Rassembler pour réussir ensemble’ prône aussi la création d’un conseil scientifique, en voulant s’inspirer de celui de la MNT, pour « confronter les idées et échanger là aussi avec les autres acteurs de la FPT ». 

« Deux projets radicalement différents »
A présent que les listes sont déposées et les positions connues, la campagne devrait être riche et animée dans les délégations régionales. Evoquant « deux projets radicalement différents », Fabien Tastet estime que « ce débat de fond, à l’image de celui que nous avons connu en 2014, est l’occasion pour chacun d’exprimer ses convictions. Il sera déterminant pour l’avenir de notre association ». De quoi alimenter des échanges toniques !

Philippe Pottiée-Sperry
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